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Les champignons, ces tueurs si discrets

Muriel Lefevre

Si vous pensiez que l’amanite tue-mouches était le plus dangereux des champignons, vous vous trompez lourdement. Les plus meurtriers sont microscopiques et de plus en plus résistants.

Les champignons sont partout. Vraiment partout. Dans l’air, sur la surface de nos objets ou encore sur nos aliments. S’ils sont souvent utiles pour la nature et sans danger pour l’homme (sur 1,5 million d’espèces, seules quelques centaines auraient la capacité de survivre dans notre organisme), certains peuvent pourtant déclencher de graves pathologies.

Bien loin des sous-bois, ce sont les champignons de la famille des Cryptococcus, pneumocystis, aspergillus ou encore candida qui sont les plus dangereux. Ils tuent chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes. On parle de 1,6 million de victimes annuelles. Et ce ne serait encore là des estimations basses précise le professeur David Denning, directeur du Gaffi (le Fonds global d’action contre les infections fongiques) dans Le Monde qui consacre une large et passionnante enquête sur le sujet.

Aspergillus fumigatus
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« Même si les attaques fongiques frappent le plus souvent des patients immunodéprimés (des personnes qui ont par exemple le sida, ont subi une chimiothérapie, une greffe de moelle ou encore une transplantation d’organe NDLR), son traitement est rendu beaucoup plus difficile par le fait que le champignon est plus complexe qu’une bactérie et donc plus compliqué à traiter si l’on ne veut pas mettre en danger nos propres cellules. » Or, « une fois les pathogènes dans le sang, le pronostic devient effrayant. À l’échelle mondiale, le taux de mortalité parmi le million de malades traités avoisinerait les 50 %. » peut-on encore lire dans Le Monde.

Les maladies fongiques « compliquent aussi toutes les pathologies respiratoires, comme l’asthme sévère, quand ils ne les provoquent pas », explique encore David Denning. « Cela représente plus de 14 millions de personnes dans le monde et au moins 700 000 décès par an », assure le médecin britannique dans le quotidien français.

Trois fois plus de risques de contracter une infection fongique lors d’une grippe sévère

Les patients hospitalisés en soins intensifs pour une grippe grave ont 15% de risques de développer une infection fongique de type aspergillose. Durant un séjour en soins intensifs, le risque de développer une aspergillose est d’environ 5%, indique l’UZ Leuven sur base d’une étude menée dans des hôpitaux belges et néerlandais. Une infection fongique des poumons est une cause importante de décès: 45% des patients grippés qui contractent une aspergillose décèdent, même s’ils bénéficient d’un traitement adapté.

L’apparition de champignons multirésistants préoccupe aussi beaucoup les spécialistes. À l’hôpital de Nimègue aux Pays-Bas, l’une des références mondiales dans le domaine, on a enregistré le premier cas en 1999. Depuis ceux-ci ne cessent de croître. On observe même dans certains hôpitaux bataves un taux de résistance allant jusqu’à 23 %. Et « avec pour 85 % des patients infectés la mort dans les trois mois » dit encore Le Monde. On pointe du doigt les horticulteurs qui auraient plongé les bulbes des tulipes dans des bains d’azoles, l’un des principaux antifongiques. Comme pour les bactéries, les champignons ont ensuite muté pour devenir résistants.

Les champignons, ces tueurs si discrets
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On notera aussi l’apparition de « nouveaux champignons », comme celui découvert au Japon en 2009. Résistant à tous les traitements, le Candida auris frappe avec virulence dans les hôpitaux indiens, pakistanais, kényans et sud-africains.

Les champignons aussi dangereux pour les animaux et les cultures.

Des attaques fongiques peuvent mettre à mal des cultures entières, voire menacer la sécurité alimentaire. On estime que si le riz, le blé, le soja, le maïs et la pomme de terre subissaient une attaque fongique au même moment, c’est 39% de la population mondiale qui risquerait de ne plus avoir assez à manger. Par ailleurs, les maladies fongiques auraient provoqué 64 % des extinctions locales de plantes et 72 % des disparitions animales. Chez les amphibiens, par exemple, on constate aujourd’hui que 40 % des espèces sont menacées et que des dizaines auraient disparu. Un autre champignon ferait également des carnages auprès de la population de chauves-souris où, rien qu’aux États-Unis, il aurait tué plusieurs millions d’individus.

Mais ce qui inquiète le plus les spécialistes, c’est peut-être encore ces champignons qui touchent même les personnes immunocompétentes. Soit ceux dont le système immunitaire devrait être capable de se défendre seul face à une attaque fongique. Aux États-Unis, il y a par exemple ce qu’on appelle la « fièvre de la vallée ». S’il n’y a pas de statistiques précises, une estimation avance une centaine de morts. Il y a aussi les maladies pas forcément mortelles, mais avec de lourdes conséquences comme la sporotrichose qui provoque des infections cutanées et dont on constate une épidémie au Brésil.

Plus insolite, il y aurait jusqu’à 16 champignons dans vos draps

Selon une étude américaine du microbiologiste Philipp Tierno, il faudrait changer ses draps chaque semaine. Votre lit, ce lieu chaud et humide par excellence, on y perdrait jusqu’à 98 litres d’eau chaque année, peut en effet dénombrer jusqu’à 16 sortes de champignons.

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