"J'alerte le peuple du Venezuela qu'un coup d'État est perpétré contre les institutions, contre la démocratie, contre notre Constitution, contre le président Nicolas Maduro, notre président légitime", a déclaré le ministre de la Défense Vladimir Padrino Lopez © AFP

Venezuela: l’armée appuie Maduro face au soutien international à Guaido

Le Vif

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a reçu jeudi l’appui de l’armée pour contrecarrer le soutien international apporté au président du Parlement Juan Guaido, autoproclamé la veille « président » par intérim et immédiatement reconnu par les États-Unis et leurs alliés dans la région.

Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, a dénoncé lors d’une conférence de presse, où il est apparu entouré de tout le haut-commandement militaire, un « coup d’État » de la part du président du Parlement.

« J’alerte le peuple du Venezuela qu’un coup d’État est perpétré contre les institutions, contre la démocratie, contre notre Constitution, contre le président Nicolas Maduro, notre président légitime », a déclaré le ministre.

Huit généraux qui commandent des régions stratégiques du pays ont assuré peu auparavant leur « loyauté et subordination absolue » au président dans des messages diffusés par la télévision d’État

« Loyaux toujours, traîtres jamais », ont lancé certains en terminant leur allocution, où ils n’ont pas manqué de faire allusion à l’ex-président socialiste Hugo Chavez (1999-2013). Lundi, une brève tentative de soulèvement d’un groupe de militaires avait été rapidement réprimée.

Outre l’armée, Nicolas Maduro a reçu le soutien de ses alliés russe et chinois, qui ont dénoncé les « ingérences extérieures » au Venezuela. Le président russe Vladimir Poutine a exprimé jeudi son « soutien » à M. Maduro dans un entretien téléphonique. Cuba et le Mexique ont aussi maintenu leur appui.

De son côté, Juan Guaido, qui se trouvait jeudi « à l’abri » dans un lieu qui n’a pas été précisé, selon une source au sein de l’opposition, continuait à recevoir des messages de soutien de dirigeants d’Amérique et de l’Union européenne (UE), parmi lesquels le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Londres a affirmé par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jeremy Hunt que Maduro « n’est pas le dirigeant légitime du Venezuela ».

Mercredi, devant une foule de partisans de l’opposition, qui ont manifesté par dizaines de milliers contre Nicolas Maduro, Juan Guaido, 35 ans, s’est autoproclamé « président en exercice » du pays, en vue d’installer un « gouvernement de transition » et d’organiser des « élections libres ».

Le président américain Donald Trump a été le premier à le reconnaître comme président par intérim, suivi par une dizaine de pays d’Amérique latine et le Canada. L’UE a elle demandé des « élections libres » et la Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits humains, Michelle Bachelet, a appelé depuis Davos à une « solution politique pacifique ».

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a appelé jeudi l’Organisation des Etats américains (OEA) à reconnaître Juan Guaido comme « président par intérim du Venezuela ». L’OEA, dont le secrétaire général Luis Almagro a félicité Juan Guaido, doit débattre jeudi de la situation au Venezuela.

Une cinquantaine de pays considèrent comme « illégitime » le deuxième mandat de Nicolas Maduro, investi le 10 janvier, estimant que les élections de mai, boycottées par l’opposition et à l’issue desquelles il a été réélu, n’ont pas été transparentes.

– « Chute pas imminente » –

L’aggravation de la crise politique intervient en pleine débâcle économique dans ce pays pétrolier, jadis prospère et désormais frappé par d’importantes pénuries de nourriture et de médicaments, et soumis à une hyperinflation qui devrait atteindre 10.000.000% en 2019.

Depuis mardi, des foyers de protestation dans le pays ont fait 16 morts, selon des organisations de défense des droits humains. Dans la nuit, des troubles ont éclaté dans des quartiers populaires de la capitale.

Mercredi, Juan Guaido a appelé l’armée à se mettre « du côté du peuple qui souffre et de la Constitution » et a une nouvelle fois tendu la main aux militaires pour qu’ils désavouent Maduro, leur promettant une loi d’amnistie.

Pour les experts du cabinet Eurasia Group, la reconnaissance du haut-commandement de l’armée est vitale pour le président du Parlement, en vue de la mise en place d’un gouvernement de transition, car une « chute de Maduro ne semble pas imminente ».

Le chef de l’État vénézuélien doit assister jeudi à une session de la Cour suprême, acquise au pouvoir, qui a ordonné une enquête contre les membres du Parlement, contrôlé par l’opposition, les accusant d’usurper les prérogatives du président socialiste.

« Il peut y avoir une réaction en faveur de Maduro de la part de groupes qui le soutiennent, même une réaction violente contre Guaido ou le Parlement », estime le politologue Luis Salamanca.

– Plus que la diplomatie, l’économie –

En réponse à l’appui de Washington au chef de l’opposition, Nicolas Maduro a annoncé mercredi, devant des milliers de partisans, la rupture des relations diplomatiques avec les États-Unis et a donné 72 heures à leurs représentants pour quitter le pays.

Les États-Unis ont toutefois indiqué que le dirigeant socialiste n’avait pas l’autorité pour rompre les relations et expulser les diplomates, et dit qu’ils prendraient « les mesures appropriées » en cas de mise en danger de leur personnel diplomatique.

Dans un communiqué adressé à toutes les ambassades, Juan Guaido leur a demandé de « maintenir leur présence diplomatique ».

« Ce qui affecte véritablement (…) la capacité de gouverner du régime de Maduro, ce sont les mesures de restriction économique ou financière », a estimé auprès de l’AFP le spécialiste des relations internationales, Mariano Alba.

Les États-Unis achètent au Venezuela un tiers de sa production pétrolière, qui a chuté à 1,4 million baril/jour et représente 96% des entrées de devises. Selon Nicolas Maduro, ses ennemis souhaitent s’accaparer les réserves de brut du pays, les plus grandes au monde.

« Trump probablement va explorer la possibilité de geler des actifs (vénézuéliens). A l’avenir, pourraient s’y ajouter des sanctions pétrolières », estime le cabinet Eurasia Group.

Les manifestations de mercredi représentaient la première mobilisation d’ampleur depuis 2017. Les violentes manifestations avaient alors fait quelque 125 morts. L’opposition se prépare à une nouvelle grande marche pour la première semaine de février.

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