A 69 ans, la spécialiste des faillites Elizabeth Warren mise sur un programme plus offensif que de coutume pour l'emporter. Ici, le 5 janvier, dans l'Iowa. © B. Snyder/Reuters

Qui pour battre Trump ?

Le Vif

La sénatrice Elizabeth Warren est la première personnalité du Parti démocrate à annoncer sa candidature aux prochaines présidentielles. Beaucoup d’autres se tâtent…

Le costume ? Un simple cardigan, bleu comme ses yeux, et le  » col  » des ouvriers américains. Le décor ? Sa cuisine familiale. Dans une vidéo mise en ligne le 31 décembre, Elizabeth Warren se dit prête à partir à la conquête de la Maison-Blanche, à deux années de la fin du mandat de Donald Trump. Parmi les poids lourds de son parti résolus à détrôner le milliardaire, la sénatrice du Massachusetts est la première à sortir du bois.

Plusieurs dizaines d’autres prétendants ont été répertoriés par les médias américains, mais la plupart de ceux qui se sont déclarés sont inconnus du grand public. Ainsi, John Delaney a officialisé sa candidature dès juillet 2017, mais cet élu du Maryland à la Chambre des représentants réunit moins de 1 % des intentions de vote dans les sondages nationaux.

A lire les enquêtes d’opinion, l’ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden, serait l’éventuel candidat le plus apprécié. A 76 ans, il a déjà essuyé deux échecs, lors des primaires de 1988 et de 2008, et semble hésiter à se présenter. Il est suivi par son aîné d’une année Bernie Sanders, concurrent coriace face à Hillary Clinton lors des précédentes primaires démocrates aux présidentielles.  » Je serai sans doute candidat s’il s’avère que je suis le meilleur pour battre Donald Trump « , a déclaré le sénateur du Vermont, en novembre dernier. Les mieux placés à l’orée d’une campagne ne sont pas toujours ceux qui tirent leur épingle du jeu : deux ans avant son accession à la Maison-Blanche, le candidat Barack Obama n’était guère favori.

Beto O’Rourke, 46 ans, se verrait bien un destin à la Obama, justement. L’ancien président l’a reçu et complimenté en public il y a peu. Candidat malheureux au mandat de sénateur du Texas, en novembre dernier, cet excellent débatteur, charismatique et sûr de lui, veut capitaliser sur l’engouement qu’il a suscité au-delà de son Etat. Il appartient au camp des  » centristes  » de son parti, à l’instar de Joe Biden et d’autres prétendants supposés, tels le sénateur du New Jersey Cory Booker, un Afro-Américain de 49 ans, et l’ex-maire de New York, le milliardaire de 76 ans Michael Bloomberg.

Les démocrates ont longtemps cru qu’un programme modéré était une condition indispensable pour la victoire, d’où le succès de Bill Clinton et de Barack Obama. En 2016, la victoire surprise de Donald Trump, malgré ses outrances, a semé le doute. Classés à la gauche du parti, les  » progressistes  » croient enfin en leur chance, convaincus de réussir là où Bernie Sanders a échoué. Elizabeth Warren, pourfendeuse des excès de la finance depuis plusieurs années, fait le même pari.  » La classe moyenne américaine est attaquée, affirme dans sa vidéo la brillante universitaire, spécialiste des faillites. Les milliardaires et les grandes entreprises ont décidé que leur part du gâteau n’était pas suffisante. Ils ont donc engagé les politiciens pour leur en couper une plus grosse […]. Notre gouvernement est censé travailler pour nous tous, mais il est devenu un outil pour les riches.  »

Qui pour battre Trump ?

L’ancienne professeure de Harvard, âgée de 69 ans, ne sera pas la seule sur ce créneau. Elle pourrait subir la concurrence de Bernie Sanders, s’il décide de tenter à nouveau sa chance, ou de Kamala Harris, sénatrice de la Californie. A 54 ans, cette Afro-Américaine, ancienne procureure générale, s’est fait remarquer à l’automne par ses questions offensives lors de l’audition de Brett Kavanaugh, le juge ultraconservateur nommé par Donald Trump à la Cour suprême. Comme d’autres prétendants démocrates, elle a visité quelques-uns des Etats où se dérouleront les premières primaires, en février 2020, dont l’Iowa, qui ouvrira le bal.

Séduire le centre du pays

Quel sera le positionnement gagnant ? Difficile à dire. Un nombre record de femmes, de Noirs et de candidats issus de l’aile gauche du parti sont tentés de participer aux primaires. Et il existe une génération d’écart entre les candidats potentiels les plus âgés, comme Sanders, et les plus jeunes, tels O’Rourke ou Booker. L’âge et l’expérience ne font pas toujours la différence. Barack Obama officiait comme sénateur des Etats-Unis depuis deux années seulement lorsqu’il s’est lancé dans la primaire, en début d’année 2007.

S’il n’est pas officiellement candidat à sa propre succession, Donald Trump ne cache guère son impatience. Le magnat de l’immobilier apparaît plus à l’aise devant les caméras de télévision et sur les estrades des meetings, où il excelle dans le rôle du bonimenteur, que dans le bureau Ovale, où les subtilités inhérentes à l’exercice du pouvoir et à la diplomatie l’ennuient. D’ici aux prochaines présidentielles, nul doute qu’il va s’en donner à coeur joie. Déjà, il a réagi sur Twitter à la candidature d’Elizabeth Warren, l’une de ses cibles favorites, en se moquant à nouveau de ses lointaines origines amérindiennes.

Pour reprendre la Maison-Blanche à Trump, son futur adversaire devra séduire les Américains du centre du pays, et pas seulement ceux des côtes Est et Ouest, où la victoire démocrate ne fait aucun doute. Elizabeth Warren l’a compris et, dans sa vidéo, elle raconte son enfance dans l’Oklahoma, au sein d’une famille de la classe moyenne. Ses concurrents, eux aussi, devront veiller à s’adresser à ces électeurs blancs passés à Trump, dans des Etats comme le Michigan, la Pennsylvanie et l’Ohio, frappés par la désindustrialisation. Cela suffira-t-il pour que le camp démocrate l’emporte, quatre ans après le départ de Barack Obama de la Maison-Blanche ? Entre les candidatures aux présidentielles et le scrutin lui-même, il s’écoule entre dix-huit mois et deux ans. La route est longue. Et Trump possède l’avantage de l’avoir déjà empruntée.

Clément Daniez

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