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« Le colonialisme en Afrique a été un succès »

Muriel Lefevre

Andrew Mwenda, penseur africain non conformiste, pense que le colonialisme a été un succès et s’en explique dans De Standaard.

La corruption en Afrique? Selon Andrew Mwenda ce n’est pas à l’Europe de l’éradiquer. Tout comme il trouve la culpabilité postcoloniale « inutile ». Ce journaliste critique originaire d’Ouganda, élu en 2010 par le Foreign Policy comme l’un des 100 meilleurs « penseurs mondiaux », revient dans De Standaard sur ses positions qui bousculent pas mal de clichés qui régissent encore la politique de développement en Afrique.

Pour lui, par exemple, « le colonialisme est le projet le plus réussi des 200 dernières années. La seule différence c’est qu’aujourd’hui ce sont les élites noires qui en sont à la tête « . Il estime que « l’état postcolonial a, en réalité, les mêmes idéaux que le colonialisme. Soit de rendre les Africains moins traditionnels et les entraîner vers le capitalisme moderne. A l’exception notable que l’on ne parle plus aujourd’hui d’installer la civilisation, mais bien la démocratie et qu’il n’est plus question de routes commerciales, mais bien d’investissements. Les élites noires se sont contentées de reprendre la vision de leurs prédécesseurs, sans pour autant que cela soit toujours dans l’intérêt de la population. »

La décolonisation est une fiction

« L’idée même de décolonisation est une fiction », dit-il encore, « car les dirigeants ne souhaitaient pas l’indépendance en tant que telle, mais, plus prosaïquement, de s’installer aux manettes. De toute façon, peu d’Africains souhaitent rester dans leur contexte traditionnel. Même dans les zones les plus rurales, ils veulent tous être aussi modernes qu’en Europe. Les gens espèrent que leurs enfants aillent à l’école, apprennent les langues européennes et gravissent les échelons de la bureaucratie ou du monde des affaires. »

« Le problème, c’est que les élites africaines sont toujours unies dans leur croyance indéfectible en les investissements venus de l’étranger. » poursuit-il. Pour lui, c’est une idée absurde puisqu’aucun pays n’est devenu fort grâce à ces seules aides. « Nous avons besoin d’entrepreneurs africains qui doivent posséder entre 70 et 80% des actions et pour cela établir des règles strictes à ce sujet. Le vrai désastre, c’est qu’on a aujourd’hui, dans la plupart des pays africains, une politique qui ne vise qu’à attirer les investissements étrangers et non à encourager les entrepreneurs locaux.

Sans corruption, l’Afrique s’écroule

A ces yeux toujours, la corruption est partie prenante de l’Afrique. « Si vous supprimez toute corruption en Afrique, alors l’État africain s’effondrera. En faisant cela, on supprime la colle qui permet aux coalitions multiethniques de se retrouver ensemble dans un état qui fonctionne. On tente d’imposer l’idéal européen à une société qui fonctionne très différemment et on se retrouve avec des questions qui sont tout simplement irréalistes. La corruption et le favoritisme permettent de concilier de manière pragmatique le concept importé d’État avec le contexte social existant en Afrique. « Je n’essaie pas de faire un jugement moral à ce sujet, je constate juste que les États africains ont beaucoup trop peu de moyens. Il suffit de comparer avec l’État fédéral américain qui peut dépenser environ 23 000 dollars par personne et l’Ouganda, où c’est à peine 170 dollars. Le gouvernement ougandais ne peut donc pas offrir à tous ses citoyens suffisamment de biens et de services. Pour garantir l’obéissance de tous les groupes ethniques, la corruption devient rapidement la méthode la plus pratique et la plus rentable. Par exemple, en choisissant un chef de file parmi un groupe donné pour un poste ministériel et en lui demandant d’aider les habitants de sa communauté avec un budget officiel. Bien sûr, parfois la corruption est telle que la société ne reçoit pas assez. Mais, en Afrique, on ne peut être un leader efficace sans donner de ressources officielles à ses électeurs ».

L’Europe et le passé colonial

L’Europe ne devrait pas non plus culpabiliser sur son passé colonial. « Bien sûr, le projet colonial était brutal, violent et déshumanisant. Mais ce qui le rendait vraiment illégitime pour beaucoup d’Africains, c’était qu’il était imposé par un groupe venu de l’étranger qui avait une idéologie de supériorité raciale. Il y a eu des dirigeants précoloniaux africains qui ont utilisé les mêmes tactiques et qui sont encore admirés aujourd’hui. Toute cette discussion a pour origine le fait que l’Europe traverse actuellement une période de deuil émotionnel. »

L’Europe serait devenue trop riche et aurait, à son goût, perdu trop de sa barbarie. « Il y a trois phases dans chaque culture: celle de la barbarie, celle du raffinement culturel et celle de la décadence. Vous êtes dans cette phase de décadence et c’est ce qui explique pourquoi vous êtes tellement concentré sur votre passé. Vous ne pouvez plus apprécier ce que vous avez. Sauf que cette Europe riche ne s’est pas faite par magie : des gens ont dû faire beaucoup de choses laides et cela a coûté la vie à de nombreuses personnes. Vous ne connaissez plus ce prix. Vous regardez les actions de vos ancêtres et vous êtes étonné de leur brutalité. Cette sentimentalité est un luxe. « 

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