Sur la photo, Khrouchtchev et Eisenhower sont tout sourire. Mais la bonne humeur du leader soviétique va bien vite virer à la colère. © UNIVERSAL HISTORY ARCHIVE/UIG VIA GETTY IMAGES

Le 19 septembre 1959, le jour où Khrouchtchev a été privé de Mickey

Inédit ! Avant lui, jamais le premier des Soviétiques n’avait foulé le sol américain. En atterrissant à Washington, Khrouchtchev pose un acte historique. L’homme en est conscient. Sur le tarmac, il se montre rassurant et affable : « Nous sommes venus à vous le coeur ouvert et animés de bonnes intentions », clame-t-il, avant de monter dans une voiture officielle, aux côtés du président américain Eisenhower. Le soir, un dîner officiel rassemble les hauts dirigeants et leurs épouses respectives. Aucun faux pas : ce début de voyage est une réussite.

Depuis 1953 et la mort de Staline, l’heure est au rapprochement entre les deux superpuissances. A Moscou, sous l’impulsion de Khrouchtchev, un processus de  » déstalinisation  » s’est engagé. Le culte de la personnalité, qui prévalait sous le régime du dictateur, est doucement condamné. Par ailleurs, le nouvel homme fort du Kremlin n’est pas un va-t-en guerre ; si la paix reste impossible, la guerre paraît aussi improbable.

C’est dans ce contexte que des rencontres au sommet sont programmées. En janvier 1959, Mikoïan, le vice-Premier ministre de l’URSS, est accueilli à Washington. Quelques mois plus tard, le vice-président américain, Nixon, se rend en URSS. Le 15 septembre, Khrouchtchev arrive donc aux Etats-Unis. Le programme du séjour alterne discours officiels, rencontres diplomatiques et visites de terrain. Il se compose aussi de nombreux moments de pleasure. Accompagné de toute sa famille, le chef communiste n’est pas là que pour travailler !

Le 19 septembre, la délégation soviétique débarque à Los Angeles. La journée commence dans la bonne humeur, par une visite des studios de la Twentieth Century Fox, à Hollywood. Khrouchtchev y déjeune avec quelques stars, parmi lesquelles Frank Sinatra et Marilyn Monroe. Vient le drame. Invoquant des raisons de sécurité, les officiels américains lui annoncent qu’il ne peut visiter Disneyland. Ouvert à peine quatre ans plus tôt, le parc est déjà un incontournable. Tomorrowland, animaux robotisés, train à vapeur, fontaines de soda… Au service du rêve (et de la consommation), ce temple de la magie (et du capitalisme) accueille chaque année des millions de visiteurs. Des plus anonymes aux plus prestigieux.

Pas de Mickey ? Le prince du Kremlin ne sourit plus. Pour lui, c’est même un minidrame. Qui provoque une colère plutôt chaude. Devant journalistes, il se lâche :  » Quel est le problème ? Y a-t-il des rampes de missiles ici ? (…) Ou une épidémie de choléra ? A moins que des gangsters se soient emparés du parc, et s’apprêtent à me tuer ? Que dois-je faire ? Me suicider ? (…) Pour moi qui suis votre invité, cette situation est inconcevable. Je ne pourrai pas l’expliquer à mon peuple.  »

Pourquoi Mr K. ne fut-il pas autorisé à se rendre au parc ? Pas parce que Walt Disney s’y serait personnellement opposé – comme on le racontera parfois par la suite. Mais bien pour des raisons de sécurité. Et, surtout, parce que la visite ne figurait pas au programme. Et que l’organiser en quelques heures était impossible. Tout simplement.

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