Un Ilyushin 20. © Belga

Avion russe abattu par les Syriens: sans doute un défaut de communication entre alliés

Le Vif

L’appareil russe abattu lundi soir par les Syriens a sans doute été victime d’un défaut de communication entre les deux alliés, estime le général en retraite Jean-Paul Palomeros, ex-chef d’état-major de l’armée de l’Air française, jugeant peu crédible le scénario avancé par Moscou du « camouflage » d’un avion israélien dans le signal radar de son appareil.

A votre sens, comment expliquer qu’un avion de reconnaissance russe ait pu être abattu par la défense anti-aérienne syrienne, juste après une attaque de l’aviation israélienne en Syrie?

Jean-Paul Palomeros : Mon sentiment , c’est qu’il s’agit d’une méprise, d’une confusion de plots » (empreinte visuelle) « sur le radar. La taille des plots n’est pas proportionnelle à la taille des avions. La confusion est tout à fait possible. Evidemment, les Israéliens ne se sont sans doute pas montrés coopératifs. Mais a priori les Russes non plus, puisqu’il semblait s’agir d’une mission de surveillance assez confidentielle. Les Syriens ne savaient pas forcément ce que faisait là cet avion russe.

Après, tout dépend aussi des opérateurs. L’identification d’un mobile qui va vite dans un espace aérien restreint, en temps de guerre, repose sur des moyens techniques et humains. Or les Syriens sont en guerre, ils sont attaqués, ne sont pas forcément entraînés au meilleur niveau… Tout cela ouvre la voie à ce type d’erreur.

Syriens et Russes n’ont pas le même niveau de préparation, de sophistication que celui des forces occidentales, notamment au sein de l’OTAN. Normalement un opérateur entraîné voit les différences de vitesse entre un chasseur et un Iliouchine. Mais dans le « brouillard de la guerre », avec des opérateurs syriens plus ou moins bien entraînés, la confusion a pu avoir eu lieu.

Moscou accuse les pilotes des F-16 israéliens d’avoir délibérément mis en danger l’avion de reconnaissance russe en se camouflant dans le signal radar de l’avion russe. Est-ce une hypothèse crédible?

Là, à mon sens, on est dans du James Bond, ou alors dans le hasard. Je ne vois pas pourquoi un chasseur israélien irait se cacher derrière un avion russe, il a bien d’autres choses à faire. De plus, l’armée de l’Air israélienne est l’une des meilleures au monde, elle dispose sans doute de moyens de brouillage.

Pour être dans le même écho radar, il faut vraiment être collé à l’avion. Si un chasseur se met sous un avion de ligne, en se débrouillant bien vous n’avez qu’un écho radar. Mais dès que vous sortez de l’ombre électromagnétique de l’avion, deux plots réapparaissent.

Encore une fois, tout dépend du niveau d’entraînement des opérateurs. Si à un moment l’avion russe a mis le cap vers la Syrie, l’opérateur de défense anti-aérienne a pu le prendre pour un avion attaquant, en l’absence d’information de la part de l’avion permettant de lever le doute. Cela rejoint un peu la méprise sur l’avion de ligne néerlandais (MH17, ndr) en Ukraine, descendu par un système sol-air en 2014.

La Russie accuse Israël de ne l’avoir prévenue de l’attaque que moins d’une minute avant. Peut-on en déduire que Russes et Israéliens se coordonnent d’habitude en cas de frappe israélienne en Syrie?

Qu’il y ait une coordination de principe entre Russes et Israéliens, à mon avis plus politique que militaire, pourquoi pas… Il doit y en avoir a minima. Mais vous imaginez bien que quand les Israéliens vont frapper en Syrie ils ne vont pas avertir les Russes longtemps à l’avance, sinon ils s’exposent, l’information est transmise instantanément.

Pour éviter la confusion il faut éloigner les avions qui peuvent être confondus. A la vitesse où vont les avions, la coordination doit se faire très en amont. Mais cela se fait entre alliés.

Dans le cas des frappes occidentales en Syrie en avril dernier, les Russes savaient que nous allions frapper des sites chimiques. Après, on ne leur a pas envoyé le script des attaques, pas plus que les Israéliens ne le font. C’est de la coordination très lâche qui se fait dans ces cas-là. Entre alliés c’est une coordination très serrée à la seconde près.

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