© BELGA/Antony Gevaert

Les « gilets jaunes », une « leçon » pour les défenseurs du climat

La crise des « gilets jaunes » en France, et dans une moindre ampleur en Wallonie, est une « leçon » pour les défenseurs du climat: les politiques pour freiner le réchauffement ont un prix, et pour réussir, elles doivent se soucier des injustices sociales, soulignent les observateurs à la COP24.

Depuis le début de la 24e Conférence de l’ONU sur le climat (COP24) il y a 10 jours, le mouvement qui secoue la France, parti de revendications sur la fiscalité écologique sur les carburants, est sur toutes les lèvres.

La Pologne, présidente de cette réunion qui doit d’ici la fin de la semaine donner vie à l’accord de Paris destiné à limiter le réchauffement bien en-deçà de +2°C, s’était emparée du sujet dès l’ouverture, y voyant une preuve à charge contre les politiques climat.

« Nous ne pouvons pas mettre en oeuvre des politiques climatiques contraires à la volonté de la société et au détriment des conditions de vie », avait déclaré son président Andrzej Duda, défendant bec et ongle l’industrie polonaise du charbon.

Même interprétation pour Donald Trump qui a suggéré de « mettre fin » à l’accord de Paris « ridicule et extrêmement cher ».

Face à ces réactions, la France est venue expliquer à Katowice que le mouvement n’était pas seulement lié à la transition écologique, pour éviter qu’il ne soit utilisé par certains pour « freiner » les ambitions climatiques.

Une situation bien comprise dans les couloirs de la COP24, où dominent plutôt les interrogations sur la méthode: l’impact sur les populations de la « nécessaire » transition écologique serait-il resté trop longtemps dans l’angle mort des défenseurs du climat? Malheureusement oui, répondent les intéressés.

« Ceux d’entre nous qui ont plaidé pour les politiques de lutte contre le changement climatique n’ont pas du tout été assez attentifs aux impacts à court terme, potentiellement importants », reconnaît ainsi Andrew Steer, expert du World Resources Institute. « Nous devons retenir la leçon ».

La situation française a le mérite de « renforcer les points de vigilance » sur les moyens de réaliser la transition écologique « de façon plus équitable », poursuit David Levaï, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

La question de la « transition juste », portée depuis des années par les syndicats, était jusqu’ici plutôt réservée à l’accompagnement des travailleurs des secteurs directement ciblés par la transition, en particulier les énergies fossiles. La Pologne a présenté la semaine dernière une déclaration en ce sens, vue par certains comme une excuse pour freiner la sortie du charbon.

Mais sous l’impulsion de la crise des « gilets jaunes », un concept beaucoup plus large a émergé. « La transformation est perturbatrice. Donc si vous voulez faire cette transformation, il faut que les gens vous suivent », commente Camilla Born, du think tank E3G, notant une « anxiété sociale » à prendre en compte. Et les manifestations françaises, selon elle, illustrent la façon dont « vous pouvez mal vous y prendre ».

Le ministre wallon de l’Energie et du Climat, Jean-Luc Crucke, a estimé lundi à Katowice qu' »opposer les uns aux autres serait une erreur ». « Il y a un triangle économie, écologie et adaptabilité sociale et le défi est de résoudre cette équation-là », a-t-il déclaré, souhaitant éviter que des gens ne soient laissés sur le côté d’un chemin qu’il est nécessaire d’emprunter.

« La force des ‘gilets jaunes’ est de nous rappeler que la transition c’est quelque chose de très concret, qui ne se discute pas dans des arènes comme ici, mais se passe sur des ronds-points et des parkings de supermarché », note de son côté Nicolas Haeringer de l’ONG 350.org, reconnaissant que le mouvement climat a parfois « oublié » cet aspect des choses en particulier dans les pays riches pas encore vraiment frappés par les catastrophes climatiques.

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