Christian Makarian

2019 sera-t-elle vraiment l’année du Brexit ?

Au-delà de l’impasse politique invraisemblable à laquelle il a abouti au sein du Royaume-Uni, le Brexit représente un défi pour toute organisation structurée.

Si la date en est fixée au jour et à la minute près, le 29 mars 2019, à minuit, les modalités concrètes demeurent inconnues. C’est là une incohérence inédite. Pourtant, à l’aune des grandes  » sorties  » de l’histoire, le Brexit n’est pas un événement sans précédent. Même s’il n’existe pas de comparaison réellement appropriée, on peut se remémorer une autre grande échappée, qui devait avoir des conséquences planétaires et qui n’en eut guère, à savoir le retrait de la France de la structure militaire de l’Otan, le 7 mars 1966. Ce jour-là, dans une lettre adressée au président américain Lyndon B. Johnson, le général de Gaulle annonce que son pays  » se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté « . En clair, Paris cesse de participer aux commandements intégrés de l’Otan et ses forces ne sont plus à la disposition de l’Alliance. Comme dans le cas britannique face à l’Union européenne, c’est l’aboutissement d’une crise larvée qui remonte à des années en arrière ; dès 1959, la France refuse de stocker sur son sol des armes nucléaires étrangères, ce qui entraîne le transfert hors de France de deux centaines d’avions militaires américains.

La meilleure solution pour éviter une inextricable sortie sans accord serait de tenir un second référendum.

Le détricotage est complexe ; entre autres difficultés, le siège de l’Otan se trouve alors porte Dauphine, à Paris. Le 8 juin 1966, le retrait est effectif ; l’Otan déménage à Bruxelles. En pleine guerre froide, dans un monde bipolaire, l’impact est considérable : on parle de fracture du bloc occidental face au danger nucléaire soviétique et, déjà, de la nécessité de doter l’Europe d’une défense indépendante. Là encore, autre parallèle, la France ne sort pas pour autant de l’Alliance atlantique, pas plus que le Royaume-Uni n’interrompra ses relations étroites avec le partenaire économique indispensable qu’est l’UE. Pour finir, le gaulliste Jacques Chirac fera évoluer la position française, en 1996, et Nicolas Sarkozy proclamera le retour de la France au sein du commandement intégré de l’Otan en 2009 (sauf le comité des plans nucléaires).

Peut-on tirer une leçon de cet épisode ? Pour le Royaume-Uni, l’appartenance à l’UE s’apparente à une réalisation certaine, bien qu’imparfaite et insatisfaisante, tandis que le Brexit relève d’un fantasme politique dépourvu de réalité. C’est à ce mur du réel que Theresa May se heurte, dans un exercice infernal qui fait d’elle l’accoucheuse d’une psyché nationale déchirée entre l’inconscient inavoué du  » remain  » ( » rester « ) et le conscient conflictuel du  » leave  » ( » partir « ). Au péril de son destin personnel, elle a seulement permis à chaque camp, conservateurs et travaillistes, au sein de la Chambre des communes où un vote sur l’accord est prévu le 15 janvier, de mesurer la profondeur de l’impasse dans laquelle leur nation s’est enfoncée. Pour preuve, la petite Irlande de Dublin, naguère colonie anglaise pauvre et maltraitée, apparaît à ce jour plus forte que la grande Angleterre.

C’est pourquoi la meilleure solution pour éviter une inextricable sortie sans accord, le 29 mars 2019, serait, de loin, de revenir vers le peuple et de tenir un second référendum. Ce qui suppose notamment la défaite finale de Theresa May, totalement opposée à cette idée (sauf revirement spectaculaire), et, surtout, que la question soit cette fois clairement posée afin de lever toutes les ambiguïtés :  » Voulez-vous rester dans l’Union européenne ?  » To be or not to be…

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