Carte blanche

Réveil écologique : ne soyons pas dupes

On voit fleurir au sein du monde politique, dans les médias et sur les réseaux sociaux, des générations spontanées d’écologistes récemment convaincus. Opportunistes ou sincères?

Après la « vague verte » des élections d’octobre, dans la foulée de la manif « Claim The Climate » du 4 décembre qui mobilisa probablement près de 100.000 personnes, au coeur du sillon des #Rise, des #Claim et des #Youth, après le discours du roi… on voit fleurir au sein du monde politique, dans les médias et sur les réseaux sociaux, des générations spontanées d’écologistes récemment convaincus (même s’il reste de-ci de-là une demi poignée d’irréductibles climato-négationnistes). Opportunistes ou sincères ?

Soyez bienvenus…

Je leur souhaite la bienvenue en écologie en général et en écologie politique en particulier. Il n’y a ni dogme auquel croire, ni doxa à apprendre par coeur, mais bien un objectif à partager sans tourner autour du pot: vouloir changer le monde pour qu’il reste vivable pour nos enfants en luttant contre les inégalités ici et maintenant. Il y a une foule de chemins possibles pour y parvenir (souvent complémentaires) et celui qui prétendra vous servir LA solution est un fou ou un sot: il y a place pour la débat, tant de défis à relever et bien des solutions à créer collectivement. Il n’empêche, comment mettre en oeuvre une écologie à la fois sobre et féconde, comment passer de la parole aux actes quand on ne connaît ni le Rapport Meadows ni le « trépied » de l’écologie ; qu’on a pas lu – même un peu – Hopkins ou Jackson, qu’on ne connait ni René Dumont ni les notions de transition ou de résilience; qu’on a toujours « cru » à la croissance comme les enfants croient à la petite souris?

Chaque jeudi les jeunes nous appellent à agir et c’est une musique enthousiasmante – même si les tambours de l’urgence résonnent fort – quand on a fait de ce combat le socle même de son action politique (comme moi-même et comme tant d’autres avant, avec ou après moi). Que chaque jeudi puisse grossir les rangs des écologistes convaincus, convaincants, résolus, activistes est ce qu’il peut arriver de mieux à notre planète et à toutes les espèces qui y vivent aujourd’hui ou y vivront demain. Ce qui appelle à réfléchir, d’autant que nous sommes à quatre mois d’élections cruciales: régionales, fédérales et européennes!

… mais tout le monde n’est pas dupe!

Mais cette « génération spontanée » d’écologistes ne doit pas prendre les gens, les jeunes les électeurs pour des idiots: il faut se mettre au turbin et rattraper 10-20-30 voire 40 ans de retard pour certains! Circuits-courts, sobriété, économies d’énergie, décarbonation de l’économie, arrêt de l’étalement urbain, lutte contre la pollution de l’air, relocalisation de l’économie… les défis sont colossaux et doivent être relevés par notre génération: remettre à plus tard n’est PAS, n’est PLUS une option. Je ne préjuge de rien et espère un véritable « bond en avant » dans les programmes politiques, un coup de barre dans les priorités politiques, un énorme branle-bas de combat, mais j’avoue sans fard un certain scepticisme… qui ne demande qu’à être détrompé.

De l’intérêt de la mémoire des faits

En 2014 Inter-Environnement Wallonie (fédération des 150 associations de défense de l’environnement) avait fait un minutieux travail d’analyse des programmes électoraux en deux volets: d’une part l’analyse des programmes des partis, avec commentaire et décryptage; d’autre part un résumé sous forme de « bulletin » autour de 10 enjeux-phares pour l’environnement*, avec un score allant de 0 à 3 : Urgence environnementale, Développement durable et gouvernance, Fiscalité environnementale, Economie circulaire, Climat, Fiscalité automobile, Aménagement du territoire, Agriculture, Biodiversité, Pollutions et santé. C’est peu de dire qu’il y avait de la marge entre les meilleurs et les moins bons, ce que certains tentent de faire oublier aujourd’hui. Il y a parfois de l’écart entre un programme et la réalisation (surtout en coalition), mais ça dit quand même des choses en termes de volontarisme, de prise de conscience, d’intentions voire d’expertise (y compris pratique).

Les résultats de 2014 étaient limpides, pour ne pas dire accablants pour certains qui se « réveillent » tout à trac aujourd’hui:

  • cdH: 12/30 3ème score.
  • FDF/DéFi: 9/30 4ème score.
  • Ecolo: 26/30 1er score.
  • MR: 3/30 5ème et avant-dernier score.
  • PS: 17/30 2ème score.
  • PTB: 2/30 6ème et dernier score.

Aucune raison de pointer du doigt qui que ce soit (les différents programmes 2019 ne sont pas encore sortis), on aura besoin de tous les bras pour relever le défi de notre génération, mais des priorités des partis pour ces élections on pourra tirer une conclusion: ce sera « engagement » ou « récupération ».

Réveil écologique : ne soyons pas dupes
© DR

Soit il y a un vrai virage dans les familles politiques concernées (libérale, socialiste, démocrates-chrétiens, communistes, libéraux-sociaux), soit il s’agit de tromper les gens et en ces temps de crise démocratique ce serait un terrible message aux citoyens-électeurs.

Et la méthode ?

Plus interpellant encore, c’est qu’côté de la ruée sur les thèmes écologiques, rien de semblable sur la manière d’exercer le pouvoir : démocratie délibérative interne, limitation de mandats, décumul, rétrocessions très conséquentes, déconcentration des pouvoirs… rien de tout cela ne semble inspirer ces familles politiques fraîchement éveillées à l’écologie. Peut-être parce qu’il n’y a pas qu’une seule manière de faire de l’écologie ? Plus certainement parce que « on a toujours fait comme ça » et que d’aucune pensent que sauver le climat peut se faire sans remettre en question ni soi-même, ni son parti, ni le mode d’organisation de nos sociétés ? Je pense que c’est une grave erreur : pour changer le monde il faut d’abord se changer soi, et ça vaut pour les individus comme pour les organisations.

Quentin le Bussy, Conseiller communal Vert Ardent à Liège

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