Hendrik Cammu © Nola Cammu - wikiportret.nl

« Si vous restez plus d’un an à la maison, il est très probable que vous ne retravailliez jamais »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

La semaine dernière, le magazine spécialisé Medi-Sphere rapportait que la ministre de la Santé Maggie De Block (Open VLD) étudiait l’établissement de durées standardisées d’incapacité de travail pour huit pathologies. Si la mesure a suscité de nombreuses protestations dans les milieux médicaux, elle a aussi ses défenseurs.

Hendrik Cammu, gynécologue à l’UZ de Bruxelles, et pratiquant convaincu de médecine sociale, est l’un d’eux. Interrogé par le quotidien De Morgen, il explique pourquoi l’idée ne lui paraît pas si mauvaise. « Je travaille à Jette, une commune bruxelloise où vivent de nombreuses personnes pauvres et peu qualifiées, et je travaille dans un hôpital avec un salaire fixe, donc sans frais. Pour les personnes avec un budget limité, nous sommes une clinique intéressante. « , raconte-t-il.

Somatisation

Ces personnes sont particulièrement touchées par les maladies de longue durée, et par ce qu’on appelle l’alexithymie. « Il s’agit d’une caractéristique de la personnalité des personnes qui ne peuvent pas décrire correctement leurs sentiments et qui ne comprennent pas que les maux de ventre, les douleurs chroniques, les palpitations et l’hypertension artérielle peuvent être déclenchés par des émotions. Ce phénomène de somatisation est moins fréquent chez les personnes hautement qualifiées, qui ont plus de compétences cognitives et une meilleure connaissance de leur santé. »

Ainsi, parmi les personnes peu éduquées, le stress au travail se traduira davantage en maux de dos et en burn-out. « Si j’ai une intoxication et que je suis malade la nuit, je pourrais appeler ma secrétaire le matin et lui demander d’annuler tous mes rendez-vous. Mais je ne le fais pas. Quelqu’un qui travaille en cuisine ou à la chaîne va le faire, car ces gens ont moins de liberté pour régler leur travail. Moins on a de liberté dans son travail, plus on va la chercher une solution dans l’absentéisme.

Pour lui, la mesure de Maggie De Block se défend, à condition qu’elle se base sur des études sérieuses. « La médecine est empirique, et l’empirisme permet d’établir des directives. Vous examinez une cohorte de patients atteints de la même maladie, vous leur posez des questions sur leur rétablissement, vous calculez le plus grand dénominateur commun et vous en faites un protocole standard. Mais il faut pouvoir faire preuve de flexibilité ».

400 000 malades de longue durée.

Comme le constate De Morgen, l’intention de la ministre de la Santé est clairement de s’en prendre à ceux qui profitent du système. Il y a en effet 400 000 malades de longue durée en Belgique, et ce chiffre augmente chaque année. Si Cammu ignore combien d’entre eux sont suspects, il explique que tous les médecins, et certainement à Bruxelles, reçoivent des patients qui ont mal partout. « Quand on leur demande s’ils travaillent, ils répondent : ‘Ah non, je suis sur la mutuelle.' »

La manière dont le travail est organisé n’est pas étrangère non plus à l’absentéisme. De Morgen cite l’exemple d’Aviapartner où les bagagistes ont une demi-heure pour charger l’avion. Pour gagner du temps, l’échelle est retirée de la soute, et les bagagistes n’ont qu’à sauter. « C’est un pur scandale », admet Cammu, qui évoque aussi le downsizing, une pratique qui consiste à ne plus remplacer les gens qui partent à la retraite.

Avant de chercher à réduire le nombre de malades de longue durée, il est important de miser sur la prévention, sinon les malades risquent se de retrouver au chômage et puis de retomber sur un revenu d’intégration. « Il demeure important d’intégrer rapidement ces gens dans un trajet. Je connais peu de statistiques, mais je sais que quelqu’un qui reste chez lui pendant plus d’un an a moins de 10% de chance de retravailler un jour », conclut-il.

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