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« Nettoyez la gare du Nord, ou les bus De Lijn ne s’arrêteront plus ici »

Muriel Lefevre

« Dangereuse et sale, la gare de Bruxelles-Nord met en danger les services de De Lijn. Si Bruxelles n’intervient pas rapidement, De Lijn ne viendra plus chercher les voyageurs », a menacé le ministre flamand de la Mobilité, Ben Weyts. Mais voilà, le dossier est plombé par la vente du Communication Centre North, un immense bâtiment situé à la gare du Nord qui attise la convoitise du monde immobilier. On a là tous les ingrédients d’une bisbille qui cristallise à elle seule la complexité bruxelloise.

Ben Weyts, le ministre flamand de la Mobilité, n’est pas content et tape du poing sur la table. « Les bus de la société flamande « De Lijn » ne s’arrêteront plus à la Gare du Nord si rien n’est fait pour régler les nuisances qu’ils y rencontrent », vient-il d’annoncer. Il faut dire que la situation est bloquée depuis plus d’un an. À cause de la complexité intrinsèque de la capitale et de ces nombreux niveaux pouvoirs, mais aussi par la faute d’une vente qui traine à se concrétiser… depuis 7 ans.

Huit quais sous la gare

« De Lijn » dispose de huit quais sous la gare. Selon le ministre N-VA, les premiers froids poussent certains sans-abris, notamment des transmigrants du parc Maximilien, à trouver refuge à cet endroit. M. Weyts déplore les déchets qui s’accumulent, les abris de fortune pour dormir.

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« Les voyageurs et le personnel ne se sentent plus en sécurité. Le quartier est également en proie à épidémie de vols. Le nombre de vols a augmenté de 82% au cours des huit premiers mois de cette année, le nombre de vols avec violence de 37%.  » « De Lijn fait tout son possible. Le service de sécurité est mobilisé, chaque incident est signalé à la police des chemins de fer et il y a une concertation permanente. Mais De Lijn est locataire et ne peut donc pas élaborer de solution structurelle », a expliqué le ministre.

Guéguerre PS-N-VA autour du parc Maximilien

Ce parc bruxellois où résident de nombreux migrants fait l’objet de nombreuses tensions entre la N-VA et les autorités bruxelloises. Selon le bourgmestre PS, Philippe Close, à travers le gouvernement fédéral, la N-VA laisse pourrir les choses. Des migrants seraient même amenés de la Flandre vers Bruxelles. Mais selon la N-VA, le PS dorlote délibérément les migrants pour montrer que la N-VA ne parvient pas à gérer la situation.

Dave Sinardet fait remarquer dans De Morgen que remettre cette actualité au gout du jour à six mois des élections n’est pas une mauvaise opération pour les deux partis. « La N-VA espère toujours obtenir de bons résultats à Bruxelles, malgré des résultats décevants aux communales. Si elle parvient à obtenir une majorité dans le groupe néerlandophone, elle sera incontournable dans la formation du gouvernement bruxellois. Elle souhaite aussi séduire des francophones. Si le parti parvient à séduire 6% de Bruxellois francophones, en plus de ceux qu’elle avait déjà séduits en 2014, elle obtiendrait une majorité de blocage. Le PS aussi a intérêt à taper sur la N-VA, car, de cette façon, il atteint aussi le MR. » Chacun y trouvant de quoi renforcer sa position, il est donc fort probable que les prochains mois se transformeront en duel. Une option qui ne plaît guère aux autres partis en présence.

La Région flamande voudrait aménager un terminal hors de la gare. Elle a prévu un budget de 2,1 millions d’euros, mais elle attend toujours de recevoir un permis de la Région. « Nous avons déjà soumis une demande en juillet 2017, mais il n’y a toujours pas de décision. Toutefois, le délai légal de traitement a été dépassé. » M. Weyts a écrit à ses collègues bruxellois pour réclamer un traitement plus rapide du dossier.

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La très complexe vente du Communication Centre North

Pascal Smet est lui aussi un partisan de la gare routière à l’extérieur de la gare. « Mais la demande de permis de construire prend du temps, car la région négocie actuellement la vente du bâtiment CCN adjacent (Communication Centre North). Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons nous asseoir à table avec le nouveau propriétaire qui chapeautera la gare routière. Rudi Vervoort justifie lui aussi cette longue attente par cette vente.

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Ce bâtiment, de style Art déco tardif dont la construction a débuté vers 1975 est un mastodonte de béton situé dans un des pôles immobiliers majeurs de la capitale. L’ensemble de 130.000 m² (92.000 hors sol et 38.000 en sous-sol) est aussi un immeuble de bureaux idéalement placé puisqu’à côté de la gare. L’ensemble aurait néanmoins besoin d’être sérieusement rafraîchi puisque plus rien n’a été refait depuis 1992. Mais comme le bâtiment est une copropriété complexe, puisque publique et privée, mettre tout le monde d’accord pour une rénovation d’envergure a tout du casse-tête. La situation du lieu se complique encore un peu lorsqu’on sait que c’est aussi un noeud de communication composé de la gare ferroviaire de Bruxelles-Nord de la SNCB, la station de pré métro Gare du Nord de la STIB avec les trams : (3) (4) (25) 31 (32) (55) et des bus (14) (15) (57) (58) (61). Il comprend également le terminal de bus De Lijn, le terminal d’autocars Eurolines et une station de taxis. Le CCN, c’est aussi une galerie commerçante et les bureaux du Service public régional de Bruxelles.

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Le propriétaire majeur, la Région bruxelloise (à hauteur de 64,4%) évoque une revente de sa part depuis 2011. Un projet qui ne s’est pourtant concrétisé que l’année dernière, mais s’est très vite à nouveau retrouvé bloqué. La région espère tirer de la vente une recette exceptionnelle oscillant entre 35 et 50 millions d’euros. AXA Belgium, qui a un droit de préemption avec 29,5% serait en première position devant la SNCB (3,5%) et bpost (2,6%). Axa avait, fin 2017, « le projet de remembrer l’ensemble de l’immeuble pour le réhabiliter pour le proposer à la Vlaamse Gemeenschap (VAC, services administratifs flamands), qui a lancé un important appel au marché privé pour 67.000 m² » précise l’Echo. « L’appel au marché de la Vlaamse Gemeenschap précise que les droits réels de l’immeuble finalement choisi doivent être dans les mains du candidat retenu pour le 1er semestre 2019 au plus tard. Tout est donc encore possible pour AXA Belgium ou un autre promoteur qui acquerrait d’ici là la totalité du CCN » disait encore l’Echo fin 2017. Car il y aurait eu d’autres offres spontanées pour ce bâtiment qui attise les convoitises. Les acteurs privés ont longtemps espéré une décision gouvernementale rapide, mais force est de constater qu’après presque un an leurs voeux n’ont pas été exaucés. La situation semble en effet inchangée et les atermoiements demeurent.

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La patience de Weyts semble aujourd’hui à bout et il avertit: « Soit, nous agissons ensemble, soit le service de De Lijn à la Gare du Nord ne sera plus garanti ». Si la menace est mise à exécution, cela signifierait que les passagers pourront descendre du bus à la Gare du Nord, mais devront par contre monter dans celui-ci à un autre arrêt, en principe celui de la place Rogier. La menace est grave, mais les ministres bruxellois ne souhaitent pas y répondre dans l’immédiat. Ils ne veulent pas que ce débat ait lieu dans la presse.

Le ministre bruxellois de la Mobilité Smet reconnaît cependant les problèmes de sécurité dans la gare du Nord, mais se déclare incompétent et pointe Jan Jambon (responsable de la police ferroviaire et aussi N-VA) et au ministre-président Vervoort. Sauf que la police des chemins de fer n’est pas compétents en dehors de la gare. Les polices fédérale et locale sont compétentes pour la sécurité dans et autour de la gare, tandis que la Région bruxelloise est en charge de la propreté publique. Chez Vervoort on se borne à dire que la police dément le fait que les transmigrant soient à l’origine des nuisances supplémentaires. De Lijn décidera vendredi de l’attitude qu’elle prendra.

De Lijn décidera vendredi de l’attitude qu’elle prendra.

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