Olivier Mouton

Le quitte ou double de Charles Michel

Olivier Mouton Journaliste

 » Charles Michel où es-tu?  » L’interpellation émanant de Meyrem Almaci, président de Groen, était médiatiquement opportune, mardi matin, à l’heure où les partis de sa majorité s’étripaient au sujet des dernières mesures prises par le secrétaire d’Etat à l’asile, Theo Francken (N-VA). Bien joué !

Même si cette sortie pouvait faire sourire, aussi : ce doit être la millième fois que la question est posée depuis le début de la législature, il y a quasiment quatre ans pile, de la part d’une opposition qui tire depuis sur tout ce qui bouge. Pourtant, Charles Michel est toujours là… et vise même ouvertement un deuxième mandat.

C’est mal connaître le Premier ministre que d’attendre une réaction immédiate de sa part sur un sujet aussi délicat, surtout en période de campagne électorale. Telle est sa façon d’être : depuis qu’il est en politique, Charles Michel a pris l’habitude de soupeser toutes les dimensions d’une polémique avant de se prononcer, au risque d’exaspérer ses collègues de parti. A fortiori dans une question migratoire où chacun a pris l’habitude de se positionner de façon tranchée. Comme nous le disait récemment un libéral, c’est par essence même un dossier que la droite conservatrice et la gauche n’ont aucun intérêt à régler, parce qu’il s’agit de leur fonds de commerce électoral. Cette fois, le numéro un du MR a d’abord envoyé son poisson pilote, David Clarinval, chef de groupe à la Chambre, pour rappeler Theo Francken à l’action, plutôt qu’à une « communication frénétique ». Avant de se prononcer lui-même, dans un second temps, en ayant pris le soin de mener l’enquête au sujet de cette libération de ressortissants étrangers au passé criminel. Un jeu de rôle bien calculé.

Où est Charles Michel ? Il est désormais entré dans sa dernière année de « règne » avec un impératif, surtout du côté francophone : convaincre l’opinion publique. Voilà pourquoi il a fait l’impasse sur les élections communales à Wavre, pour se concentrer sur sa mission au « Seize ». Voilà aussi pourquoi il continue à construire son « storytelling » de façon obsessionnelle : après le « jobs jobs jobs » est venu le temps de l’ « invest invest invest » avec le pacte fédéral d’investissements. Et tant pis si, en fin de législature, il reste des cadavres dans le placard en matière de budget, de lutte contre la fraude voire dans ce fameux deal « Belfius – Arco » qui, à vrai dire, concerne surtout le CD&V.

Autant il fut un temps où l’on pouvait considérer que le Premier perdait la main sous les coups de boutoir des trois partis flamands de la majorité, autant l’on peut assurer aujourd’hui qu’il a repris son cap. Sous la forme d’un quitte ou double : du côté francophone, le MR mène campagne en assumant pleinement les acquis de sa coalition avec la N-VA, avec la volonté de se situer seul au centre-droit face au PS et à ses alliés de gauche. Une prise de risque calculée, misant sur l’angoisse sécuritaire de l’époque. On peut imaginer, connaissant la volonté du Premier à tout contrôler, qu’il n’est pas absent, en coulisses, de cette campagne lie communales d’octobre et fédérales de 2019. Au MR, cela reste Charles Michel qui fixe la ligne et qui sanctionne, le cas échéant, ceux qui prennent la tangente.

Cela dit, il est un autre chantier qui occupe l’agenda du Premier ministre, y compris en coulisses : l’Europe. C’est sa priorité ! En ces temps troubles pour l’Union, il veut créer avec le Benelux, la France de Macron, l’Allemagne de Merkel, voire l’Espagne de Sanchez, un contrefeu progressiste face aux expressions populistes émanant d’Italie ou de Hongrie. Avec, en toile de fond, un dossier explosif à ne pas oublier : le Brexit. Cette semaine, Michel rencontrera de façon informelle son homologue britannique, Teresa May, à ce sujet, potentiellement dommageable pour l’économie belge.

Après quatre années au Seize, ce ne sont plus les tweets de Theo Francken ou les cris de Meyrem Almaci qui le préoccupent vraiment. C’est le contexte plus global d’une Union au bord de la rupture. D’autant qu’à ses yeux, c’est au niveau européen que l’on pourra gérer les crises migratoires.

Cette opinion a été sollicitée par De Morgen qui la publie en néerlandais ce mercredi 19 septembre.

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