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« Le bourgmestre d’Anvers participait aux rafles de juifs »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

À en croire l’historien Herman Van Goethem, Leo Delwaide, bourgmestre d’Anvers durant la Seconde Guerre mondiale, aurait joué un rôle plus actif dans les rafles de juifs que ce qu’on pensait jusqu’à présent.

Historien et recteur de l’Université d’Anvers, Herman Van Goethem publie un livre intitulé 1942, et qui est le fruit de 14 ans de recherches. En août et septembre 1942, la police anversoise arrête des milliers de juifs sur ordre de l’occupant allemand. Aujourd’hui, il s’avère que, tout comme le procureur du roi Edouard Baers, non seulement Delwaide était au courant, mais qu’en plus il jouait un rôle actif dans les rafles.

D’après les conclusions de l’historien, relayées par le quotidien De Morgen, le bourgmestre a participé à la fondation d’une nouvelle école de police anversoise. Dès mai 1942, l’école forme de jeunes candidats-agents dans l’esprit de « l’ordre nouveau », la vision de l’état de l’Allemagne nazie. En outre, l’hôtel de ville d’Anvers participe aux préparatifs des rafles en aménageant un entrepôt comme point de rassemblement pour les juifs arrêtés. Fin juin, le bourgmestre catholique se charge également de réorganiser la police en concentrant un maximum d’agents « collabos » dans le quartier juif autour de la Gare centrale.

Le 15 août 1942 a lieu la première rafle de juifs opérée avec l’aide de la police anversoise. Tant Delwaide que Baers sont minutieusement informés des opérations qui impliquent la police anversoise. D’après l’historien, Delwaide aurait même infligé une sanction à un agent de police ayant refusé de participer à une rafle, le 28 août.

Van Goethem souligne toutefois dans De Morgen que toute la police anversoise n’a pas collaboré avec l’occupant allemand, loin de là. Seuls 15% de ses agents ont sympathisé avec l’ennemi, une minorité mais un nombre suffisant pour semer la terreur parmi les juifs et les résistants.

Changement de cap

En novembre 1942, suite notamment à l’instauration du service du travail obligatoire, les autorités locales anversoises changent leur fusil d’épaule. D’après l’historien, Anvers prend même l’initiative de la résistance des fonctionnaires qui apparaît un peu partout en Belgique. À cette période, beaucoup se hâtent de changer de camp, un retournement de veste passé sous silence pour des raisons pragmatiques.

On ignore le nombre précis de juifs anversois tués pendant la guerre, mais d’après Van Goethem leur nombre se situe sans nul doute au-dessus de 45%, la moyenne belge d’habitants juifs assassinés.

Delwaide continue à exercer son mandat jusqu’en janvier 1944, époque où il démissionne et entre en clandestinité. À la Libération, son immunité parlementaire est levée, mais l’enquête contre lui n’aboutit pas. En 1949, il redevient député avant d’être nommé échevin du port en 1959. Il exercera ce mandat jusqu’à sa mort en 1978. « Si j’avais su pour les rafles, je les aurais empêchées », a-t-il déclaré un jour. « Il était parfaitement au courant », conclut Van Goethem. Je pense que les preuves sont tout à fait cohérentes.

Le dock Delwaide bientôt rebaptisé ?

Vu les révélations de Van Goethem, Groen a estimé qu’il n’était pas adéquat que M. Delwaide ait l’honneur qu’un dock de la Métropole porte son nom. Le chef de groupe des écologistes flamands à Anvers, Wouter Van Besien, avait indiqué qu’il mettrait le point à l’agenda du prochain conseil communal et plaidé pour qu’un comité scientifique se saisisse de l’affaire.

L’ancien rédacteur en chef de la revue Joods Actueel, désormais candidat N-VA aux élections du 26 mai, Michael Freilich, a de son côté indiqué qu’il demanderait à son parti de soutenir la demande des écologistes. D’après lui, le comité scientifique qui conseille déjà la ville d’Anvers sur la commémoration de la Deuxième Guerre mondiale pourrait se pencher sur la question avec des représentants de la communauté juive.

« D’une part, il n’est pas possible de changer les noms de dizaines de rues et monuments dans le pays, mais d’autre part, nous devons faire preuve de respect envers les victimes de l’Holocauste et leurs descendants », a souligné M. Freilich.

En début d’après-midi, le porte-parole du bourgmestre, Bart De Wever, a indiqué que le comité scientifique qui conseille la ville serait bien saisi à ce sujet. S’il recommande un changement de nom, la Ville transmettra cette demande à la Société du port, qui est compétente pour l’appellation des docks.

Belga

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