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La N-VA sort l’artillerie lourde, et De Wever est derrière le plus gros canon

Muriel Lefevre

On sait désormais comment la N-VA compte placer ses pions les plus importants pour la partie de Stratego qui s’annonce. « Le parti veut continuer à contrôler à tous les niveaux « , dit le professeur Carl Devos (UGent) à Knack. Sauf que chaque solution avancée crée aussi un nouveau problème. Un peu comme Hercule, Bart De Wever va devoir combattre une hydre à plusieurs têtes.

Lundi matin, la N-VA a annoncé que Bart De Wever serait candidat au poste de Ministre-président flamand. S’il y parvient, De Wever passera la main à la présidence du parti et donnera son écharpe de bourgmestre d’Anvers. L’ancien ministre de l’Intérieur Jan Jambon, prendra lui le lead sur la liste pour les élections fédérales avec comme ambition affichée de remplacer Charles Michel comme Premier ministre. Enfin, l’actuel ministre président flamand Geert Bourgeois sera tête de liste pour les élections au Parlement européen. « C’est une stratégie intelligente « , déclare le professeur Carl Devos (UGent). « Cela montre que la N-VA veut continuer à jouer à tous les niveaux ».

Quelqu’un comme Jan Jambon peut-il devenir Premier ministre ? La N-VA ne s’est pas rendue populaire auprès des autres partis ces derniers mois.

CARL DEVOS : Jan Jambon est un personnage modéré qui peut compter sur peu d’inimitiés de la part des autres partis. Il a – plus que le polarisant De Wever – l’allure d’un homme d’État et entretient également de bonnes relations avec l’actuel Premier ministre Charles Michel. Jambon n’est pas controversé en Belgique francophone, ce qui lui permet de cicatriser plus facilement les blessures des derniers mois. Cela montre aussi que la N-VA veut continuer à gouverner au niveau fédéral. Le parti va maintenant servir la soupe classique de campagne électorale. Elle se positionne en rivale du PS pour protéger les acquis de Michel I. C’est comme si on recommençait l’année 2014.

Cela signifie-t-il que la N-VA sort une fois de plus le confédéralisme du réfrigérateur ?

Non. La N-VA n’utilisera le confédéralisme que s’ils doivent gouverner avec le PS. Mais ce n’est pas le premier choix pour le N-VA. Sauf que les autres partis ne sont pas désireux d’une septième réforme de l’État et cela isole la N-VA. C’est pourquoi elle n’en fera pas un point de rupture pour la participation gouvernementale. Si elle le faisait quand même, elle se placerait de facto sur les bancs de l’opposition.

Un risque énorme

Après un score qu’il espère  » incontournable  » en Flandre le 26 mai, De Wever ne cache pas le fait qu’il souhaite former le plus rapidement possible un gouvernement flamand, pour entamer sur cette base les négociations fédérales. La N-VA espère que les autres partis flamands de centre droit feront bloc lorsqu’ils comprendront que dans le cas contraire ils perdront tous les acquis de la dernière législature. Sauf que les chances de la N-VA de trouver suffisamment de partenaires restent très faibles, même si De Wever laisse tomber ses projets de révision constitutionnelle dit de Standaard. Ce qui est tout de même un problème lorsqu’on sait que les thèmes de prédilections de la N-VA se jouent principalement au fédéral. Pour compenser cette perte, le parti veut utiliser la figure de De Wever pour déplacer le centre de gravité du pouvoir vers la Flandre, du moins dans sa perception. Depuis la Place des Martyrs, il pourrait mettre sous pression le gouvernement fédéral pendant cinq ans. Si De Wever restait dans l’ombre en ne voulant pas assumer un rôle exécutif plus large, il menaçait de compromettre sérieusement la mission historique de son parti. « Je prends un risque énorme », admet De Wever. « Je ne pouvais pas rester derrière mon bureau de bourgmestre et dire : débrouillez-vous . Tout le monde doit aller au front aux élections. Tout le monde. La force du loup est dans la meute. » Avec la Présidence et son écharpe de bourgmestre, il met pourtant en jeu toutes ses cartes. S’il se plante, ce sera dans les grandes largeurs. Celui que l’on qualifiait il y a encore peu de Premier ministre fantôme n’avait cependant pas le choix. Maintenant que le parti a quitté le gouvernement fédéral, il se rend bien compte que la participation au pouvoir est indispensable pour rester pertinent à long terme.

Quelle est l’importance de la Flandre maintenant que De Wever est candidat pour être ministre président ?

Cela montre surtout qu’il veut servir l’intérêt supérieur de son parti. Ce n’était un secret pour personne que la N-VA n’était plus satisfaite de Geert Bourgeois. Mais le problème est qu’il n’y a pas eu de successeurs dignes de ce nom. Ben Weyts et Liesbeth Homans pèsent trop peu politiquement tandis que Theo Francken, à son tour, est trop polarisant. De Wever a dû penser qu’il était le meilleur remplaçant possible. La chance qu’il devienne Premier ministre flamand est bien réelle. La N-VA devrait rester le parti le plus important en Flandre et aura donc le droit d’initiative pour former le gouvernement. Je m’attends à peu d’anicroches dans ce domaine.

La N-VA sort l'artillerie lourde, et De Wever est derrière le plus gros canon
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Moins d’un an après les élections municipales, De Wever prend le large. Comment vont-ils réagir à Anvers ?

L’annonce est une surprise, car rien n’indiquait qu’il voulait quitter Anvers. De Wever dira qu’en tant que Premier ministre flamand, il servira les intérêts de la population anversoise. Cependant, son départ passe quand même pour un abandon. Si Koen Kennis (N-VA), son successeur désigné connaît bien les rouages de la ville, la succession risque d’être tout de même difficile à porter. Je ne serais pas étonné si le SP.A poussait un soupir de soulagement. En tant que Premier ministre flamand, De Wever adoptera un ton plus modéré. La coalition d’Anvers perdra une partie de son attrait national lorsque De Wever s’installera à Bruxelles. De plus, pour le SP.A, les pourparlers de coalition à Anvers ont peut-être ouvert la porte à une participation au prochain gouvernement flamand.

Qu’est-ce que cela signifie pour le gouvernement en affaires courantes ?

Pas grand-chose. Cependant, nous pouvons nous attendre à ce que la N-VA adopte une attitude constructive, comme elle l’annonçait elle-même, afin de concrétiser certains points de l’accord gouvernemental. D’autant plus qu’il semble bien qu’elle veuille à nouveau jouer un rôle sur la scène fédérale après les élections du 26 mai.

L’hydre de Bart De Wever

Telle une hydre, chaque problème que Bart De Wever semble solutionner crée en réalité un nouveau problème. La preuve en trois exemples selon De Standaard.

L’écharpe à Anvers

Qui pour prendre la place de Bart De Wever ? Aucun de ses compagnons de parti ne lui arrive aux chevilles en termes de popularité, d’éloquence et de poids politique. Il a bien Koen Kennis qui, en l’absence occasionnelle de De Wever, il était déjà autorisé à s’appeler  » bourgmestre suppléant  » dans le conseil précédent. S’il est sûr, il n’est pas non plus très charismatique. Il n’a obtenu que 4.545 voix préférées (contre près de 76.700 pour De Wever). On avance aussi Annick De Ridder, mais ses origines Open VLD continuent à lui jouer des tours en interne. Par ailleurs auprès du SP.A et de l’Open VLD, les partenaires de la coalition à Anvers, De Ridder a la réputation d’être dure socialement et peu expérimentée. Quelques-uns pensent à Fons Duchateau, mais ils ne sont pas nombreux. Tous les trois se verraient quoiqu’il arrive affublé du quolibet de marionnette du  » bourgmestre de l’ombre. » Et Liesbeth Homans? Peu probable aussi. L’actuelle vice-ministre-président flamand siège actuellement aussi au conseil municipal, mais elle devrait à nouveau obtenir un poste important au gouvernement flamand. Ensuite, pour des raisons personnelles, il semble également peu probable que Tom Meeuws, soit d’accord avec un parachutage d’Homans « op’t Schoon Verdiep ».

La présidence

Tout va dépendre du 26 mai. La N-VA est-elle dans toutes les coalitions, ou partout dans l’opposition ? Cela fera toute la différence. Par exemple, avec De Wever comme Premier ministre, le parti peut vivre avec une sorte de gardien, un président avec un profil plus neutre. Ce qui augmente les chances de l’ancien vice-président et ministre de la Défense Sander Loones, éphémère ministre de la Défense, dont De Wever a lui-même un temps évoqué le nom comme successeur. Les vice-présidents actuels, Cieltje Van Achter et Lorin Parys, seront de toute façon associés lorsque De Wever se muera en formateur du gouvernement flamand. Ils deviendront alors ses interlocuteurs politiques pour la N-VA. L’un d’eux sera également ad interim dans l’attente d’un nouveau président, mais ils n’auront probablement guère plus. Reste encore le ministre flamand Ben Weyts. Il connaît le parti à fond et est très populaire en interne. Il en de même pour l’ancien secrétaire d’État à l’asile et aux migrations, Theo Francken qui a refusé le poste il y a deux ans. Sauf que ce dernier préfèrera peut-être un poste au fédéral et son activité très intense sur Twitter a plombé quelque peu son image de présidentiable.

Où sont les femmes ?

Si au parti, on répète à l’envi qu’il s’agit surtout de trouver le meilleur homme ou la meilleure femme pour le poste et que, selon Homans, toutes les femmes ont toutes les chances au sein de la N-VA, force est de reconnaitre qu’elles ne sont tout de même pas légion. A l’exception de Zuhal Demir et de CieltjeVan Achter (Bruxelles), les poids lourds du parti sont des hommes. C’est pourquoi il faut bien réfléchir à que faire avec les nouvelles pousses que sont Assita Kanko – est-ce qu’elle fait la liste à Bruxelles ou est-ce qu’elle rejoint Bourgeois ? – et Anneleen Van Bossuyt en Flandre orientale.

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