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La crise de puberté tardive de la N-VA

Muriel Lefevre

Quelle que soit la façon dont cette histoire se termine, la fin risque de ne pas être heureuse pour la N-VA. Qu’est-ce qui a poussé le parti à se mettre à ce point en position de faiblesse, tel un lapin pris devant les phares. Et surtout quelle est l’ampleur réelle des dégâts ? Le point.

« Ce n’est pas le seul jeune de 17 ans à souffrir de puberté tardive, mais la crise identitaire dans laquelle se trouve la N-VA est sans précédent » dit De Standaard qui analyse en trois points les dégâts provoqués par le psychodrame des derniers jours.

L’équipe de communication politique la plus aguerrie du pays est depuis mardi en roue libre. Tout le monde semble naviguer à vue. En ne s’appuyant sur aucun plan de bataille, chaque entame de virage ou tentative d’explication ne provoque qu’une nouvelle salve de baffes. Au-delà d’une crise d’égo, cela risque surtout d’avoir des conséquences sur le long terme.

Une réputation en chute libre

En interne, on reconnaît aisément que la campagne n’était pas la meilleure idée de l’année. D’autant plus qu’elle n’a eu qu’un minime avantage: celui de montrer que, dans certaines sections du parti, il y a une idéologie très à droite. Ce n’est pas inutile, mais cela ne pèse pas bien lourd au vu du tsunami de critiques à l’image de celle du Het Laatste Nieuws, pourtant pas contraire à la N-VA, :  » La N-VA était déjà devenue un parti comme les autres au cours des quatre dernières années. Tout aussi pragmatique. Également opportuniste. Également conscient de son pouvoir. Aujourd’hui, il menace de devenir un parti d’extrême droite comme les autres. »

Rude. D’autant que ce n’est pas que son idéologie qui est remise en cause, c’est aussi son image de parti ferme et fiable qui a pris un coup dans l’aile. En se braquant, dans un premier temps, avant de se tortiller dans différentes positions pour sauver coute que coute sa position dans le gouvernement, cela risque de lui faire perdre une bonne partie de son aura. « Il faut placer la barre assez haut pour pouvoir passer sous la barre. Parfois, il faut abandonner les grands principes pour faire des compromis », a dit un jour feu Jean-Luc Dehaene. Or, la N-VA vient de faire exactement le contraire. C’est stratégiquement une très mauvaise chose.

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Des électeurs déçus

Depuis le 14octobre, la N-VA ne cache plus qu’elle veut séduire les électeurs tentés par le Vlaams Belang. Sauf que ces tentatives ont un goût de réchauffé qui ne convainc pas grand monde parmi les électeurs les plus à droite. Un coup dans l’eau donc. Par contre cela déplait fortement aux autres catégories d’électeur susceptibles de voter pour la N-VA. Le flamingant, qui n’est pas d’extrême droite, montre régulièrement son insatisfaction sur les réseaux sociaux. La mise au frigo des questions communautaire passe de plus en plus mal lorsqu’on voit que le parti est prêt à faire tomber le gouvernement pour un pacte non contraignant de l’ONU. L’option identitaire ne plait pas plus aux électeurs plus centristes et aux entrepreneurs. Ceux-ci ne se reconnaissent plus dans le rôle du parti à thème unique que jouent maintenant les nationalistes flamands. Le socioéconomique est complètement éclipsé par le débat identitaire. En ne voulant flatter qu’une franche de leur électorat, le parti risque de se tirer une balle dans le pied en perdant une bonne partie de sa base.

La façade se craquelle et montre des dissensions en interne

À quelques rares exceptions près, le parti avait réussi, grâce à une discipline de fer, à étouffer les querelles en interne. Cela explique aussi en partie la relative retenue actuelle. Tout le monde réagit très prudemment. Seul De Roover communique. Nul ne sait vraiment ce qui s’est dit lors de la réunion d’urgence de mardi soir.

Il y a pourtant quelques signes qui ne trompent pas. Alors que le porte-parole Joachim Pohlmann défendait la campagne, elle sera critiquée sur Twitter par des députés N-VA tels que Valerie Van Peel, An Capoen et Peter Dedecker. Même le Ministre président flamand Geert Bourgeois s’est montré consterné et Jan Jambon regardait le plafond.

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On peut donc se demander si le président De Wever a encore ses troupes en mains. Il n’est pas impossible qu’à force de jongler entre les différentes casquettes de président du parti et de bourgmestre d’Anvers (où il est noyé dans des négociations de coalition difficile), l’imperator ait perdu de sa poigne.

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