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Élections communales : à Andenne, dernier baroud pour la politique de (bon-)papa

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Cette fois, ce sera son ultime mandat, jure-t-il. Mayeur depuis près d’un demi-siècle, Claude Eerdekens devrait rempiler, à moins d’une apocalypse. Face à lui, la liste ADN prône une nouvelle gouvernance et le retour d’une politique sociale jusqu’ici négligée.

D’un ton posé, Claude Eerdekens lit cette question adressée par l’institut de sondage Dedicated à un panel d’Andennais, fin 2016 :  » Pouvez-vous indiquer dans la liste qui suit qui vous souhaiteriez avoir comme bourgmestre à Andenne après les élections communales d’octobre 2018 ?  » Avec 31 % des votes, son nom apparaît en première place, loin devant tous les autres. Mieux : auprès des électeurs des listes rivales, il serait au moins aussi populaire que leurs figures de proue respectives. Quelque 59 % des sondés souhaiteraient, en outre, le voir à l’avenir exercer un rôle important (17 %) ou très important (42 %) dans sa commune. Aussitôt dit, aussitôt fait. Conforté par ce plébiscite, le mayeur socialiste de 70 ans a donc pris la décision, début 2017, de se représenter pour un ultime mandat.  » Je ne serai plus candidat en 2024 « , assure-t-il.

Peu à peu, Andenne s’est positionnée comme un véritable pôle d’attractivité pour les entreprises.

Pour la première fois, il ne portera plus la bannière PS. Parmi les 29 noms de sa liste, 10 candidats émanent de la société civile. D’où cette appellation hybride, PSD@, dont le logo, avec ses caractères blancs sur un carré rouge, ne traduit pas une véritable rupture, qui aurait indisposé une partie de l’électorat.  » Parti socialiste d’Andenne  » pour les uns,  » Progrès Solidarité Développement Action  » pour les autres. Voilà comment Claude Eerdekens devrait reconduire, à moins d’une apocalypse, sa majorité absolue, qu’il a néanmoins ouverte au MR depuis 2006. A cet égard, peu de suspense également : derrière les  » laissons-l’électeur-décider  » d’usage, les partenaires de coalition ont déjà fait part de leur souhait de continuer ensemble pour six ans.

Les synergies

Avec 22 sièges sur 29 en 2012, ils n’avaient laissé que des miettes au CDH et à Ecolo, reclus dans une opposition malmenée par l’impétueux bourgmestre. Pour changer la donne et répondre à l’appel de citoyens engagés, ces deux partis ont annoncé, en mars dernier, la création d’une liste pluraliste, AD&N, dont un tiers des candidats n’a pas de carte de parti. Son chef de file, l’actuel élu CDH Etienne Sermon, l’admet : il est très peu probable que cette synergie puisse rivaliser avec le bloc monolithique constitué autour de Claude Eerdekens. Avec un tiers des sièges (soit trois de plus que l’opposition actuelle), AD&N pourrait, en revanche, gagner la capacité de convoquer un conseil communal.

Les réussites

De son côté, la majorité avance un bilan de législature marqué par quelques vraies réussites. Peu à peu, Andenne s’est positionnée, au sud de la E42, comme un véritable pôle d’attractivité pour les entreprises. Son étroite collaboration avec le Bureau économique de la Province de Namur (BEP) a permis de créer de nouveaux zonings, notamment à Petit-Waret et à La Houssaie.  » C’est nous qui avons soufflé au BEP l’idée de les transformer en zones d’activité économique, puisque ces terrains appartenaient à la commune, précise Claude Eerdekens. Pour la prochaine législature, nous comptons créer, sur 15 hectares, un parc d’affaires et un parc scientifique à Anton.  » Le bourgmestre insiste sur la progression du volume d’emplois à Andenne : 8 600 unités fin 2017, soit 3 100 de plus par rapport à 1994.  » D’ici à 2030, nous aurons dépassé la barre des 10 000 emplois « , promet-il.

En revanche, le prétendu taux de chômage à 8 %, dont il se félicite, ne comptabilise que les demandeurs d’emplois bénéficiant effectivement d’allocations sociales. Si le bourgmestre défend la cohérence de son calcul, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) rappelle que cette sous-catégorie, qui exclut entre autres les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale, ne peut être assimilée au taux de chômage, qui restait à 13,1 % en 2016.

Depuis 2012, Andenne a vu naître un nouvel écoquartier en coeur de ville, qui accueillera à terme 230 logements, du commerce, des bureaux et 400 places de parking. Ce projet, financé à 55 millions d’euros par le privé et à 15 millions d’euros par les pouvoirs publics, inclura aussi un pôle muséal, subsidié par le Fonds européen de développement régional. La percée de la Promenade des ours, inaugurée en septembre 2016, constitue la première phase de cette vaste revitalisation du centre-ville.  » Nous amenons de nouveaux habitants avec un pouvoir d’achat, poursuit Claude Eerdekens. Il est vrai que le commerce reste en souffrance, mais c’est pareil ailleurs. Sans cette opération, le centre serait mort aujourd’hui.  »

Critiques et enjeux

La méthode Eerdekens, elle, fait l’objet de critiques récurrentes. L’usure du pouvoir se traduit d’ailleurs dans les urnes : 3 730 voix de préférence en 2012, contre 4 511 voix en 2006, tandis que le score de son premier échevin et successeur tout désigné, Vincent Sampaoli, enregistre une hausse constante. Dans une commune marquée par l’autoritarisme de son patron, la liste AD&N veut se profiler comme la seule alternative en matière de gouvernance et de participation citoyenne.  » On ne peut plus se permettre de faire de la politique sans mener un réel travail de pédagogie, estime Etienne Sermon. Si un front populaire se constitue autour d’un dossier, il doit au moins avoir le sentiment d’être entendu.  » Deux exemples parmi d’autres : l’augmentation de la fiscalité ou le houleux passage au parking payant dans le centre en 2014, qui n’indisposerait toutefois plus que 2 % des habitants sondés par Dedicated.

La politique sociale, asphyxiée pour des raisons budgétaires, constitue l’autre enjeu de cette campagne polarisée. AD&N plaide pour une revalorisation de la dotation du CPAS.  » Non seulement la situation sociale d’Andenne l’exige, mais cela permettra aussi de développer de nouvelles politiques bénéfiques pour tous les habitants « , affirme Etienne Sermon.  » A les entendre, il faudrait diminuer les taxes et investir dans tous les secteurs. C’est impossible, répond Claude Eerdekens. En procédant de la sorte, on dépose le bilan en six mois.  » Pour sa part, le bourgmestre sortant fera de la sécurité et de la vidéosurveillance deux priorités de campagne. Il a déjà gagné son surnom de  » Monsieur caméras  » depuis l’installation récente de 32 caméras pour épauler la police dans ses enquêtes.

Résultats 2012

PS 54,9 % (19 sièges)

CDH 15,3 % (4 sièges)

Ecolo 13,7 % (3 sièges)

MR 11,1 % (3 sièges)

PourAndenne 2,55 % (0 siège)

LeRenouveau 2,42 % (0 siège)

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