Louise Fresco © Allard De Witte/Hollandse Hoogte

« Si tout le monde devenait végétarien, nous aurions un problème »

Le Vif

Grâce au progrès technologique, il y aura suffisamment de nourriture en 2050 pour nourrir les 10 milliards de personnes que comptera le monde, explique Louise Fresco, spécialiste néerlandaise en agriculture et en alimentation, au quotidien Morgen.

Fresco, qui a occupé une série de postes élevés à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) croit au progrès technologique écologiquement responsable en l’agriculture. Elle est d’avis qu’en 2050 il y aura suffisamment de nourriture pour nourrir 10 milliards de personnes.

Quelle sera cette nourriture? « Cela dépendra de qui vous êtes et où vous vivez. Dans les économies avancées, la nourriture sera fort personnalisée – adaptée aux besoins du consommateur individuel. Pour une partie de la population, la nourriture viendra d’une imprimante 3D », explique Louise Fresco au Morgen.

Authentique

« En même temps les classes moyennes et supérieures continueront à apprécier l’authentique, la nourriture dont on sait comment et par qui elle a été produite. Pour une partie des gens, le lien avec l’agriculteur sera important. Ce n’est pas contradictoire, mais complémentaire : les gens utilisent la technologie et restent en fidèles à l’authentique », dit-elle.

Elle ajoute qu’en 2050 les techniques numériques permettront probablement de retracer tout le processus de production de notre nourriture, même si tout cela ne vaut que pour une partie de la population vu qu’en 2050 tout le monde ne vivra pas dans un environnement high-tech.

Interrogée sur la consommation de produits animaux, Louise Fresco estime que l’on continuera à manger après 2050. « Nous avons besoin d’animaux parce que les tourbières néerlandaises et les pampas argentines ne peuvent être utilisées que pour l’élevage. Les animaux sont essentiels à l’économie circulaire – ils transforment les déchets en protéines. Nous allons recycler plus de déchets végétaux, surtout via les poules et les cochons. Si tout le monde devenait végétarien, nous aurions un problème », estime-t-elle.

Elle prévoit également un déplacement de l’approvisionnement en nourriture de la terre vers la mer. Aujourd’hui, seule une petite partie de nos calories sortent de la mer, alors que les algues constituent également des sources de protéines.

Révolution de l’insecte

Fresco ne croit pas à la révolution de l’insecte. Selon elle, les insectes serviront surtout de nourriture pour les animaux. « Il y a des pays où on mange des sauterelles et d’autres insectes, mais les tabous alimentaires sont complexes. En Europe nous ne mangeons pas de chats et de chiens et je ne m’attends pas à ce qu’on le fasse en 2050 », explique-t-elle.

Interrogée sur le continent africain, qui comptera 4 milliards de personnes d’ici la fin du siècle, Fresco souligne l’importance de l’agriculture à grande échelle. « En Afrique, il y a encore du terrain qui n’est pas utilisé pour l’agriculture, alors qu’il est apte pour ça. S’il ne rapporte pas grand-chose, c’est dû notamment à un manque d’irrigation. Au sud du Sahara, on n’irrigue que 4% de la surface alors qu’en Chine, c’est 40%. » Elle ajoute que tout comme dans d’autres parties du monde, en 2050 l’agriculture en Afrique sera en grande partie mécanisée et robotisée. Et que c’est un malentendu de penser que le manque de travail sera compensé par l’agriculture.

Elle déplore que tous les problèmes d’approvisionnement soient mis sur le dos des agriculteurs. « Ils doivent innover, produire davantage, utiliser moins de pesticides, faire en sorte que leurs animaux et leurs plantes soient plus sains. Ils s’en tirent bien à de nombreux égards, et pourtant leur image ne s’est pas améliorée », regrette-t-elle.

Aussi plaide-t-elle en faveur d’un accord sur l’alimentation, qui établit les responsabilités. « Aujourd’hui, le consommateur pose des exigences de plus en plus élevées, le commerce possède une grande partie de la chaîne de production, l’état court derrière avec une réglementation de plus en plus compliquée et les agriculteurs sont victimes dans une large mesure », déclare-t-elle. (CB)

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