Pour les robots, la curiosité après l'intelligence artificielle ? © POPPY PROJECT/RAFIAA KHADDHAR - PHOTO : M. LAPEYRE

Pour les robots, la curiosité après l’intelligence artificielle ?

Le Vif

Qu’est-ce qui se passe si je pousse sur ce gros bouton rouge ? Et si je tire sur cette corde ? Et derrière la porte, qu’y a-t-il ? On pourrait croire que l’exploration du monde est l’apanage de nos bambins. Mais depuis peu, une poignée de roboticiens travaillent à l’inculquer aux machines.

Ils appellent cela la curiosité artificielle. Communément, les intelligences artificielles (IA) sont modelées par les ingénieurs et  » éduquées  » en vue d’atteindre un objectif précis. Par exemple, remporter un tournoi de jeu de go. Mais aussi doué soit l’algorithme qui a vaincu le Chinois Ke Jie, numéro 1 mondial de cette discipline, en mai dernier, il serait bien incapable d’accomplir une quelconque autre tâche. Or, notre monde est complexe et mouvant. Pour permettre aux robots de l’appréhender dans sa totalité, des chercheurs travaillent sur des programmes les rendant capables de se déterminer des objectifs et d’apprendre par eux-mêmes, sans intervention humaine.

Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l’Inria (institut national français de recherche dédiée au numérique), en a fait le challenge de sa vie. Voilà près de dix ans que ce spécialiste de la robotique développementale crée des algorithmes basés sur le développement cognitif des enfants. Son but : développer la curiosité des machines. Placez un de ses robots dans une pièce et confrontez-le à quatre types de contextes sensoriels et moteurs : il peut dormir (a), bouger une patte (b), taper dans une balle sans bouger (c) ou encore faire du scooter (d). Après avoir exploré aléatoirement chaque option, son algorithme de curiosité artificielle privilégie les exercices adaptés à son niveau de compétences (b puis c). Il évite donc les situations trop simples (a) ou trop compliquées (d) qui ne lui permettent pas de progrès en apprentissage.

C’est ainsi que dernièrement, le robot bordelais Torso a appris par lui-même à manipuler un outil. Placé en présence d’un joystick contrôlant à distance un bras robotisé en contact avec une balle de tennis, il en a d’abord exploré toutes les facettes et possibilités. Ensuite, son algorithme a mis en relation les mouvements entrepris par le robot et ceux de la balle. Au bout de quelques heures d’autoapprentissage, Torso savait orienter la balle. Un autre exemple met en lumière la maîtrise rapide d’un langage inconnu.

Faut-il craindre ces évolutions de l’IA ?  » A partir du moment où la machine s’améliore d’elle-même, la peur de rencontrer une singularité existe. Et ça peut aller très vite, explique le professeur Damien Ernst, de l’université de Liège. En l’espace d’une nuit, la machine pourrait se doter d’une intelligence supérieure à celle de tous les humains réunis.  »

Si ce point limite n’est pas encore atteint, les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) veulent s’en approcher au plus vite.  » Pour mener des recherches dans le domaine, ces compagnies dépensent, chacune, entre 500 millions et un milliard de dollars par an. «  En espérant que la curiosité des robots ne se révèle pas être un vilain défaut…

Par Laetitia Theunis.

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