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Pieuvres, singes, éléphants,… Tour d’horizon de l’intelligence animale

Le Vif

Eléphants organisateurs de rites funéraires, rats solidaires de leurs congénères en danger, oiseaux stratèges…

Pieuvres – Neuf cerveaux sous les mers

Huit bras, trois coeurs, neuf cerveaux. Capable de changer de couleur à sa guise. Un système nerveux aussi complexe que celui d’un chien et une réputation d’intelligence non usurpée. Octopus vulgaris porte mal son nom : loin du vulgaire, les pieuvres, éminents membres de la famille des céphalopodes, fascinent chercheurs, marins… et écrivains.  » Ces animaux sont fantômes autant que monstres « , écrivait Victor Hugo dans Les Travailleurs de la mer. De fait, ils inquiètent un peu. Leurs bras, lorsqu’ils sont coupés, rampent sur le sol de longues minutes grâce aux millions de neurones qui s’y trouvent. Les scientifiques les considèrent parfois comme des  » aliens intelligents « .

Les ancêtres de la pieuvre, des mollusques, sont apparus dans les océans à l’ère primaire, voici plusieurs centaines de millions d’années. On recense aujourd’hui 300 espèces de poulpes sur l’ensemble du globe, dotées de capacités cognitives qui n’ont rien à envier à celles des vertébrés. La pieuvre dispose en effet d’un organe étonnant, un supercerveau diffus : 500 millions de neurones répartis dans un encéphale central, les lobes optiques et les huit bras. Cela lui permet, par exemple, de se servir de ses membres ventousés avec une grande précision, comme pour dévisser le couvercle d’un bocal afin d’accéder à un crabe appétissant, ainsi que l’ont constaté des chercheurs. Et de se sortir de labyrinthes grâce à une mémoire spatiale performante.

La pieuvre est aussi la reine des transformistes. Elle change de couleur et se transforme à volonté grâce à des millions de cellules colorées qui lui permettent un camouflage complexe. Certaines sont capables d’imiter l’apparence et les mouvements de plus de 15 espèces différentes du fond des mers, en fonction des prédateurs qui s’y trouvent. Plus fort : comme l’ont montré des chercheurs de Californie, la pieuvre voit littéralement avec sa peau ! Les cellules dites  » chromatophores  » détectent et renvoient la lumière sans qu’il y ait besoin d’yeux, pour le plus grand malheur de ses proies.

Outre ces remarquables capacités visuelles, la pieuvre suscite l’étonnement des scientifiques par certains savoir-faire intelligents uniques dans le monde des invertébrés. Elle est, par exemple, capable d’apprentissage et peut, en observant un semblable, apprendre et répéter ses gestes. Plus sophistiqué : l’utilisation et la mise en oeuvre d’outils à des fins de camouflage. Quatre poulpes ont ainsi été filmés au large des côtes indonésiennes en train de récupérer des noix de coco rejetées à la mer par des humains. A l’aide de leurs bras, les animaux ont creusé les coques et les ont posées sur les fonds marins pour s’y abriter des prédateurs.

Quant à leurs émotions… Attention aux pieuvres en colère ! Celles-ci savent exprimer leur mécontentement sans la moindre ambiguïté. Dans un aquarium en Allemagne, les responsables ont constaté qu’un poulpe était monté sur le bord de son aquarium pour asperger d’un jet d’eau un spot dont la lumière devait le gêner. Comportement plus pacifique, l’appétence pour le jeu. Tous les plongeurs qui les ont approchées et ressenti leurs caresses vous le diront : les poulpes sont des animaux amicaux et joueurs, à l’image des chiens, des chimpanzés… ou des humains. Pour tester cette capacité, un biologiste canadien a glissé quelques figurines en plastique dans un aquarium de poulpes. Ces derniers les ont examinées scrupuleusement et ont déplacé les jouets à l’aide de jets d’eau. S’agit-il d’un comportement conscient ? Difficile à dire. On est encore loin de tout savoir sur cette intelligence du fond des mers.

Stratège, le Cassenoix d'Amérique aménage jusqu'à 10 000 caches à grains !
Stratège, le Cassenoix d’Amérique aménage jusqu’à 10 000 caches à grains !© Bob Ell/Getty images

Oiseaux – Une créativité qui vole haut

« Cervelle d’oiseau  » n’est certes pas un compliment. Surtout, cette expression est particulièrement injuste à l’égard de nombre de bêtes à plumes dont les éthologues ont mis en lumière, ces vingt dernières années, les dons, l’habileté et la créativité. Evidemment, les oiseaux ne sont pas tous dotés de capacités cognitives acérées. Mais même ceux que nous jugeons les plus stupides ne méritent pas tant de mépris. Prenez les poulets, par exemple, volatiles de basse-cour peu respectés. Une étude de chercheurs américains, parue en janvier dernier dans le journal Animal Cognition, les a dépeints comme des animaux capables de raisonnement déductif s’ils sont placés devant une situation où ils doivent agir (par exemple, donner l’alarme en cas de danger).

La  » cervelle d’oiseau  » est certes petite, voire minuscule, mais, en matière cérébrale, la taille de l’organe ne fait pas tout. Si l’on considère la proportion entre le volume de leur cerveau et celui de leur corps, ces animaux sont en réalité dans la norme des primates. De plus, des études anatomiques réalisées sur des encéphales d’oiseaux montrent un haut degré de connectivité entre aires cérébrales, ce qui est révélateur d’une certaine intelligence et de capacités de raisonnement. En particulier, les oiseaux sont dotés d’un grand nombre de neurones dans une structure appelée pallium, impliquée dans la planification. Une capacité utilisée de façon stratégique par le Cassenoix d’Amérique, qui vit dans les forêts de pins en altitude. En automne, il fait ses réserves de grains et peut aménager jusqu’à 10 000 cachettes. Le printemps suivant, le petit passereau revient sur les lieux et sa mémoire est telle qu’il en retrouve environ 3 000, y compris celles encore recouvertes de neige !

Dans le monde des oiseaux, deux groupes d’espèces semblent particulièrement doués. Le premier regroupe les Psittacidae, c’est-à-dire les perroquets, perruches, cacatoès, aras… On connaît l’exemple du perroquet Alex,  » gris du Gabon  » surdoué capable de nommer 150 mots, d’identifier les formes d’objets, leur couleur, puis de les comparer deux à deux. Lui et ses congénères sont équipés de structures cérébrales que l’on sait impliquées chez l’humain dans l’apprentissage vocal. Leurs capacités cognitives, combinées avec une langue épaisse et musclée et un  » syrinx  » (l’équivalent de notre larynx) permettent aux perroquets de produire une grande variété de vocalises, et d’imiter la voix humaine, mais aussi les aboiements d’un chien, une toux ou des éternuements ! Un don qui n’est pas simple et bête imitation : les chercheurs qui les ont observés en captivité estiment qu’ils se servent de nos mots pour communiquer avec nous.

Les capacités exceptionnelles du second groupe – la famille des corbeaux – époustouflent les ornithologues. Le groupe des corvidés réunit les geais, les pies, les corneilles, les freux et les corbeaux, tous experts dans la fabrication d’outils. En Nouvelle-Calédonie, les espèces locales découpent avec leur bec les bords de feuilles plates et rigides pour assembler plusieurs sortes de dispositifs dans le but d’attraper les vers cachés dans le bois mort. Ils se servent aussi de brindilles pour s’assurer qu’une araignée est bien vivante… et consommable. Leur créativité est remarquable, comme en témoigne l’histoire, qui a fait le tour du monde, de cette corneille japonaise. Une noix dans le bec, l’animal volait au-dessus d’une route urbaine. Il l’a laissée tomber pour que les voitures l’écrasent… Et a attendu le feu rouge pour en récupérer les morceaux ! Savoir patienter est un signe fort d’intelligence. Dans une expérience, des corbeaux ont montré comment ils développaient des stratégies d’attente pour une meilleure récompense. Ils devaient être capables de ne pas manger leur morceau de pain afin de pouvoir l’échanger, un peu plus tard, pour du raisin plus goûteux. Certains animaux ont tenu plus de cinq minutes pour un échange plus favorable.

Les éléphants recouvrent de feuilles et de terre le cadavre de l'un des leurs et semblent ressentir de la tristesse.
Les éléphants recouvrent de feuilles et de terre le cadavre de l’un des leurs et semblent ressentir de la tristesse.© Jason Edwards/getty images

Éléphants – Ils « pleurent » énormément

Un gros cerveau dans un corps massif : le cortex cérébral de l’éléphant est le plus volumineux de tous les mammifères terrestres. 4 kilos de masse grise, dotés de 10 milliards de neurones (contre 7, seulement, pour le chimpanzé) et des capacités sociales et cognitives étonnantes que la science commence tout juste à approfondir.

Les chercheurs s’intéressent depuis longtemps à ces bêtes, parmi les plus imposantes de la faune sauvage. Pour établir, d’abord, que les deux sortes d’éléphants (d’Asie et d’Afrique) partagent avec nous deux traits importants : une longue espérance de vie, de l’ordre de soixante à septante ans, et une dépendance durable à l’égard de la mère. Comme le jeune humain, l’éléphanteau pratique auprès de sa génitrice, puis au sein du groupe, l’apprentissage et la transmission des savoir-faire. Par exemple, creuser un trou pour que l’eau en jaillisse, se saisir d’une écorce, la mâcher pour en faire une boule, et en boucher le trou pour éviter l’évaporation du liquide. Une telle séquence demande de fortes capacités d’organisation et d’anticipation. Elles sont servies par une mémoire exceptionnelle.

Avoir une  » mémoire d’éléphant « , consiste, pour cet animal, à se souvenir de la localisation des sources d’eau et de nourriture dans un rayon de 600 kilomètres. C’est aussi mémoriser les sons : ses grandes oreilles seraient aptes à reconnaître et à différencier des langages humains, comme le suggère une expérimentation menée dans un parc national au Kenya : des chercheurs britanniques ont enregistré des paroles en langue massaï (employée par une tribu voisine du troupeau d’éléphants, en conflit permanent avec lui) et les ont fait écouter aux animaux. Entendre le dialecte local a entraîné une certaine nervosité chez les éléphants, qui se sont calmés après quelques mots d’une autre langue, le swahili, prononcés par l’équipe.

Mais ce qui frappe le plus les scientifiques, ce sont les capacités émotionnelles des éléphants. Une étrange pratique a été observée plusieurs fois en milieu sauvage : devant le cadavre de l’un des leurs, les animaux examinent et touchent doucement les ossements, jusqu’à parfois les recouvrir de terre et de feuilles. Les éléphants enterrent-ils leurs morts ? Ils semblent en tout cas ressentir de la tristesse. Le groupe entoure alors l’animal malheureux et semble vouloir le consoler en le frottant et en mettant une trompe dans sa gueule. Des réactions de compassion, de protection et de soutien devant un congénère blessé ont été aussi repérées à de nombreuses reprises.

Pour autant, l’éléphant fait-il partie des rares animaux capables d’éprouver une conscience de soi ? Il semblerait que oui, en tout cas pour l’éléphant d’Asie. Trois femelles ont ainsi passé le  » test du miroir « , au zoo du Bronx, à New York : il s’agissait simplement de se reconnaître devant la glace. On a tracé une marque blanche sur le front des animaux et on les a placés devant le miroir. Une éléphante nommée Happy a touché de sa trompe le signe blanc à plusieurs reprises, montrant qu’elle s’était reconnue. Conscience de soi, mais aussi de son corps dans l’espace : des éléphants d’Asie ont récemment été confrontés à un nouvel exercice, le  » test du tapis « , mené par des chercheurs de l’université de Cambridge. Il s’agissait pour un animal de tirer un tapis sur lequel il était justement en train de marcher. L’éléphant a commencé à tirer le tapis, puis a fait un pas de côté pour le libérer et être en mesure d’accomplir la tâche. Test réussi !

Le Toxoplasma gondii
Le Toxoplasma gondii « kidnappe » le cerveau de ses victimes.© Eye of science/Phanie

Micro-organismes – De vrais manipulateurs

Mais que vient donc faire un être unicellulaire dans ce palmarès des animaux intelligents ? Toxoplasma gondii ne dépasse pas huit micromètres. Ce micro-organisme, logé à l’intérieur d’une cellule, dépend totalement de cette dernière pour ses nutriments. C’est ce que l’on appelle un parasite. Mais celui-là, s’il n’est pas intelligent au sens strict du terme, n’en est pas moins un redoutable manipulateur. Comme dans un film d’horreur, il est capable de kidnapper les cerveaux de ses victimes, les poussant à des actes insensés. Selon certains chercheurs, les humains qu’il infecte pourraient, notamment à cause de lui, développer des maladies psychiques comme la dépression, l’épilepsie, voire la schizophrénie.

T. gondii est l’agent pathogène de la toxoplasmose. Hormis pour les personnes au système immunitaire défaillant, ce n’est pas une pathologie grave, un peu de fièvre, de la fatigue, tout au plus. Mais l’infection par le parasite est en revanche largement répandue ; plus d’un tiers de la population mondiale serait touché. A cause des chats ! En effet, le parasite ne peut se reproduire que dans l’intestin de ces mammifères. Il doit donc  » s’arranger  » pour se faire manger, et infecte pour cela le cerveau d’hôtes intermédiaires, des rats par exemple. Une expérimentation a montré que des rats infectés par T. gondii développaient des signes d’excitation, au lieu de peur, après avoir reniflé de l’urine de chat : inconscients des risques, les rongeurs sont ainsi poussés à se jeter littéralement dans la gueule de leur prédateur !

Si les rats se font croquer, T. gondii aura atteint son objectif. Le parasite se retrouvera dans la nature, dans les crottes du chat, et pourra contaminer d’autres espèces. Une étude publiée en 2016 dans la revue Current Biology démontre que le phénomène a affecté des chimpanzés. Ces singes ont développé, à la suite de leur infection, une attirance à l’égard de l’urine de léopard, cousin du chat et l’un de leurs prédateurs…

Qu’en est-il pour les humains ? L’infection parasitaire pourrait entraîner des effets similaires pour notre espèce, commensale des chats, et changer certains de nos comportements. Plusieurs études vont à l’appui de cette hypothèse. L’une, américaine, datant de 2007, met en lumière un lien entre infection par T. gondii et schizophrénie. Une autre, danoise, indique un taux plus élevé de comportements suicidaires chez les mères infectées par le parasite. D’autres observations ont lié l’état d’infection latente à une prise de risques accrue au volant d’une voiture. Pour autant, ces corrélations ne sont pas des relations de cause à effet solidement validées. Il convient donc de se montrer prudent. Il n’empêche : T. gondii mérite bien sa place au palmarès des intelligences animales, mais du côté obscur de la force.

En cas de maladie, les chimpanzés du parc national de Kibale, en Ouganda, consomment des écorces d'arbre bien spécifiques pour se purger de leurs parasites.
En cas de maladie, les chimpanzés du parc national de Kibale, en Ouganda, consomment des écorces d’arbre bien spécifiques pour se purger de leurs parasites. © Juergen Ritterbach/Getty images

Singes – Stratèges et grammairiens

Malin comme un (grand) singe… C’est bien connu, nos cousins chimpanzés, bonobos, orangs-outans et gorilles nous ressemblent beaucoup par leurs capacités cognitives. Ces primates sont capables d’anticipation, de mémoire spatiale, d’apprentissage, jouent avec des objets, se servent d’outils, apprennent des mots humains… A tel point que certains chercheurs ont proposé de faire entrer Pan troglodytes (le nom scientifique du chimpanzé) dans le genre Homo, aux côtés des Sapiens. Le chimpanzé, qui partage 99,4 % d’ADN avec l’être humain, est, en effet, particulièrement doué pour les pratiques culturelles sophistiquées. Sabrina Krief, primatologue au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, s’est intéressée aux comportements d’automédication de ces animaux au sein du parc national de Kibale, en Ouganda. Et a établi que les chimpanzés malades usent de certaines écorces d’arbre (peu consommées par les individus sains, car amères et difficiles à manger) pour se purger de leurs parasites. Une vraie démarche médicale !

Ce n’est pas tout. A un jeu de stratégie organisé par des chercheurs américains et japonais impliquant des humains et des singes, les chimpanzés se sont révélés les meilleurs. Deux par deux, il fallait choisir entre deux cases sur un écran tactile, une à droite et l’autre à gauche, sans connaître le choix de l’autre joueur. Objectif : mesurer la capacité des participants à se souvenir des mouvements de l’adversaire et à faire de bons choix. Les chimpanzés ont remporté la mise (des morceaux de pomme) grâce à leur mémoire très affûtée et à leur capacité à développer des stratégies. En milieu sauvage, ces qualités sont essentielles pour évoluer dans un environnement parfois hostile, et toujours compétitif s’agissant de l’accès à la nourriture et de la possibilité de reproduction.

Il ne leur manque plus que la parole. Ah oui, vraiment ? Un beau travail de recherche mené par l’éthologue Alban Lemasson (université de Rennes) et le linguiste Emmanuel Chemla (ENS) s’est intéressé à la  » conversation  » des membres d’une espèce dite  » mone de Campbell « , des singes forestiers que l’on trouve dans le parc national de Taï, en Côte d’Ivoire. Quelques constatations savoureuses (les femelles ne se coupent pas la parole, les jeunes, si) et une découverte étonnante : les compétences sémantiques des mones femelles, qui ont un cri d’alarme  » léopard  » et un autre  » aigle  » ; et les capacités de syntaxe des mâles. Ces derniers disposent de six cris d’alarme qu’ils émettent en longues séquences de 25 vocalisations successives. En modifiant la séquence, l’animal varie ses messages au groupe sur la nature de la menace (chute d’arbre, présence d’un prédateur), le type de prédateur (aigle ou léopard), ce qui a conduit à le repérer (bruits, indices visuels)… Pour affiner encore le message, les mones de Campbell utilisent des suffixes, en bons grammairiens qui s’ignorent. En langage mone,  » krak  » signifie ainsi danger léopard, et  » hok « , danger aigle. L’ajout du suffixe  » oo  » généralise le message pour tout prédateur en  » danger provenant du sol  » (krakoo) ou  » de la canopée  » (hokoo). Autant de signes fort d’émergence du langage.

Organisés en groupes hiérarchisés, les rats développent des comportements d'entraide et n'hésitent pas à venir au secours d'un congénère en détresse.
Organisés en groupes hiérarchisés, les rats développent des comportements d’entraide et n’hésitent pas à venir au secours d’un congénère en détresse. © Auscape/Getty images

Rats – Rusés et solidaires

Aux rats et aux souris, la science reconnaissante. A Novossibirsk, en Russie, une statue de bronze a été érigée à l’effigie d’un rongeur de laboratoire, chaussé de fines lunettes et tricotant un bout d’ADN. On pourrait penser que c’est justement parce qu’ils sont classés tout en bas de l’échelle des mammifères en matière de cognition que les rats constituent de parfaits cobayes. On aurait tort. Car ils (plus que la souris) se révèlent être des animaux sociaux, rusés, sensibles et capables d’empathie envers leurs compagnons.

Intelligent, le rat ? Ceux qui luttent contre la prolifération, à Paris, de Rattus norvegicus (le rat brun, 5 millions de bêtes, soit près de 2 rats par habitant) en sont les premiers persuadés… Au jeu du rat et du dératiseur, le second n’est pas sûr de gagner ! Ainsi, les boîtes d’appâts ne servent pas à grand-chose dès lors qu’un seul rat détecte la menace : le groupe de rongeurs mettra immédiatement en place une stratégie d’évitement. Sa bonne mémoire épisodique l’aide à narguer les humains qui le pourchassent : l’espèce est capable de retenir des informations multiples et distinctes des expériences passées. De même, elle fait preuve d’une véritable intelligence des situations. Dans le sud de la France, les employés d’une décharge ont observé que les rats faisaient la grasse matinée pour se réveiller pour le repas de midi, heure à laquelle les bennes à ordures étaient déversées…

Vivant en groupes hiérarchisés, les rats sont capables de solidarité et même d’altruisme. Des chercheurs japonais ont mis en évidence le comportement d’entraide à travers une expérience où un rat, plongé dans l’eau, était sauvé par des compagnons. Celui qui était en train de se noyer pouvait avoir accès à un endroit sec si un autre rat, dans une cage adjacente, lui ouvrait la porte. C’est ce qui s’est passé, mais pas avant que le rat mouillé n’ait montré de véritables signes de détresse. Autre expérience, menée par des scientifiques de l’université de Chicago, portant sur l’altruisme. Deux rats habitués l’un à l’autre ont été, l’un, enfermé dans une boîte étroite, percée de trous pour que l’on puisse percevoir ses signaux de détresse, l’autre laissé en liberté. Ce dernier a oeuvré pour délivrer son partenaire. Purement par altruisme puisque le libérateur, ce faisant, s’est retrouvé dans une cage séparée : il n’a donc pas fait cela par besoin d’interactions sociales. Plus encore, il s’est montré généreux. En présence d’une boîte de chocolats, au lieu de se précipiter, les rats testés ont d’abord ouvert la trappe avant de partager les friandises avec le rongeur libéré. Un comportement pas si fréquent chez les humains !

Par Aline Richard Zivohlava.

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