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Paralysie du sommeil : un cauchemar éveillé

Stagiaire Le Vif

Hallucinations et sensations d’angoisses, la paralysie du sommeil peut parfois prendre des formes terrifiantes. Près de 10 % de la population en aurait déjà souffert, mais le Dr Daniel Neu se veut essentiellement rassurant.

Il est effrayant et étrange, et pourtant, c’est un phénomène majoritairement banal. La paralysie du sommeil, une parasomnie la plupart du temps bénigne, est une expérience que vous avez d’ailleurs peut-être déjà vécue. Vous vous réveillez et l’angoisse vous submerge : vous êtes paralysé. Digne d’un épisode de Stephen King, la paralysie du sommeil reste inoffensive et « naturelle ».

« Prisonnière de mon propre corps »

« Je suis éveillée dans mon corps qui lui dort encore. C’est extrêmement désagréable. Je hurle, mais aucun son ne sort « , raconte Sylvie, 29 ans. Un épisode pour le moins traumatisant. Ils sont nombreux à avoir déjà connu le phénomène, reprenant par ailleurs plusieurs similitudes : état d’angoisse, membres inactifs, présence malveillante, pression sur la poitrine… Au cours de cette expérience, la victime se réveille, mais elle ne sait ni bouger, ni parler.

Dans ces moments-là, Sylvie se sent pourtant consciente et a des souvenirs très clairs de ces mésaventures : « Parfois j’arrive avec énormément de volonté à faire de petits mouvements. (…) Les minutes semblent des heures et bouger demande une détermination inouïe« .

Comment expliquer ce trouble ? Le Docteur Daniel Neu, médecin spécialisé en médecine du sommeil (somnologie) et coordinateur du laboratoire de sommeil du CHU Brugmann, se veut rassurant : « nous avons tous, de manière récurrente, des périodes de paralysie induites par le système nerveux central, surtout pendant le sommeil paradoxal (phase de sommeil avec des rêves, NDRL). »

Dans certains rares cas, la paralysie peut être un signe classique observable de maladies neurologiques liées au sommeil, mais peut très bien apparaître de manière isolée de temps à autre chez des individus sains, sans autre trouble du sommeil. « De toute manière, les paralysies récurrentes, surtout associées au sommeil paradoxal, sont des phénomènes normaux adaptatifs par rapport à ce qui se passe dans notre cerveau quand on rêve. Si, dans votre rêve, vous vous voyez par exemple sur un vélo, sans la paralysie, vos jambes pédaleraient réellement« , explique le docteur.

La plupart des personnes ne se rendent pas compte de cette paralysie physiologique, car ils dorment, mais un individu peut très bien reprendre brusquement conscience pendant cette phase paradoxale, et se retrouver ainsi « prisonnier » dans son corps. Si cet état ne dure que quelques minutes, l’angoisse est palpable.

Dans cette phase si particulière, nombreux sont ceux qui ressentent des sensations étranges. Sylvie évoque ainsi la paranoïa qui la ronge : « j’ai l’impression qu’on va profiter de mon état ou que quelqu’un est rentré dans l’appartement « , témoigne-t-elle, «  et je ressens notamment de la claustrophobie, je me sens comme prisonnière de mon propre corps et c’est très angoissant« .

Vient par ailleurs, chez certains, une sensation d’oppression sur le corps, surtout au niveau de la poitrine, donnant l’impression d’étouffer, sinon un sentiment d’intrusion dans la pièce, d’autres parviennent même à entendre et à voir une présence.

The Nightmare, le documentaire de Rodney Ascher, traite du sujet et relate les expériences terrifiantes vécues par plusieurs victimes
The Nightmare, le documentaire de Rodney Ascher, traite du sujet et relate les expériences terrifiantes vécues par plusieurs victimes© Capture d’écran

Est-ce dangereux ?

Si l’expérience est parfois effrayante, Daniel Neu ne la considère pas comme dangereuse, bien au contraire : « vivre des paralysies du sommeil n’est pas forcément quelque chose de considérable, de pathologique d’un point de vue médical. Ça peut donc être quelque chose de normal, qu’on peut ressentir de temps en temps alors que la plupart d’entre nous ne le ressentent pas, car ils n’en sont pas conscients. Ou alors, ça peut être un symptôme de certains troubles, et là, on peut consulter le médecin. « 

Les neurosciences cliniques ont aujourd’hui complètement compris le phénomène : « le système nerveux central, et les parties intervenant dans la régulation du sommeil paradoxal sont assez bien étudiés « , assure-t-il.

Les hallucinations, des visions d’ombres par exemple, sont simplement des propriétés émergentes du sommeil paradoxal et sont relatives à nos rêves. Le cerveau peut aussi les imaginer pour interpréter la situation pour le moins déroutante. Il convient cependant de consulter si elles sont fréquentes.

Le stress ne cause pas la paralysie

Contrairement aux idées reçues, le stress ne cause pas la paralysie, c’est plutôt l’inverse. Le vécu et le ressenti de cet épisode traumatisant chez une personne « saine » peut en effet générer et provoquer des angoisses par la suite.

Chez le « sujet normal simple », ne souffrant pas de pathologie neurologique ou de problème primaire de sommeil, le risque de vivre cette expérience peut, par exemple, être la conséquence d’une privation partielle de sommeil. Daniel Neu s’explique : « imaginons que l’on a des besoins de sommeil de sept ou de huit heures, et que l’on se couche trop tard pour se lever très tôt le matin, on s’est alors privé du sommeil matinal, la plus grosse partie du sommeil paradoxal. Si on fait une sieste plus tard, il y a une pression sur le sommeil paradoxal, et un risque accru que survienne cette paralysie, manifestation de ce sommeil paradoxal. »

Le tableau
Le tableau « My Dream, My Bad Dream » de Fritz Schwimbeck © Pinterest

Prévenir le phénomène

« On ne peut pas faire grand-chose pour prévenir le phénomène, la meilleure chose est de rassurer le patient et de lui dire que ça passera. Il ne faut pas s’inquiéter, ça ne dure pas longtemps « , prévient le spécialiste.

Néanmoins, pour atténuer ou stopper le phénomène, l’individu peut tenter de modifier son rythme respiratoire. « Ça peut aider, même si ce n’est pas un truc qui marche à 100 % « . « Un autre truc, c’est de bouger volontairement les yeux, car les muscles oculomoteurs ne sont pas paralysés. »

Concrètement, cela devrait arriver une fois à chacun d’entre nous, et c’est normal. « Dans la plupart du temps, on rassure les gens, et on regarde s’il n’y a pas de petits soucis comme un manque de sommeil, on donne aussi de petites consignes pour essayer d’atténuer tout cela, ou on fait une mise au point neurologique au centre du sommeil« , conclut-il.

Noémie Joly

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