Laurens De Meyer

« Les sucres cachés dans notre alimentation sont comparables au scandale Volkswagen »

Laurens De Meyer Ingénieur industriel dans l'industrie alimentaire et blogueur food

Les scandales alimentaires incessants le prouvent, notre alimentation est mal en point. Cette tendance se vérifie dans l’augmentation du taux d’obésité et des maladies de prospérité. On découvre qu’il y a quelques erreurs fondamentales dans la façon dont l’industrie alimentaire gère la santé des consommateurs.

Je résume les informations de ces quatre derniers mois. Le poisson que vous mangez n’est pas celui qui figure sur votre menu ou sur l’emballage. Même dans les restaurants chics. L’huile d’olive de votre salade est fausse, tout comme la viande dans votre plat préparé. Et Test-Achat fait savoir que l’industrie alimentaire nous trompe à gogo. Les emballages ne donnent pas les informations correctes et les produits qui ont l’air de contenir des fruits sont souvent bourrés de sucre. Et il est franchement cynique que l’industrie alimentaire vise particulièrement les enfants qui sont sensibles aux jolis emballages. Les mauvaises habitudes alimentaires prises dès le plus jeune âge exercent un impact tout au long de leur vie.

Le consommateur est délibérément trompé

L’immobilisme politique est frappant. Il faut un scandale extrême tel que la crise de dioxine pour que quelque chose bouge. On peut comparer la situation avec le scandale diesel de Volkswagen, les parallèles avec la tromperie dans l’industrie alimentaire sont frappants. Le consommateur est délibérément trompé à coup de beaux chiffres ou d’emballages qui n’ont rien à avoir avec la réalité derrière le produit.

Le plus grand danger réside surtout dans l’abondance de sucres ajoutés. En cas de consommation prolongée et excessive, ils exercent le même impact sur notre santé que l’abus d’alcool.

Même si vous ne vous en rendez pas compte, vous courez de gros risques de consommer trop de sucre.

Même si vous ne vous en rendez pas compte, vous courez de gros risques de consommer trop de sucre. La grande majorité des produits traités contiennent en effet des sucres ajoutés. Évidemment dans les jus de fruits, mais aussi dans le pain, le salami et la lasagne. Il faut surtout éviter les produits dits de régime. Le label « light » signifie uniquement qu’un produit alimentaire contient moins de 30% de la valeur énergétique de graisse ou de sucre par rapport à d’autres produits de la même catégorie. Généralement, on retire une partie de la graisse de ce produit. Mais comme la graisse donne du goût et de la structure, il faut compenser son absence en ajoutant une portion royale de sirop de sucre.

Cette méthode ne présente que des avantages pour l’industrie alimentaire. L’évolution nous a prédisposés au goût pour les aliments sucrés. Aussi un produit plus sucré que son homologue de la même catégorie, fera-t-il plus vendre. Le sirop de sucre contient 50% de fructose, un sucre qui réprime la sensation de satiété et qui nous donne envie de manger davantage. Tous ces produits light ne font pas mincir, il incite à en manger davantage. En outre, les produits light sont plus chers.

Pourtant, on connaît l’impact négatif du sucre depuis longtemps. La science l’affirme depuis des décennies. Le docteur Robert Lustig a vulgarisé ces informations et dans son rapport de 2015 au sujet de directives pour la consommation de sucre, l’OMS réunit toutes les preuves. Personne ne peut donc nier le problème causé par notre consommation de sucre. Les Belges consomment quatre fois plus de sucre par jour que les 25 grammes conseillés par l’OMS.

Feux de signalisation pour l’alimentation

Il est donc du devoir de l’état d’agir. Pourtant, le processus est manifestement très pénible et exempt de tout sentiment d’urgence. Le plus grand problème, c’est que les décisions politiques sont beaucoup trop peu animées par la science. Il est prouvé qu’un étiquetage universel simple, qui compare tous les produits, peut résoudre le problème. Le système de feux de signalisation illustre à merveille cette mesure. Les produits sains se voient pourvus d’un label vert, les produits moyens d’un symbole orange et les produits mauvais pour la santé d’un rouge. On étudie l’impact total du produit sur la santé et non une composante en particulier ou une catégorie. Évidemment, tout cela ne se fait pas tout seul et l’instauration d’un tel système doit s’accompagner d’une campagne d’informations approfondie pour sensibiliser le consommateur aux dangers de la mauvaise alimentation et à l’information fournie par ce label.

Comme beaucoup de produits traités se verraient apposer un label rouge, l’industrie est fort opposée à cette idée. En 2010, la Commission européenne avait déjà projeté d’instaurer un système de feux de signalisation, mais le lobby alimentaire a dépensé plus d’un milliard d’euros pour éviter cette réglementation.

En Belgique non plus, les responsables politiques n’ont pas trouvé de réponse pour maîtriser les maladies de civilisation. On a une taxe soda molle qui alimente les caisses de l’état, mais qui n’exerce aucun effet bénéfique sur la santé. Pourtant, nos politiques se rendent compte du problème. Ces dernières semaines, la majorité a discuté de l’étiquetage au parlement fédéral, mais là encore c’est l’industrie qui influence le législateur. À nouveau, on n’a pas accordé d’attention au système des feux de signalisation et la réglementation semble inutile, ce qui n’a rien d’étonnant quand on étudie les relations intimes entre la majorité actuelle, la ligue des paysans, l’Office flamand d’Agro-Marketing (VLAM) et la FEVIA.

Pourtant, l’étude de Testachat démontre clairement qu’il ne faut pas compter sur la bonne volonté de l’industrie alimentaire. Le consommateur a droit à une information claire et simple sur ses emballages. Il est grand temps que les politiques agissent.

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