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L’orgasme multiple existe-t-il vraiment ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Lorsque les relations sexuelles sont représentées à l’écran, elles montrent le plus souvent une femme et un homme en train de jouir simultanément. Or, la plupart des femmes n’atteignent pas l’orgasme durant la pénétration. Voici ce que sait la science à propos du clitoris et du point G.

Les scènes de sexe que l’on est habitué à voir à l’écran ne sont que pure fiction, rappelle le Guardian qui s’est penché sur l’orgasme féminin.

L’orgasme est « le point culminant et terme de l’excitation sexuelle, caractérisé par des sensations physiques intenses », selon la définition du Larousse. Rien de nouveau jusque-là. Mais lorsque l’on se penche sur ce que sait la science à propos des organes génitaux féminins, il faut s’attendre à avoir quelques surprises. Les scientifiques en savent très peu sur la santé sexuelle et les mécanismes du sexe féminin. Ils sont d’ailleurs incapables de répondre à de simples questions telles que : « qu’est-ce qui déclenche l’orgasme féminin », « ce qu’il produit » et « à quoi il sert ».

Depuis des siècles, alors que la science s’est très vite intéressée à l’orgasme masculin, il a fallu attendre 1992 pour qu’un véritable programme de recherche sur la santé vaginale soit lancé.

Un article scientifique de 1930 établissait que certaines femmes témoignaient avoir vécu des orgasmes multiples (plusieurs orgasmes survenant lors d’un même rapport dans un laps de temps assez court). Dans les années 1960, des études menées par les superstars de la sexologie, Masters et Johnson, et d’autres, ont découvert que 14à 16 % des femmes ont expérimenté des orgasmes multiples.

Cependant, l’étude de l’orgasme féminin est seulement devenue possible avec l’avènement d’outils de diagnostic tels que le scanner IRM ou EEG, qui peuvent voir ce qui se passe dans le cerveau. Avant cela, les chercheurs dépendaient de ce que les femmes voulaient bien leur dire. Une méthode inadéquate, car les humains ne disent pas toujours la vérité quand il s’agit de sexe.

On peut maintenant également étudier l’afflux sanguin vers les organes génitaux qui constitue une partie importante de l’orgasme. Lors de l’orgasme, plus de 30 régions du cerveau s’éclairent chez la femme, y compris celles qui régissent les émotions et la joie.

Les scientifiques peuvent aussi observer le processus physiologique de l’orgasme: la tension des muscles, l’accélération de la fréquence cardiaque, le sang qui afflue vers la région génitale, puis le sentiment béni de la libération et du plaisir.

À ce stade, les femmes et les hommes divergent. Pour commencer, l’homme est plus susceptible d’avoir un orgasme que la femme. Une étude nationale récente menée aux États-Unis a révélé que 95% des hommes hétérosexuels et 89% des hommes gais ont déclaré avoir toujours atteint la jouissance lors de leurs rapports sexuels. Chez les femmes hétérosexuelles, le taux était de 65% (mais chez les lesbiennes de 86%). C’est ce qu’on appelle le « fossé de l’orgasme » et il est généralement rempli par le mensonge: 67% des femmes hétérosexuelles ont admis avoir simulé un orgasme dans une étude de 2010, alors que 80% des hommes étaient convaincus que leur partenaire n’avait jamais triché.

Le clitoris est un organe puissant qui a plus de terminaisons nerveuses que le pénis et il existe, d’après ce que l’on sait, uniquement pour donner du plaisir. Il n’a pas de but reproductif connu, mais rien n’est clair à ce sujet. Une théorie veut que l’orgasme soit un moyen pour le corps féminin de capturer plus de sperme avec les contractions du climax. Cela est, joliment, appelé « insuccion ». Le rôle de l’orgasme féminin dans la reproduction, ou même dans le comportement humain reste « une question controversée ».

Après avoir joui, l’homme entre dans une « période réfractaire », où il doit se rétablir. Cela varie de quelques minutes chez les jeunes hommes à 20 heures chez les hommes plus âgés, mais aussi longtemps que cela dure, il n’y aura pas de réponse à la stimulation sexuelle. Une femme n’a pas de pareille barrière. Si elle vient d’avoir un orgasme, elle peut « se mettre en selle » en quelques secondes ou minutes, ou quand elle en a envie, avec la bonne stimulation – probablement (mais pas seulement) clitoridienne – elle peut de nouveau jouir.

Toutefois, plusieurs circonstances doivent être réunies : un environnement propice, son partenaire (si elle en a besoin) et la connaissance de son propre corps. C’est surprenant, explique le professeur Linda Cardozo, porte-parole du Collège royal des obstétriciens et gynécologues, « le nombre de femmes qui ne connaissent même pas les noms donnés aux différentes parties de leurs organes génitaux ». Nous disons vagin (le passage interne menant au col de l’utérus) quand c’est la vulve (organes génitaux externes). Nous voyons des images de femmes avec des organes génitaux rasés de façon improbable, et supposément sans lèvres externes.

Les auteurs d’une étude qui tentait de comprendre comment les organes génitaux des femmes variaient en apparence s’étonnaient que « même certains manuels d’anatomie récents n’incluent pas le clitoris sur les diagrammes du bassin féminin ». Selon Sarah Martin, directrice exécutive de l’Association mondiale des coachs sexuels, l’une des choses les plus importantes qu’elle puisse faire c’est de renvoyer ses patientes chez elles pour qu’elles regardent leur vulve dans un miroir.

Utiliser les bons mots est important aussi. Vulve, pas de vagin. Sinon, dit Vincenzo Puppo, sexologue à l’université de Florence, les femmes considèrent leur vagin comme « juste un trou ».

Sarah Martin essaye aussi d’amener les femmes à se détendre. Avant l’orgasme, les ondes alpha dans notre cerveau ralentissent. Un documentaire récent sur le « super orgasme » – en réalité des orgasmes multiples – a montré que les femmes qui avaient de multiples orgasmes avaient des ondes alpha plus lentes que la moyenne des femmes. Leurs cerveaux étaient plus silencieux, faisant plus de place pour le plaisir.

Seulement environ 20% des femmes peuvent atteindre l’orgasme par la pénétration seule; le reste d’entre nous a besoin d’une stimulation clitoridienne. Le vagin est merveilleux, mais il n’est pas rempli de terminaisons nerveuses comme le clitoris.

Et le point G ?

Le point G est nommé pour la première fois par Ernest Gräfenberg, qui a écrit un article en 1950 sur une zone érogène sur la paroi antérieure du vagin. Cela s’est propagé dans la perception populaire par un livre éponyme de 1981 écrit par deux psychologues et une infirmière, et par d’innombrables articles depuis. L’infirmière était Beverley Whipple, qui a déclaré que son équipe avait enquêté en insérant des doigts dans les vagins des femmes et en tournant. Elle a alors affirmé qu’une certaine zone à l’intérieur du vagin provoquait davantage de plaisir.

À ce jour, il n’existe toujours pas de données fiables pouvant attester de son existence, bien que beaucoup de femmes croient en avoir un. « Le point G », écrit le neuroscientifique Terence Hines en 2001, « restera une sorte d’OVNI gynécologique, très recherché et discuté, mais non vérifié par des moyens objectifs. » Le débat sur le point G n’a pas empêché les cosméto-gynécologues d’offrir des procédures telles que l’amplification du point G, un concept proposé par le gynécologue californien David Matlock, qui a décidé que l’injection de collagène dans la paroi vaginale améliorerait la sensation pendant quatre mois. L’American College of Obstetricians était en désaccord avec cette pratique, décidant que la procédure n’avait aucune base scientifique. Maintenant, certains pratiquent le O-shot (O pour l’orgasme), une injection eu plasma riche en plaquettes (PRP), dérivé du sang de la femme, dans la paroi vaginale. Mais il n’existe aucune donnée scientifique sur l’éventuelle efficacité d’une telle procédure.

Comment atteindre l’orgasme (multiple) ?

Il faudrait que la science avance sur le sujet pour en savoir plus. Mais à ce jour, la meilleure méthode reste le dialogue. La communication serait aussi efficace que le lubrifiant, que ce soit avec un partenaire ou un médecin. Pour les femmes qui pensent avoir besoin de modifier chirurgicalement leur vulve parce qu’elles sont anormales, l’American College of Obstetricians prescrit « une discussion franche » sur le large éventail des organes génitaux normaux.Le métier de gynécologue, qui se féminise de plus en plus, devrait également aider la cause des femmes. Aux États-Unis, 82% des assistants en gynécologie sont maintenant des femmes, et la moitié des membres du Royal College of Obstetrics and Gynecologists du Royaume-Uni sont également des femmes.

Il faut apprendre et pratiquer. Pour cela, la masturbation s’avère très efficace, y compris pour les orgasmes multiples.Enfin, le clitoris devrait être placé sur un pied d’égalité avec le pénis.

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