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Financement libyen: Sarkozy dénonce un « enfer de la calomnie »

Le Vif

L’ancien président français Nicolas Sarkozy, mis en examen dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007, a affirmé qu’il vivait « l’enfer de la calomnie », selon sa déclaration aux magistrats, reproduite jeudi sur le site internet du journal Le Figaro.

« Depuis le 11 mars 2011, je vis l’enfer de cette calomnie », a déclaré M. Sarkozy, qui dénonce également l’absence de « preuve matérielle » dans les accusations portées contre lui.

L’ancien chef de l’Etat, 63 ans, a été mis en examen (inculpé) mercredi soir pour « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « recel de fonds publics libyens », ce qui marque un coup d’accélérateur dans cette affaire instruite par des magistrats français depuis près de cinq ans.

Il dit être « accusé sans aucune preuve matérielle » par les déclarations de l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi et de ses proches, ainsi que par l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine. « Il est avéré à de multiples reprises qu’il (Ziad Takieddine, ndlr) a touché de l’argent de l’État libyen », poursuit M. Sarkozy.

« À propos de M. Takieddine, je voudrais vous rappeler qu’il ne justifie durant cette période 2005-2011 d’aucun rendez-vous avec moi », ajoute l’ancien président de la République.

« Pendant les 24 heures de ma garde à vue, j’ai essayé avec toute la force de conviction qui est la mienne de montrer que les indices graves et concordants qui sont la condition de la mise en examen n’existaient pas compte tenu de la fragilité du document ayant fait l’objet d’une enquête judiciaire et compte tenu des caractéristiques hautement suspectes et du passé lourdement chargé de (l’intermédiaire franco-libanais) M. Takieddine », a notamment déclaré M. Sarkozy.

« Les faits dont on me suspecte sont graves, j’en ai conscience. Mais si, comme je ne cesse de le proclamer avec la plus totale constance et la plus grande énergie, si c’est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, ou de de ses affidés (…) alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l’injustice qui me serait faite », a-t-il également déclaré.

« Coup de tonnerre »

« C’est un coup de tonnerre après cinq ans d’investigations. Il est mis en examen des principaux chefs dans cette enquête », a relevé une source proche du dossier.

« La justice dans ce pays est libre, qu’on soit ancien chef d’Etat, parlementaire ou ministre », a déclaré à l’AFP Christophe Castaner, délégué général de La République en marche, le parti soutenant le président Emmanuel Macron.

Sollicités, les avocats de M. Sarkozy n’étaient pas disponibles dans l’immédiat.

L’inculpation de Nicolas Sarkozy, 63 ans, dans le dossier libyen marque un formidable coup d’accélérateur dans cette affaire instruite par des magistrats du pôle financier depuis près de cinq ans.

La garde à vue de l’ancien chef de l’Etat, qui avait débuté mardi, s’était terminée mercredi en fin d’après-midi. Elle a duré en tout 26 heures.

L’ex-président était arrivé peu avant 08H00 (07H00 GMT) à l’office anticorruption à Nanterre, près de Paris, selon des sources proches du dossier. Mardi, son audition entamée dans la matinée avait été interrompue vers minuit.

Egalement entendu, mais sous le statut de « suspect libre », Brice Hortefeux, un proche de l’ex-président qui occupa plusieurs postes ministériels pendant son quinquennat (2007-2012), avait été entendu mardi à l’office anticorruption.

« M. Hortefeux a de nouveau assuré qu’il n’y avait pas eu de financement en provenance de Libye ou de quelque pays étranger. En répondant aux nombreuses questions qui lui ont été posées, il a démenti les erreurs et rumeurs qui ont couru sur cette affaire », a déclaré à l’AFP son avocat, Jean-Yves Dupeux.

Depuis la publication, en mai 2012, par le site internet d’informations Mediapart d’un document libyen – attribué à l’ex-chef des renseignements Moussa Koussa – accréditant un financement d’environ 50 millions d’euros, pour permettre notamment à la Libye de sortir de son isolement diplomatique, les investigations des juges ont considérablement avancé.

Plusieurs protagonistes du dossier, dont plusieurs ex-responsables libyens, ont accrédité la thèse de versements illicites. Le sulfureux homme d’affaires Ziad Takieddine a lui-même assuré avoir remis entre fin 2006 et début 2007 trois valises contenant cinq millions d’euros venant du régime de Kadhafi à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet, Claude Guéant.

Circulation d’argent liquide

« Le menteur, ce n’est pas moi », a réagi M. Takieddine après l’inculpation de l’ex-président. « Petit à petit, l’étau se resserre, tout commence à tomber et la mafia aussi », a-t-il ajouté.

L’enquête avait été élargi en janvier à des soupçons de « financement illégal de campagne électorale ».

Cet élargissement faisait suite à un rapport de l’office anticorruption, daté de septembre, qui évoque une circulation importante d’espèces dans l’entourage du candidat du parti UMP durant la campagne pour la présidentielle de 2007. « Tout le monde venait chercher son enveloppe », a relaté une ex-salariée, selon ce rapport dont l’AFP a eu connaissance, doutant qu’une distribution aussi massive ait pu se faire sans que Nicolas Sarkozy ait été au courant.

Les investigations ont aussi mis en lumière un virement de 500.000 euros perçu par Claude Guéant en mars 2008, en provenance d’une société d’un avocat malaisien. L’ex-secrétaire général de l’Élysée a toujours affirmé qu’il s’agissait du fruit de la vente de deux tableaux, sans convaincre les juges qui l’ont mis en examen notamment pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée ».

Les juges s’interrogent également sur la vente suspecte en 2009 d’une villa à Mougins (sud-est de la France) à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, ancien argentier de Kadhafi. Ils soupçonnent l’homme d’affaires Alexandre Djouhri d’avoir été derrière plusieurs prête-noms le véritable propriétaire du bien et de l’avoir cédé pour 10 millions d’euros, soit plus du double du prix du marché. Une transaction qui aurait pu être effectuée pour dissimuler d’éventuels versements occultes.

L’enquête a connu un rebondissement important en janvier avec l’arrestation à Londres d’Alexandre Djouhri, qui devrait être fixé sur son éventuelle extradition en juillet.

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