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Migrants de Calais: La guerre est déclarée aux réseaux de passeurs

La France et la Grande-Bretagne ont affiché jeudi leur détermination commune à lutter contre les réseaux de passeurs qui aident les migrants et réfugiés à traverser la Manche, alors que l’Union européenne tout entière est confrontée à la plus grave crise migratoire depuis la Seconde guerre mondiale.

Les ministres français et britannique de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve et Theresa May, se sont retrouvés à Calais, dans le nord de la France, où convergent des milliers de réfugiés de toutes nationalités espérant achever leur périple européen en Angleterre, pour signer un accord renforçant leur coopération. L’accord prévoit notamment la création d’un « centre de commandement et de contrôle commun » de lutte contre les passeurs.

« Il faut qu’un signal très fort soit envoyé ici à Calais qu’on ne peut pas passer la frontière que nous gérons en commun », a déclaré Bernard Cazeneuve, qui a visité avec son homologue britannique le site d’Eurotunnel, objet toutes les nuits de tentatives d’intrusion de migrants et réfugiés tentant le tout pour le tout. Si Calais « ne concentre qu’une petite part des flux migratoires qui arrivent en Europe, une action ferme et coordonnée de nos deux pays est cependant rendue nécessaire par la présence de milliers de personnes souhaitant gagner le Royaume-Uni, souvent au péril de leur vie », indique l’accord.

De neuf à douze personnes, selon les sources, ont trouvé la mort ces dernières semaines dans la région de Calais en tentant de grimper dans des camions ou des trains-navettes empruntant le tunnel. Dans le même temps, plusieurs centaines de migrants se sont noyés en Méditerranée en tentant de gagner les côtes italiennes ou grecques. Selon l’agence européenne Frontex, chargée d’organiser la coopération des pays membres, 107.500 migrants et réfugiés sont arrivés aux frontières extérieures de l’UE, dont 21.000 sur les îles grecques rien que la semaine dernière.

La Fédération internationale des sociétés de la Croix-rouge et du Croissant-rouge (IFRC) a déploré jeudi « l’indifférence générale » devant cette crise humanitaire et exhorté la communauté internationale à se « réveiller ».

Paris et Londres appellent une nouvelle fois l’Union européenne à traiter la question migratoire de façon « structurelle et globale », en distinguant les personnes « qui fuient la guerre ou sont victimes de persécutions » et « l’immigration économique irrégulière qui est sans issue en Europe ».

Désengorger Calais

Si les deux situations se retrouvent à Calais, l’accord signé jeudi accorde la plus large place à la dissuasion et à la répression de l’immigration illégale. Le site d’Eurotunnel sera sécurisé, avec la création d’une « salle de contrôle intégrée » et des équipes de fouille opérant 24 heures sur 24 pour empêcher toute intrusion.

Concernant la lutte contre les réseaux de passeurs, le « centre de commandement et de contrôle commun », basé à Calais, « aura pour tâche principale de collecter le renseignement et de coordonner les opérations menées sur le terrain pour lutter contre les activités criminelles de part et d’autre de la Manche », indique le texte de l’accord.

Sur le plan humanitaire, l’accord prévoit d' »intensifier l’observation » des migrants pour « identifier les plus vulnérables et les victimes potentielles de la traite », notamment les femmes et les enfants, afin de les loger et prendre en charge à l’abri de « ceux qui cherchent à les exploiter ». Les retours volontaires vers les pays d’origine seront favorisés, avec la mise en place de campagnes d’information et de programmes d’aide au retour. Quant aux demandeurs d’asile (dont un millier ont déjà été pris en charge et ont quitté Calais selon le texte), les capacités de traitement des dossiers seront augmentés. « Le gouvernement britannique apportera une aide (…) pour la mise en place d’hébergements dédiés, situés à une distance significative de Calais », l’objectif étant de désengorger la région où les conditions de vie des migrants sont précaires et les passeurs omniprésents. La Grande-Bretagne contribuera pour 10 millions d’euros sur deux ans à ces diverses mesures dont la mise en oeuvre reposera pour une grande part sur la France. Après la signature de l’accord, le ministre français devait se rendre à Berlin pour y rencontrer son homologue allemand Thomas de Maizière, qui a annoncé mercredi que son pays attendait cette année « jusqu’à 800.000 demandeurs d’asile », un record absolu pour ce pays de 81 millions d’habitants.

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