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Les soldats irakiens à l’assaut de l’EI retranché dans Mossoul ouest

Le Vif

Des milliers de soldats et policiers irakiens ont lancé dimanche l’assaut pour chasser les jihadistes de l’ouest de Mossoul, les organisations humanitaires s’inquiétant du sort des 750.000 civils pris au piège d’une bataille qui s’annonce longue et dure.

L’offensive déclenchée à l’aube a permis la reprise rapide d’une dizaine de villages au sud de la deuxième ville du pays, sur le chemin menant vers l’aéroport de Mossoul, l’un des principaux objectifs des troupes gouvernementales.

Mossoul, conquise en juin 2014 par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et où son chef Abou Bakr Al-Baghdadi a fait son unique apparition publique, est le dernier grand bastion de cette organisation radicale en Irak.

Sa reprise totale marquerait un échec cinglant pour l’EI qui a perdu beaucoup de terrain ces derniers mois en Irak et en Syrie voisine, où il s’était emparé de vastes territoires.

A proximité de la ligne de front, sur les collines pelées d’Al-Bousseif, à 5 km à vol d’oiseau de l’aéroport, d’intenses bombardements terrestres et aériens étaient visibles, a constaté une journaliste de l’AFP.

« Nous avons jusqu’à maintenant atteint tous nos objectifs. Nous avons détruit au moins deux voitures piégées et tué plus de 20 jihadistes », a dit le général Abbas al-Joubouri, commandant de la Force d’intervention rapide, devenue incontournable dans la lutte anti-EI.

Alaa, un combattant, s’attend à ce que les jihadistes multiplient les opérations suicide afin « d’occasionner le plus de pertes possibles car ils savent qu’ils vont mourir de toute façon ».

C’est lors d’une brève intervention télévisée que le Premier ministre Haider al-Abadi a annoncé le début de l’offensive, 26 jours après la libération totale de la partie orientale de Mossoul, dans le cadre d’une opération de grande envergure lancée le 17 octobre pour chasser l’EI de l’ensemble de la ville septentrionale.

« Ninive, nous venons libérer la partie ouest de Mossoul » de la terreur de Daech », a proclamé M. Abadi, en parlant de la province dont Mossoul est la capitale et en utilisant un acronyme en arabe de l’EI.

‘Protégez les enfants’

Les forces irakiennes, formées de soldats, de policiers et de milices loyalistes, sont appuyées dans les airs par l’aviation de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis et au sol par des conseillers militaires notamment américains.

Dans un premier temps, la police fédérale et la Force d’intervention rapide tenteront de prendre l’aéroport, situé à la périphérie sud de la ville, à l’ouest du Tigre, le fleuve qui divise Mossoul en deux. Les cinq ponts au-dessus du Tigre liant l’est à l’ouest de la ville ont été détruits ces derniers mois.

La violence des combats qui s’annoncent inquiète l’ONU, qui a lancé « une course contre la montre » pour établir de nouveaux camps dans l’éventualité d’un afflux de déplacés, selon Lise Grande, sa coordinatrice humanitaire en Irak.

L’ONG Save The Children a appelé les forces irakiennes à « tout faire » pour « protéger » les 350.000 enfants dans l’ouest de Mossoul.

« Ces enfants doivent choisir entre les bombes, les combats et la faim s’ils restent et les exécutions et les tirs de snipers s’ils essaient de fuir », s’est alarmé Maurizio Crivallero, son directeur pour l’Irak.

Assiégés depuis plusieurs semaines, les quelque 750.000 habitants de l’ouest de Mossoul vivent dans des conditions difficiles: pénuries d’eau et d’électricité, manque de nourriture et hausse des prix.

Bataille ardue

Il a fallu plus de trois mois de combats acharnés aux forces irakiennes pour venir à bout des jihadistes à Mossoul-Est.

Et la reprise de la partie occidentale plus densément peuplée et aux ruelles étroites, sera plus ardue. L’entrelacs de ruelles va rendre difficile le passage des véhicules militaires, avertissent des experts.

De plus les jihadistes sunnites y sont mieux implantés et sont infiltrés parmi les civils qu’ils peuvent utiliser comme boucliers humains. Et ils pourraient jouir d’un plus grand soutien des habitants de la rive ouest, majoritairement sunnites.

La bataille « risque d’être plus difficile, avec des combats maison par maison, plus sanglants et à plus grande échelle », met en garde Patrick Skinner, du groupe d’analyse Soufan Group Intelligence Consultancy.

« La résistance de l’EI pourrait s’avérer plus importante dans cette zone et il sera plus difficile, mais de la plus grande importance, de nettoyer entièrement Mossoul après sa reprise », indique de son côté Emily Anagnostos, du centre de réflexion Institute for the Study of War.

Les pertes humaines subies par les forces fédérales sont importantes mais celles de l’EI seraient encore supérieures, ce qui pourrait le priver des ressources nécessaires pour défendre efficacement Mossoul-Ouest. Et les routes d’approvisionnement des jihadistes avec la Syrie sont coupées.

En visite aux Emirats arabes unis, le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis a dit que « la coalition intervient en soutien de cette opération », et que « les forces américaines jouent le même rôle qu’elles avaient joué dans l’est de Mossoul ».

« Nous poursuivrons l’accélération de nos efforts pour détruire l’EI », a-t-il dit, alors que le groupe jihadiste, malgré les revers, reste capable de mener des attentats particulièrement sanglants notamment en Irak.

Optimisme sur la ligne de front

Au milieu de collines arides, des blindés des forces irakiennes se dirigent vers un village d’une dizaine de petites maisons en pierres. Soudain, une explosion. « Touché! », crie un officier en désignant une maison frappée par un hélicoptère.

A quelques centaines de mètres de la ligne de front où a été lancée dimanche l’offensive pour reprendre au groupe extrémiste Etat islamique (EI) l’ouest de la ville de Mossoul (nord), des combattants irakiens scrutent la bataille dans une ambiance décontractée.

Les combats se déroulent dans une zone à proximité de l’aéroport, au sud de la deuxième ville du pays.

Les explosions qui retentissent au loin ne semblent pas perturber les soldats. Certains se prennent en selfie avec un groupe de journalistes étrangers, d’autres discutent de leurs histoires de coeur en partageant un sandwich et des cigarettes.

Au dessus de leur tête, un ballet d’hélicoptères bombarde à un rythme régulier des maisons où sont retranchés des jihadistes.

A l’horizon, le ciel se couvre d’un épais voile noir et des champignons de fumée s’élèvent du sol.

Dans le village visé, des habitations sont en ruines, d’autres brûlent encore. Un homme sort en courant de l’une d’elle, il est aussitôt abattu par les forces positionnées à quelques mètres.

Plus loin, un véhicule blanc démarre en trombe et réussit à quitter le village.

« Attention, voiture piégée! », s’époumonent des officiers. La voiture disparait derrière des bâtiments d’un autre bourg. Quelques minutes plus tard, une énorme détonation retentit au loin, accompagnée d’un épais nuage de fumée.

‘Moral au plus bas’

« Ils (les jihadistes) sont désespérés », affirme Ali, en astiquant machinalement sa kalachnikov qu’il porte à l’épaule. Sur son tee-shirt on peut lire « nous te sommes dévoués Ô Hussein », petit-fils du prophète Mahomet révéré par les musulmans chiites.

« Ils vont essayer de causer le plus de pertes possibles car ils savent qu’ils vont mourir de toute façon », ajoute à côté de lui Alaa, un autre combattant des forces irakiennes.

« Cette bataille de Mossoul est ma première, et avec l’aide de Dieu on va débarrasser le pays de ces rats de Daech », un acronyme en arabe de l’EI, poursuit-il.

Le 17 octobre, les forces irakiennes avaient lancé la vaste offensive destinée à reconquérir Mossoul, que l’EI avait prise en 2014 en profitant de la débâcle de l’armée d’Irak.

Elles ont depuis reconquis l’est de cette cité traversée par le fleuve Tigre et ont lancé ce dimanche l’offensive pour s’emparer des quartiers ouest.

« Nous avons jusqu’à maintenant atteint tous nos objectifs. Nous avons détruit au moins deux voitures piégées et tué plus de 20 jihadistes », affirme vers midi le général Abbas al-Joubouri, haut commandant de la Force d’intervention rapide.

Cette troupe d’élite du ministère de l’Intérieur a lancé dimanche à l’aube l’offensive pour la reprise de la rive ouest de Mossoul. Elle est soutenue dans les airs et au sol par la coalition internationale antijihadistes sous commandement américain.

« Le moral des combattants du groupe terroriste est au plus bas », assure le général Joubouri à l’AFP.

Hakem Gassem Mohamad, un officier sur la ligne de front, est lui aussi optimiste. « Je ne m’attends pas à des combats très difficiles, leur fin est arrivé », dit-il en se référant aux jihadistes.

« Nous avons affronté des défis plus compliqués. Celui-là est facile », ajoute-t-il, une grosse écharpe verte nouée autour du cou.

Il se dit toutefois « inquiet pour la vie des civils parce que l’EI les utilise comme boucliers humains pendant les combats ».

A Mossoul-Ouest, objectif principal de cette nouvelle offensive, quelque 750.000 civils sont pris au piège, manquant de tout depuis des mois.

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