L’Union européenne est un organisme nouveau qui a besoin d’idées inédites

Le Centre Jean Gol entend participer activement au travail de réflexion et à la refondation nécessaire du projet européen. Relancer l’espoir, reconstruire la confiance en l’Union européenne exige une vision claire – sans naïveté et sans tabou.

Au moment de célébrer le 60e anniversaire du Traité de Rome, il faut certes insister sur les acquis, mais on ne peut ignorer les difficultés qui caractérisent le fonctionnement de l’Union, ni les doutes qu’elle suscite dans l’esprit des citoyens, ni les défis qu’elle doit impérativement relever. Le slogan « L’Europe n’est pas le problème, elle est la solution » ne suffit plus pour convaincre, même si nombre de politiques européennes ont fait la démonstration de leur bien-fondé. Mais celles-ci, insuffisamment portées à la connaissance des populations d’Europe ne parviennent plus à faire barrage devant les désillusions, les déceptions et les rejets dont se nourrissent les replis nationalistes.

Relancer l’espoir, reconstruire la confiance en l’Union européenne exige une vision claire – sans naïveté et sans tabou – de ce que les citoyens sont en droit d’attendre, d’exiger, de l’UE dans des domaines aussi essentiels que l’économie, le social, la sécurité, la transition énergétique… L’efficacité ici doit être au rendez-vous : investissements, croissance, réindustrialisation, création d’emplois, sécurité et défense communes, affirmation au plan international…

Mais tout aussi essentielles pour l’adhésion, pour la confiance, pour le sentiment d’appartenance à la citoyenneté européenne, sont les politiques ayant trait à « l’esprit européen », aux valeurs qui le fondent. Celles-ci ont été insuffisamment activées, voire négligées, car jugées mineures, accessoires, pour un projet d’une telle complexité. De là, l’absence de média à l’échelle européenne, l’absence d’un contenu éducatif commun, l’absence de projection culturelle, l’absence d’équipes sportives européennes… Tout se passe comme si ces vecteurs d’unité mis en avant par les Etats-nations, voire par les Régions ou les Villes, étaient considérés comme inutiles, sans effet, au niveau européen. Comment s’étonner dès lors d’une crise de réprobation populaire sans précédent. Aux premiers succès de pacification du continent européen, et à l’enthousiasme suscité par la réunification de l’Allemagne et l’ouverture aux pays d’Europe de l’Est, a succédé un sentiment de non-appartenance : l’Europe est une construction supranationale dans laquelle « on » ne se reconnaît pas.

Nous avons évoqué la nécessité d’actions politiques concrètes dont l’efficacité doit être directement perceptible par les citoyens européens. Nous avons invoqué « l’esprit européen », les valeurs autour desquelles peuvent s’assembler davantage les populations d’Europe. Ces deux chantiers sont absolument nécessaires à la relance de la dynamique européenne. Mais ils ne suffisent pas : leur réussite, leur opérationnalité sont liées à une réforme politique du fonctionnement des institutions européennes. L’UE a besoin d’inventer, d’initier des instruments, des outils, des modes de travail démocratiques qui soient compatibles avec l’ampleur et la complexité du projet européen. Ce projet, fondé sur le transfert volontaire de compétences souveraines par les Etats, est unique dans l’histoire politique de l’humanité. C’est un organisme nouveau. Il en résulte que les crises qui le frappent, le font d’une manière spécifique : l’UE en crise n’est pas « seulement » un Etat en crise. Pour sortir de la situation présente et du risque de déconstruction, il faut des méthodes de travail, des processus de décision même inédits ou ardus. Mais ceux-ci doivent être, condition sine qua non, être connus, débattus, réappropriés par celui que le Prix Nobel tchèque Czeslaw Milosz appelait « Enfant d’Europe » : le citoyen.

Quelles réformes du fonctionnement institutionnel de l’UE mettre en oeuvre pour que celui-ci puisse satisfaire aux exigences légitimes de la démocratie ? Cette question est désormais cruciale, car s’il est évident que l’UE est pleinement démocratique dans son essence, par les valeurs qui la sous-tendent, par le rôle qu’elle entend assumer sur la scène internationale, par l’organisation d’élections dans les Etats membres, par le respect de la séparation des pouvoirs, d’une presse libre et des Droits humains…, l’image qu’elle renvoie est celle d’une Europe abstraite, peu efficace là où on attend qu’elle le soit, efficace par contre quand il s’agit de bureaucratie, de réglementation, d’assainissement et de sanctions. De même, l’UE se montre plus frileuse lorsqu’il faut rappeler à des Etats membres le respect des valeurs fondatrices que lorsqu’il faut imposer des normes budgétaires.

C’est sur ces trois chantiers : « actions concrètes », « adhésion citoyenne » et « réformes politiques », que le Centre Jean Gol va focaliser son travail durant l’année à venir en partant de questions précises, par exemple : comment organiser l’industrie de l’armement ? Quelles ambitions pour la Recherche ? Quels investissements dans le numérique ?Quelle structure pour les services de renseignement ? Comment réussir une Europe à plusieurs vitesses ? Quelle interaction entre parlements nationaux et européen ? Quelles pistes pour la réindustrialisation de l’Europe ? Quel modèle social ? Quelle ambition culturelle ? Quel enseignement d’une d’histoire commune ? Un Islam européen est-il possible ? Quelle politique des langues et de la traduction ? Comment s’affirmer au sein de la mondialisation ?…

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