En image, la propagande de Daech sur internet. © Merlin Meuris/Reporters

L’État islamique interdit à ses combattants d’utiliser les réseaux sociaux

Stagiaire Le Vif

Le groupe terroriste perd du terrain en Syrie et en Iraq. La paranoïa guette ses dirigeants qui s’inquiètent de l’impact des réseaux sociaux. Ces plateformes faciliteraient les infiltrations et la traque des services de renseignement étrangers.

Les hautes autorités de Daech ont pris une mesure drastique. Dans un récent décret, ils interdisent formellement « à tous les combattants de l’État islamique » d’utiliser les réseaux sociaux. Selon The Independent, le quotidien britannique qui révèle l’information, le document de l’EI, publié le 14 mai en anglais et en arabe, a été diffusé sur les réseaux de communication internes du groupe terroriste : à savoir des applications de messagerie cryptée.

Cette notice* émane de l’organe de l’EI qui supervise les provinces – wilaya en arabe – et y diffuse les ordres. Les raisons de cette interdiction y sont expliquées : « Les ennemis de la religion emploient différentes méthodes pour pénétrer les rangs des muwahhidin (monothéistes) et pour en apprendre leurs secrets« . Le décret assure que les réseaux sociaux ont été « inventés par les ennemis d’Allah … et que ceux-ci surveillent (les terroristes) jour et nuit« . Le document rappelle que de nombreux « magarr (quartiers généraux) ont été détruits  » et que des djihadistes de l’EI sont morts à cause de leur négligente utilisation du web.

Et pour cause, des chercheurs du CTC, le centre de lutte contre le terrorisme basé à l’académie militaire des États-Unis, à West Point, ont établi que des soldats de Daech ont, à plusieurs reprises, causé des failles de sécurité bien involontaires. Ainsi, en juin 2015, un soldat du groupe terroriste a posté un selfie assorti de ses données de géolocalisation complètes. Tracé par les renseignements américains, le quartier général où il se trouvait a été détruit lors d’un raid aérien.

Ce n’est pas la première fois que les réseaux sociaux sont la cible des autorités du califat proclamé par Al-Baghdadi. En septembre 2014, les leaders du groupe terroriste avaient tenté de limiter l’accès aux réseaux sociaux en informant ses membres des risques liés aux mises à jour et en prohibant à ses combattants de publier des déclarations au nom du groupe terroriste.

Les moudjahidines de Daech qui braveront la nouvelle interdiction pourraient faire l’objet d’un interrogatoire et être tenus pour responsables.

RESPECT DES RÈGLES OU GRONDE INTESTINE ?

Cette décision interne à l’EI, couplée aux efforts soutenus des services de sécurité, des réseaux sociaux et des fournisseurs d’accès à internet pour combattre la propagation de contenu extrémiste sur la toile semble, selon The Indenpent, avoir largement détruit la présence publique des djihadistes sur les principales plateformes que sont Facebook ou Twitter.

Les experts s’accordent à dire que cette interdiction de réseaux sociaux a « quelque chose d’ironique » quand l’on connaît l’importance des réseaux sociaux dans le recrutement de nouveaux combattants. Attirant des dizaines de milliers d’étrangers dans son giron, le groupe islamiste utilise aussi le web pour coordonner ses attaques sanguinaires. Qui plus est, cette décision de limiter l’accès aux réseaux sociaux prend effet alors que le groupe perd de nombreux djihadistes sur le front et voit ses territoires se réduire autour de Mossoul et Raqqa.

Trois jours après ce décret qui vise à couper les combattants de l’EI des réseaux sociaux, un organe décisionnel du groupe terroriste a adressé un document long de 12 pages à tous ses membres. Cette note répond aux déserteurs et aux critiques venues du monde musulman. Il est statué que même si les têtes pensantes du califat autoproclamé « ordonnent quelque chose que l’âme n’apprécie pas, obéir à ces injonctions est une obligation. » Les commérages, insultes ou critiques des commandants, en privé ou en public, « ne mènent qu’au mal« .

Les experts du CTC, relayés par le quotidien britannique, estiment que cette interdiction est le symptôme d’un problème de contrôle et d’autorité au sein de l’État islamique. Les tensions internes et les craintes seraient palpables. Au point qu’un spécialiste se demande si les « soldats de l’EI vont se soumettre à ce nouveau décret ou si cette interdiction, couplée à des préoccupations de plus en plus prégnantes sur l’obéissance (des djihadistes), va engendrer un contrecoup et d’autres fissures internes« .

Rodrigue Jamin

* Une capture d’écran de ce décret se trouve ici, issue de l’article publié sur The Independent.

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