Gérald Papy

« L’espoir étouffé des Palestiniens »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

En décrétant unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël, ce que trois de ses prédécesseurs avaient refusé d’acter malgré une loi votée au Congrès en 1995, Donald Trump s’est comporté en petit président soucieux de privilégier son principal allié dans la région et de satisfaire son vivier électoral de chrétiens évangélistes.

Il s’est soustrait de la sorte à sa responsabilité de chef de la première puissance mondiale et de médiateur principal du conflit israélo-palestinien. Certes, il a officiellement laissée ouverte la porte des négociations en renvoyant la définition du statut final de Jérusalem aux discussions entre les deux parties concernées. Mais il aurait pu, pour répondre aux inévitables craintes des Palestiniens, assortir sa déclaration d’une initiative nouvelle de nature à motiver les belligérants à revenir autour de la table et à crédibiliser les efforts que son gendre Jared Kushner est censé avoir entrepris depuis des mois pour raviver l’espoir d’un accord de paix. Rien de tel n’a accompagné le revirement américain.

Cette inertie rend d’autant plus compréhensible la désespérance palestinienne que les Américains sont les parrains historiques du dialogue au Proche-Orient et que les Israéliens ont toujours dénié à quelqu’autre puissance que ce soit de briguer cette responsabilité. Bonne chance à Emmanuel Macron auquel on prête l’ambition de jouer un rôle, ce que pourraient a priori autoriser ses bons contacts avec Trump, Netanyahou et les monarques du Golfe. Mais il est difficile d’y croire sérieusement tant que le poids de l’histoire ne se sera pas délesté de certains usages et tant que le gouvernement israélien n’aura pas changé de camp, de la droite vers le centre ou la gauche.

Donald Trump manque à sa responsabilité de principal médiateur du conflit du Proche-Orient

Il ne faut pas désespérer de l’intelligence des Israéliens à reconnaître qu’une solution négociée offrira plus de garantie de sécurité qu’un diktat déséquilibré dépourvu de perspectives pour le partenaire. Mais l’attitude du président américain ne facilite pas cette conversion. Il n’y avait qu’à écouter Simona Frankel, l’ambassadrice israélienne auprès de la Belgique, sur La Première, pour s’en rendre compte. Pour elle, la décision de Washington clôt la question du partage de Jérusalem entre une capitale pour Israël et une autre, sur le territoire oriental de la ville, pour le futur Etat palestinien. Et difficile de ne pas percevoir une once de mépris lorsqu’elle estime que les Palestiniens  » peuvent trouver n’importe quel village…  » pour établir leur capitale ailleurs qu’à Jérusalem-Est. Cette réponse carrée tranche avec la prudence dont a fait preuve Yohan Benizri, le président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), interrogé sur la même antenne de la RTBF.  » La décision (de Donald Trump) n’exclut pas que Jérusalem soit aussi la capitale d’un Etat palestinien  » au terme de négociations, a expliqué en substance le représentant de la communauté juive de Belgique. Quoi de plus logique, somme toute, que la fonction oriente le point de vue. Simona Frankel est la voix de Benjamin Netanyahou en Belgique ; Yohan Benizri, celle des juifs de Belgique avec à l’esprit sans doute, tout ce qu’une exportation du conflit dans nos rues pourrait malheureusement impliquer comme résurgence d’antisémitisme. Il n’empêche que le second, dont on n’a pas de raison de mettre en doute la sincérité, entretient la timide fenêtre d’espérance que Trump a concédé aux Palestiniens là où d’autres, à Jérusalem ou à Bruxelles, la ferment avec des conséquences encore incalculables, là-bas et ici.

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