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L’auteur de l’Article 50 n’avait pas prévu le scénario du Brexit

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

L’homme qui a rédigé l’Article 50 du Traité de Lisbonne, qui permet au Royaume-Uni de déclencher son processus de sortie de l’UE, était loin d’imaginer que son pays serait le premier à l’utiliser.

Valery Giscard d'Estaing et John Kerr.
Valery Giscard d’Estaing et John Kerr.© BELGA

L’ancien diplomate britannique John Kerr, devenu Lord Kerr de Kinlochard, a participé à la rédaction du texte qui définit la procédure de sortie de l’Union européenne, dans le cadre du Traité constitutionnel européen, rejeté par référendum par les Pays-Bas et la France. Certains éléments du texte initial se sont néanmoins retrouvés dans le Traité de Lisbonne sous la forme du fameux ‘Article 50’, que la Première ministre britannique Theresa May a déclenché cette semaine pour amorcer le Brexit.

D’un possible régime dictatorial au Brexit

Le site Politico.eu a pu s’entretenir avec l’homme qui n’aurait jamais pensé que son pays utiliserait cette procédure en premier : « Je ne me sens pas coupable d’avoir inventé le mécanisme. Je suis très triste que ce soit le Royaume-Uni qui s’en serve« .

A l’époque de l’écriture du texte, en 2002 et 2003, la montée du leader d’extrême droite autrichien Jörg Haider inquiétait les autres pays européens. Kerr imaginait alors que la procédure de sortie de l’UE pourrait être déclenchée après qu’un dirigeant autoritaire soit au pouvoir dans un pays membre et que l’UE aurait suspendu le droit de ce pays de voter sur les décisions de l’UE. « Il me paraissait très probable qu’un régime dictatorial voudrait alors quitter (l’UE). Avoir une procédure de sortie semblait être tout à fait judicieux, pour éviter le chaos juridique d’une sortie sans accord« , confie Kerr.

Une future relation indéterminée

Aujourd’hui retraité, le Britannique reste actif dans la vie publique. Il s’était notamment prononcé contre le Brexit durant la campagne précédant le référendum et a contribué à plusieurs débats à la Chambre des Lords.

Il insiste sur le fait que le texte peut jouer un grand rôle, avec deux points importants : le règlement du divorce et la définition d’un cadre de relation future, dont les négociations doivent être faites en parallèle. Le processus décrit parle de divorce, « le paiement des factures, le règlement des engagements, la manière de traiter les droits acquis, la réflexion sur les pensions. Ce n’est pas un article sur une future relation« .

Toutefois, l’article stipule également que cette séparation doit tenir compte du « cadre » des relations futures entre l’UE et le pays en question. Selon Kerr, un accord complet concernant le commerce et les autres aspects de cette relation ne pourra pas être conclu en deux ans, mais un cadre devra être négocié. Quel genre de cadre ? Il n’en a aucune idée, mais il devra en être ainsi, car « pour que le règlement du divorce soit pris en compte, il doit exister » un cadre.

Pas irrévocable ?

Il a également fait valoir publiquement, et de manière assez controversée, que l’Article 50 n’était pas irrévocable. Cela signifie que, pendant les deux ans de négociations prévus par le texte, le Royaume-Uni pourrait finalement décider de vouloir rester dans l’Union européenne. Il n’imagine cependant pas, à ce stade, comment la politique britannique pourrait faire un virage à 180°.

Kerr a déclaré à Politico avoir notamment favorisé une procédure formelle de sortie pour donner des gages démocratiques aux eurosceptiques britanniques : « En Grande-Bretagne, il y avait parmi les eurosceptiques une théorie selon laquelle on était lié à une rame sans aucune échappatoire, allant vers la destination inconnue d’une Union toujours plus étroite« . Pour Lord Kerr, cette théorie n’avait pas de sens, car il n’y avait pas vraiment besoin d’un article de sécession pour se séparer : « si vous arrêtez de payer, que vous ne venez plus aux réunions, les gens finiront pas remarquer que vous êtes partis « .

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