Michel Ghins

Interdisons la gestation pour autrui

Michel Ghins Professeur ordinaire UCL

Le désir d’enfant est tellement normal et ancré dans notre humanité ! Peut-on refuser à quelqu’un ce bonheur extraordinaire d’avoir son bébé dans les bras, heureux et en bonne santé ? Il est dur de dire non. Et pourtant, dans le cas de la gestation pour autrui (qui est ici considérée indépendamment de la nature des personnes ou des couples qui y feraient appel) nous devons avoir le courage de l’interdire légalement.

La GPA porte atteinte à la dignité de la femme

Il faut interdire la GPA parce que la mère qui portera le bébé pendant neuf mois se voit réduite à un simple instrument, un moyen utilisé pour atteindre un objectif voulu par d’autres personnes. Elle se voit ainsi ramenée à la fonction de porter un enfant pour autrui, à un utérus emprunté ou acheté, tout en étant soumise aux changements hormonaux et aux risques que comporte toute grossesse. Comme le dit Sylviane Agacinsky « En dépossédant la femme de sa vie organique, la GPA porte atteinte à la dignité de la femme ». Même si la mère accepte de porter le bébé en toute liberté, elle se place dans un statut d’objet, de chose utilisée en vue d’une fin qui lui est externe et lui échappe. Dans cette « maternité de substitution », la femme n’est dans tous les cas de figure qu’un substitut, un expédient destiné à la fabrication d’un enfant produit sur commande. La GPA remet en question la distinction kantienne fondamentale entre les choses, qui ont un prix, et les personnes, qui ont une valeur.

C’est pourquoi, le 17 décembre 2015 et à une très large majorité, le Parlement européen « condamne la pratique de la gestation pour autrui qui va à l’encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises ». Peu importe que la femme soit rémunérée ou non, qu’elle donne son consentement libre ou non. Dans la maternité de substitution la femme porteuse est traitée, dans son corps et ses fonctions reproductives, comme une vulgaire marchandise.

Ne pas encadrer légalement la GPA

L’encadrement légal – comme certains le proposent en Belgique – n’est pas une solution. Encadrer implique permettre ; pire : légitimer. Même si les conditions d’accès sont strictes, la GPA foule au pied la dignité intrinsèque et inaliénable des femmes. Encadrer, en interdisant la GPA dite « commerciale », encourage la GPA franchement commerciale à l’étranger et le trafic international d’êtres humains. Depuis que la GPA « non-commerciale » a été légalisée (dans des conditions « strictes ») au Royaume-Uni, le recours à des mères porteuses étrangères – et pauvres – y a considérablement augmenté.

Légaliser la GPA exemplifierait la tactique du « pied dans l’encoignure de la porte ». Une fois le principe de la GPA acquis, des soi-disant « avancées législatives » ne manqueraient pas de proliférer pour en élargir sans cesse les conditions d’accès.

La GPA est contraire aux droits de l’enfant

Et l’enfant là-dedans ? Qu’en est-il du bébé qui à sa naissance est séparé de sa mère pour être donné, ou plutôt livré, aux parents d’intention ? Au prix d’un effort considérable, la mère gestatrice est parfois capable de ne pas s’attacher à l’enfant qui grandit en elle. Mais qui n’a pas vu les vidéos des mères porteuses indiennes pleurant à chaudes larmes lorsqu’on leur arrachait leur enfant ? Et l’enfant qui grandit dans le sein de sa mère, comment pourrait-il ne pas s’y attacher ? Les dommages psychologiques de la séparation d’un bébé avec sa mère commencent à être observés dans les cabinets des psychologues (voyez les travaux de Françoise Dolto).

A ces difficultés s’ajoutent celles du brouillage dans la filiation induit par la GPA. Comment l’enfant pourrait-il s’y retrouver et construire son identité s’il est issu d’une mère porteuse et de gamètes (spermatozoïde, ovule) provenant de donneurs anonymes pour être ensuite adopté par son ou ses parents légaux ? Le plus souvent, dans la GPA, le droit de l’enfant à connaître ses origines biologiques est totalement nié.

Il n’y a pas de GPA « éthique » ou « altruiste »

La gestation pour autrui « éthique » ou « altruiste » n’existe pas. La mère porteuse reçoit toujours de l’argent sous forme de défraiements, compensations, indemnités etc. qui ne sont le plus souvent qu’un salaire déguisé. De plus, comment contrôler effectivement qu’une rémunération n’est pas versée à la mère porteuse, éventuellement sous forme de « cadeaux » ? Il est particulièrement hypocrite de distinguer entre une GPA qui serait désintéressée, altruiste et donc bonne, et une GPA où la mère de substitution reçoit une rémunération et qui serait alors commerciale et mauvaise. En définitive, la GPA est nécessairement commerciale.

La seule décision authentiquement humaine est d’interdire la GPA aussi bien en Belgique qu’au niveau international. La question est si fondamentale qu’elle dépasse les clivages traditionnels. Aussi bien à gauche qu’à droite, les voix sont nombreuses pour demander l’interdiction de la GPA. Des personnalités féministes comme Isabella Lenarduzzi, Malika Hamidi et Marie-Anne Frison-Roche, ainsi que les associations féministes comme l’Université des femmes et le CoRP s’opposent à toute forme de maternité de substitution. Dans beaucoup de pays comme la France, la Suède, la Norvège, la GPA est illégale.

Une interdiction de la GPA permettrait aussi d’empêcher la présence à Bruxelles de sociétés comme Babybloom ou Men having babies qui organisent des événements pro-GPA, au mépris des droits fondamentaux des femmes et des enfants.

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