Gérald Papy

Ce lien rompu avec les États-unis

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’escalade meurtrière des violences entre Israéliens et Palestiniens dans la bande de Gaza et la confrontation entre l’Etat hébreu et l’Iran sur le sol syrien sont symptomatiques du Moyen-Orient que dessinent les décisions unilatérales et irréfléchies de Donald Trump, la dénonciation de l’accord international sur le programme nucléaire iranien et la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël consacrée par le transfert de l’ambassade.

Elles annoncent de longues années supplémentaires – au minimum – d’instabilité pour des objectifs très aléatoires : le renversement à terme du régime des mollahs et la sécurisation durable d’Israël sur la base d’un fantomatique plan de paix américain.

Les décisions irréfléchies de Donald Trump annoncent de longues années supplémentaires d’instabilité au Moyen-Orient

Le précédent du retrait de l’accord de Paris sur le climat aurait pourtant pu suggérer que la démission d’un Etat, fût-il le plus puissant, ne suffit pas à briser un élan et qu’elle peut même avoir pour effet paradoxal de le doper. La donne est cependant diamétralement différente au Moyen-Orient. Le parti pris proisraélien de l’administration Trump hypothèque toute négociation future avec les Palestiniens parce que les Etats-Unis sont, par la volonté des Israéliens, le médiateur incontournable d’un dialogue et d’une potentielle cohabitation alors que l’Europe en est un important financier mais un nain politique. La rupture trumpienne avec les engagements de Barack Obama sur l’Iran et le retour des sanctions afférentes handicapent, d’abord économiquement, la poursuite d’un partenariat entre l’Europe et Téhéran. Sera pénalisée, en vertu de ces mesures de rétorsion, toute entreprise, y compris européenne, qui commerce avec les Iraniens.

Si les Européens ont raison d’étudier les voies légales pour protéger leurs sociétés de l’application extraterritoriale de lois américaines, la meilleure réponse qu’ils peuvent apporter au diktat de Washington est de donner corps à la prorogation de l’accord avec l’Iran, voire à son amélioration. Le défi est encore plus démesuré pour eux sur la question israélo-palestinienne. Ce n’est pas demain qu’ils s’érigeront en intermédiaire de poids. Mais, somme toute, le désengagement progressif des Etats-Unis en Syrie et l’affaire iranienne peuvent leur offrir l’opportunité de poser les jalons d’un rôle politique recouvré dans la région.

Malgré l’étroitesse de la marge de manoeuvre dans les deux dossiers, le moment apparaît en effet propice à un sursaut européen. La relation de la Grande-Bretagne avec Washington a quitté le registre de l’indéfectible docilité. Emmanuel Macron est redevable de la dangereuse amitié qu’il a nouée avec Donald Trump sans en tirer le moindre dividende. Et Angela Merkel peut être tentée d’engranger un succès diplomatique pour masquer ses difficultés intérieures.

Aujourd’hui, les vrais bénéficiaires de la politique américaine dans la région sont le gouvernement israélien de droite radicale, les durs du régime de Téhéran et Vladimir Poutine qui, au contraire de l’administration Trump, a réussi à maintenir des canaux de communication avec tous les acteurs. Pour que l’Union européenne ne soit pas demain le vassal de la Russie dans son hinterland méditerranéen comme elle a trop souvent été celui de l’Amérique, il n’est pas trop tard mais il est temps de réagir et d’avancer ses pions.

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