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Cazeneuve, le « couteau suisse »

Le Vif

Il cultive une image de sang-froid mais est aussi capable de « colères noires » en privé: en première ligne dans la lutte antiterroriste, le nouveau Premier ministre français Bernard Cazeneuve est un homme-clé de la présidence de François Hollande.

Cet ancien avocat de 53 ans considéré comme un homme de confiance du chef de l’Etat et comme une des chevilles ouvrières du pouvoir exécutif succède à Matignon à Manuel Valls, qui a démissionné pour se consacrer à la course à l’investiture à gauche, en vue de la présidentielle de 2017.

Cet homme loyal et discret avait déjà remplacé M. Valls au ministère de l’Intérieur, comme « premier flic de France », quand ce dernier avait été nommé à Matignon, en avril 2014.

Cet élu socialiste de l’Ouest de la France, aux manières policées et au langage châtié, était peu connu du grand public et ne comptait pas parmi les soutiens historiques de François Hollande avant de devenir un des porte-parole de sa campagne présidentielle en 2012.

Il s’est ensuite vu confier des missions aussi délicates qu’inattendues, passant d’un poste à l’autre pour gérer des urgences.

Après avoir été chargé des Affaires européennes, il hérite du Budget en plein scandale, son prédécesseur Jérôme Cahuzac étant mis hors jeu par la découverte d’un compte caché en Suisse.

A l’Intérieur, il a été confronté à la vague sans précédent d’attentats jihadistes qui a endeuillé un pays depuis en état d’urgence (238 morts depuis 2015).

Jusque-là plutôt consensuel, il essuie une avalanche de critiques après l’attentat de Nice (86 morts le 14 juillet). La polémique autour du dispositif de sécurité le soir de l’attaque écorne son image de compétence et de fermeté.

Ce fils d’instituteur, né le 2 juin 1963 à Senlis (nord), songe-t-il à une démission, réclamée par certains à droite et à l’extrême droite? « On ne déserte pas le combat contre le terrorisme et pour la République, on le mène jusqu’au bout », répond-il.

Il a aussi dû faire face, ces dernières semaines, à une fronde inédite dans la police. Après une agression d’agents aux cocktails Molotov en région parisienne début octobre, des milliers de policiers défilent à travers la France, contraignant le gouvernement à casser sa tirelire pour fournir moyens et matériels supplémentaires.

Il est aussi aux avant-postes face à la crise migratoire qui déroute l’Europe et a notamment géré le démantèlement de la « Jungle » de Calais, le plus grand campement de France, près des côtes britanniques.

« Tempêtes »

Il « a fait front à de véritables tempêtes », souligne un haut fonctionnaire. Lui-même se dépeint en « homme qui a fait de la rigueur en politique une boussole et du sens de l’Etat une doctrine, une manière d’être ».

« Il a pris de plein fouet ce qu’en 50 ans ses prédécesseurs se sont partagés (terrorisme de masse, crise migratoire, contestation sociale) », explique Patrice Ribeiro, de Synergie (second syndicat d’officiers), décrivant un ministre « dur en affaires mais fair-play ».

Ancien maire de Cherbourg et ex-député de la Manche, celui qui a pour passe-temps favori de tailler ses rosiers sait, entre quatre murs, se départir du « flegme » qu’il affiche en public et laisser place à des « colères légendaires », selon de hauts fonctionnaires qui l’ont côtoyé.

Après les attentats de novembre 2015, devant les plus hauts dirigeants policiers, il tape du poing pour mettre fin aux rivalités entre les différents services policiers: « C’est moi qui décide quand il s’agit de la sécurité des Français, que les choses soient bien comprises ainsi ! »

Le ministre de l’Intérieur multiplie les lois antiterroristes, tout en répétant qu’il n’y a pas de « risque zéro ».

A sa façon, par des déclarations très balancées ou des silences remarqués, il sait aussi à l’occasion signaler sa différence avec Manuel Valls.

Quand le Premier ministre affiche défend une laïcité dure ou exhorte à la « bataille culturelle » contre le salafisme, il s’efforce de jouer une partition plus apaisante.

Désormais, Bernard Cazeneuve est à la tête d’un gouvernement à la durée de vie singulièrement limitée, chargé de conduire la France pendant cinq mois jusqu’au scrutin présidentiel de mai 2017.

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