Gérald Papy
« Alep, tombeau de la puissance américaine »
Le règne présidentiel de Barack Obama touche bientôt à sa fin, laissant derrière lui de nombreuses interrogations et déceptions. Hormis la réouverture du dialogue avec Cuba, et le démantelement de l’armement nucléaire iranien, l’élan d’espoir qu’a suscité son élection il y a huit ans ne s’est pas réellement matérialisé dans les faits, notamment en ce qui concerne la gestion du conflit irako-syrien.
Trois cent mille habitants des quartiers orientaux d’Alep sont pris au piège d’un déluge de bombes sans pareil depuis cinq ans de guerre. La dernière des grandes villes syriennes perdues par le régime de Damas est en passe d’être reconquise. Ce conflit laboratoire des nouvelles relations entre Américains et Russes, entre sunnites et chiites, tourne au triomphe stratégique des rivaux de l’Occident. Et ni les Etats-Unis, ni la France, ni le Royaume-Uni, ni l’Union européenne n’esquissent la moindre réaction concrète, hors des proclamations matamoresques d’usage ? Quels principes régissent désormais la diplomatie ? Assiste-t-on au triomphe de l’étalage de la force sans le moindre mécanisme de contrôle ? Notre indifférence au martyre des civils syriens a-t-elle atteint des niveaux inégalés ?
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Barack Obama voulait clore son deuxième mandat présidentiel par un succès sur la barbarie de Daech à Mossoul. La reconquête de la deuxième ville d’Irak d’ici à la fin de l’année est illusoire. La reprise par Bachar al-Assad et ses alliés de la deuxième municipalité de Syrie aux dépens des rebelles soutenus par Washington signera en revanche le fiasco de sa politique moyen-orientale. Obama a fait du désengagement des théâtres de conflits lancés par son prédécesseur républicain, en Afghanistan et en Irak, la ligne directrice de sa politique dans la région. Face aux avancées du groupe terroriste Etat islamique, il a dû renvoyer en Mésopotamie des chasseurs-bombardiers et des troupes d’élite, pour un résultat toujours incertain. Il en a fait trop par rapport à sa doctrine et pas assez en regard de son nouvel objectif, éradiquer Daech.
Conjugué à la paralysie du processus de paix israélo-palestinien et au délabrement post- printemps arabe des Etats libyen et yéménite, cet échec irako-syrien grève grandement le bilan international d’un premier président américain noir, ouvert sur le monde et donc prometteur. Le lauréat du prix Nobel de la paix 2009, définitivement abusif, en sera réduit, au moment de l’inventaire de huit années de pouvoir, à surévaluer ses rares acquis, le rétablissement des relations avec Cuba et l’accord sur l’endiguement des ambitions nucléaires iraniennes.
Les regrets sur l’inconsistance de la politique américaine en Irak et en Syrie n’appellent pas en soi le rétablissement du leadership mondial des Etats-Unis. Mais, à défaut de gouvernance efficace des Nations unies dans la gestion des conflits, on peut a priori préférer l’influence d’un président américain, élu et contrôlé, à celle d’un potentat incontrôlable et prêt à raser une ville, Grozny ou Alep, pour imposer une paix factice.
Cette inclination naturelle ne vaut pas blanc-seing inconditionnel. La prestation du candidat républicain à la Maison-Blanche Donald Trump lors du premier débat télévisé face à sa rivale Hillary Clinton n’a pas rassuré sur ses compétences en politique étrangère. Et ses louanges répétées à l’adresse du maître du Kremlin, son style et ses méthodes, font frémir à l’idée d’un directoire mondial américano-russe où l’Europe riche des valeurs qu’elle porte serait ravalée au rang d’interlocuteur servile. Make America Great Again ? Avec cet horizon, non, merci.
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