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Dix questions sur le plastique: « Est-il possible d’en diminuer la quantité? Je suis sûr que oui »

Stefanie Van den Broeck Journaliste Knack

Vous savez déjà que votre repas est plein de plastique, tout comme l’océan. Et que les pailles et les sachets jetables sont nocifs. Mais à quel point le plastique est-il dangereux ? Notre consoeur de Knack a posé dix questions à des experts.

1. Le plastique est-il dangereux pour nous?

Serge Tavernier: (professeur en polymères, colloïdes et poudres, Université d’Anvers). La molécule de plastique en elle-même – ladite molécule polymère – n’est pas dangereuse, sauf qu’on y ajoute de nombreux ingrédients. Les plus tristement célèbres sont les plastifiants tels que le bisphénol A (BPA). Ces derniers peuvent laisser « échapper » du plastique. Heureusement, les quantités absorbées sont généralement très réduites. Pour un bébé, ces doses peuvent néanmoins être nocives et c’est ce qui explique l’existence de normes européennes strictes. Nous devons de toute façon être alertes.

L’usure est aussi un facteur important. Le plastique qui s’use peut libérer de petites particules : les microplastiques. Ces derniers se retrouvent notamment dans la mer, et peuvent pénétrer notre chaîne alimentaire. Et évidemment il y a aussi les détritus et les gros morceaux de plastique qui composent la soupe de plastique de l’océan.

2. Quelles sont les conséquences de cette soupe de plastique?

Colin Janssen: (professeur en toxicologie environnementale, Université de Gand). Les 12 millions de tonnes de microplastiques et de plus grands plastiques qui se retrouvent en mer entraînent plus d’un million de décès d’animaux marins par an. Le plancton aussi, la base de l’écosystème marin, en pâtit. Quand on sait que le plastique a une durée de vie qui se compte en décennies et que nous avons besoin des océans pour notre alimentation et la moitié de notre oxygène, on peut facilement s’imaginer quel héritage on laisse à nos enfants et petits-enfants.

3. Y a-t-il vraiment du plastique dans nos assiettes?

Janssen: Absolument. Nous avons notamment étudié des moules, des huîtres et des crevettes, et nous y avons trouvé beaucoup de microplastiques. La grande question c’est évidemment la quantité qui « reste » dans notre corps. On ignore aussi, et certainement à long terme, l’effet qu’ils ont sur notre organisme.

4. Pourquoi y a-t-il tant d’emballages en plastique?

Tavernier: Il y a deux cents ans, il n’y avait pas tous ces emballages. Mais on voyait beaucoup plus de moisissures et d’infections sur la nourriture : les emballages en plastique profitent à la santé publique. Mais notre société s’est par exemple habituée aux emballages individuels : nos enfants emportent un gâteau sec à l’école, qui ne peut s’émietter. Pouvons-nous diminuer la quantité de plastique ? Je suis sûr que oui.

Karl Vrancken: (chercheur principal en gestion de matériaux durables chez VITO) Les consommateurs veulent de plus en plus de choix. La viande, le poisson, les légumes et les fruits doivent être disponibles en permanence au supermarché. Alors, il faut que ces produits restent frais plus longtemps. Les fabricants et les commerces argumentent qu’ils doivent jeter moins de nourriture grâce à ces emballages. Mais cela ne peut devenir un alibi pour emballer plus que nécessaire.

5. Vaut-il mieux acheter des bouteilles en plastique ou en verre?

Kim Ragaert: (professeure en usage durable et recyclage de matières synthétiques, Université de Gand) Une bouteille en plastique possède une empreinte écologique plus faible qu’une bouteille en verre recyclable. Le poids joue un rôle important : le verre est plus lourd, ce qui fait que les coûts de production et de transport sont plus élevés. On peut évidemment nettoyer et reremplir une bouteille en verre, mais après dix ou douze fois il faut la broyer.

6. Le plastique se recycle facilement, non?

Ragaert: C’est certainement le cas pour les bouteilles en plastique. Mais il y a beaucoup de cas difficiles aussi. Les bouteilles en plastique sombre et noir – de produits de lessive par exemple – se jettent dans le sac PMC, mais ensuite ils ne sont pas reconnus par le scanneur à infrarouge. Pendant le recyclage, ils se retrouvent automatiquement dans un groupe de résidus où ils sont brûlés. Cela aiderait de limiter le nombre de types de plastique. Ainsi, les pots de yoghourts sont fabriqués en un plastique qui se trouve dans peu d’autres emballages de nourriture. Comme il y en a si peu, il est trop cher de les recycler de manière rentable.

7. Y a-t-il de bonnes alternatives au plastique?

Bert Lagrain: (manager en recherches à la KULeuven) Le plastique est à ce point ancré dans les moeurs qu’il ne disparaîtra plus jamais. La question c’est seulement : devons-nous continuer à le fabriquer en pétrole, une matière première sous pression ? Nous cherchons des matières premières mieux recyclables et qui ont un impact écologique plus faible. L’acide polylactique est un bon exemple: une matière première à base de sucre qui permet de fabriquer des gobelets et des sachets. Ces derniers sont de bonne qualités et 100% recyclables chimiquement : on obtient à nouveau de l’acide lactique. Le seul inconvénient c’est le prix : pour l’instant il est encore beaucoup plus cher de transformer l’acide polylactique en matière synthétique.

8. L’état doit-il bannir le plastique?

Olivier Beys: (expert en économie circulaire, Bond Beter Leefmilieu) Les plastiques non recyclables n’ont rien à faire dans notre société. Il faut les éjecter. C’est également le cas pour les plastiques à usage unique, telles que les sachets en plastique, les pailles ou les gobelets utilisés une seule fois. Heureusement, la Commission européenne proposera très bientôt des mesures très ambitieuses pour en limiter l’usage. Je pense que l’état doit surtout responsabiliser les fabricants. S’ils supportent tous les coûts pour le tri et le recyclage, ils changeront rapidement de stratégie. Alors les festivals par exemple proposeront des boissons fraîches à base d’eau et de sirop. Et ils réfléchiront peut-être à consigner les bouteilles en plastique.

9. Que faire de géants de plastique tels que la Chine et l’Inde?

Janssen: En 2015, 68 milliards de bouteilles en plastique d’eau potable ont été vendus en Chine, en 2016 74 milliards. C’est très problématique que ces pays émergents passent massivement à l’eau en bouteille, mais sans posséder de système de collecte ou de recyclage. Cependant, je trouve frappant que 15 pays africains, dont le Kenya, interdisent les sachets à usage unique. L’Europe peut en tirer des enseignements.

Vrancken: Et ce n’est pas parce que nous mettons le plastique dans un sac bleu PMC, que c’est bien. Le polyéthylène téréphtalate pur (PET) est certainement recyclé, mais il y a beaucoup de flux « impurs » – avec les sachets en plastique par exemple. Jusqu’à il y a peu, notre pays exportait 400 000 tonnes par an en Chine et à Hongkong. Comme depuis le 1er mars, ces pays imposent des normes d’importation plus sévères, l’attention se déplace vers la Malaisie, le Vietnam et l’Inde. Le recyclage et le traitement de déchets y sont nettement moins organisés et contrôlés qu’en Europe. Si on ne fait pas attention, on contribuera à la soupe de plastique.

10. Et que penser du superenzyme qui mange « le plastic » ?

Tavernier: La confusion règne autour de ce sujet. Les enzymes peuvent scinder ou « couper » les molécules. En principe, il peut donc aussi y avoir des enzymes qui coupent les grandes molécules PET en petits blocs. Au Japon, il y a de nombreuses recherches sur ce sujet. Les bactéries prolifèrent sur les grandes décharges. Parfois, après des millions de mutations, elles peuvent produire des enzymes qui coupent le pet. Mais c’est très lent. Pour l’instant, il n’y a pas moyen de saupoudrer une bouteille en plastique d’enzymes et de la faire disparaître après une semaine. En attendant que les enzymes aient un rôle plus important, mieux vaut focaliser sur le recyclage chimique et les molécules de base plus intelligentes pour les matières synthétiques.

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