Thierry Fiorilli

Sans concurrence, l’archer politique Reynders tire à tout va

Thierry Fiorilli Journaliste

Depuis le retrait sous sa tente de Philippe Moureaux, et malgré les très récurrents coups d’éclat d’Olivier Maingain, Didier Reynders ne souffre plus guère de concurrence au tournoi des meilleurs archers politiques du royaume.

C’est lui qui décoche le plus de flèches, et le plus rapidement, c’est lui qui touche le mieux ses cibles et c’est lui qui y parvient avec le plus somptueux mélange de grâce et de férocité. Preuve encore : l’entretien qu’il nous accorde cette semaine dans Le Vif. Le vice-Premier ministre MR y crible consciencieusement, pêle-mêle, sourire aux lèvres, le PS, le CDH, la N-VA, le CD&V et les syndicats. Et par la bande, sans même avoir prononcé une seule fois son nom, ce frère d’armes et frère ennemi à la fois qu’est le Premier ministre, Charles Michel.

Didier Reynders crible de flèches consciencieusement, pêle-mêle, sourire aux lèvres, le PS, le CDH, la N-VA, le CDu0026V et les syndicats

Les propos de Reynders surviennent alors que le gouvernement fédéral reste en posture délicate. Le dernier baromètre La Libre-RTBF a beau le créditer de 5 % supplémentaires d’avis favorables parmi les citoyens belges (pour un total de 25 %), la confiance n’est pas franche et massive à l’égard de l’équipe Michel. Et nulle part : en Flandre, les troupes de Bart De Wever, poids lourd de l’exécutif, perdent ainsi des plumes tant en termes d’intentions de vote que de soutien à leurs principaux dirigeants (les ministres fédéraux Jambon et Van Overtveldt exceptés…). Et au sein même du gouvernement, CD&V et N-VA continuent à cultiver au vu et au su de tous le mépris qu’ils se vouent réciproquement. Pour Didier Reynders, pas forcément en hausse de popularité, l’occasion est trop belle : il accuse donc les deux partis flamands de donner l’impression de vouloir empêcher les réformes bien plus que de les mener. En canardant avec plus d’insistance les chrétiens-démocrates et singulièrement Kris Peeters, déjà la poupée vaudou préférée de De Wever et les siens.

C’est une manière de confirmer que le duo MR – N-VA mène le bal aux commandes du pays. Un duo recommandé ou exploré par Reynders et son clan, pas celui de Charles Michel donc, in nihilo tempore, bien avant que l’actuelle majorité fédérale voie le jour. C’est une façon aussi de discréditer ou d’affaiblir l’axe MR – CD&V dont Michel est l’instigateur et le symbole depuis la campagne électorale du printemps 2014. C’est encore un moyen de fragiliser davantage les chrétiens-démocrates flamands, caution « de gauche » de l’équipe gouvernante et composante indispensable pour garantir ce « centre-droit raisonnable » que défend officiellement le Premier ministre. Le « raisonnable » de ce centre-droit serait le CD&V. Et Reynders prend un malin plaisir à faire comprendre à tout le monde que ce même CD&V se révèle être le maillon faible de la coalition. Autrement dit, qu’il est grand temps de passer à la vitesse supérieure et d’imposer d’authentiques réformes de droite.

Ce que la N-VA attend avec avidité, évidemment. Le parti nationaliste doit re-radicaliser son attitude, ses propos et ses décisions s’il veut garder dans son giron les très nombreux électeurs venus du Vlaams Belang, lors des dernières élections. Ce même Vlaams Belang qui profite aujourd’hui du recul de popularité de la formation de Bart De Wever.

Bref, l’interview de Didier Reynders annonce sans doute des affrontements particulièrement âpres et virils entre partenaires du gouvernement fédéral. Pas sûr que ça augure d’ouvertures imminentes pour les syndicats, dans leur combat contre le saut d’index et la réforme des prépensions. Le carquois du vice-Premier MR, lui, semble encore plein à craquer.

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