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Procès Wesphael : reconstitution détaillée de l’emploi du temps du couple à Ostende

Les enquêteurs de la police judiciaire de Bruges ont pu dresser l’emploi du temps, du 30 et 31 octobre 2013, de Véronique Pirotton et de Bernard Wesphael à partir notamment d’images d’une caméra placée à la réception de l’hôtel ostendais Mondo où la victime a été retrouvée morte.

Sur ces images, on y voit Véronique Pirotton qui embrasse et enlace son époux à plusieurs reprises. Le 31 octobre, elle semblait dans un état d’ivresse avancé qui a été confirmé par l’analyse post-mortem de son sang, qui a révélé une alcoolémie de 2,99 (grammes d’alcool par litre de sang). Extrait de la prison de Bruges, Bernard Wesphael a indiqué le 4 novembre 2013 aux enquêteurs les endroits qu’il avait fréquentés, avec son épouse, les 30 et 31 octobre 2013 à Ostende.

30 octobre

Le 30 octobre, Véronique Pirotton arrive à 12h58 à l’hôtel Mondo à Ostende. A 13h05, elle entre dans sa chambre pour la première fois. Véronique Pirotton réserve à 15H00 une table pour deux personnes au restaurant « Le Petit Nice ». Elle sort ensuite faire des courses et revient dans sa chambre à 17h03.

A 19h06, Véronique Pirotton revient à la réception pour modifier sa réservation. Elle se rend au bar dès 19h10. Elle semble avoir une conversation téléphonique. Elle quitte l’hôtel à 19h50, toujours seule. Véronique Pirotton et l’accusé dînent au « Petit Nice » vers 20h30. Le couple revient à 22h19 à l’hôtel. Une minute plus tard, un verre est commandé au bar de l’hôtel. A 22h30, le couple semble s’embrasser. Dix-huit minutes plus tard, le député wallon sort de l’hôtel pour fumer une cigarette et revient rejoindre à 22h56 sa femme qui était restée dans le salon du bar. Le couple entre dans sa chambre à 23h44.

31 octobre

Il sort le lendemain de la chambre à 9h43 et se rend au restaurant de l’hôtel pour prendre le petit-déjeuner. Alors que Bernard Wesphael sort de l’hôtel à deux reprises pour fumer et se rendre à sa voiture, son épouse reste dans le restaurant de l’hôtel. Le couple quitte le restaurant de l’hôtel à 11h01. Véronique Pirotton apparaît plutôt câline avec son époux. Selon l’accusé, lui et sa femme ont ensuite deux relations sexuelles dans la chambre.

A 15h26, le couple quitte l’hôtel. Vers 17 heures, il entre dans un bar prendre un apéritif. Il mange ensuite une pita et boit encore un demi litre et deux verres supplémentaires de vin rouge dans un snack. Selon le patron de l’établissement, la victime est alors « fatiguée, voire un peu ivre ». De retour à l’hôtel, Véronique Pirotton apparaît à la réception à 19H30, au bras de son mari.

Le couple ne se rend pas immédiatement dans la chambre mais revient au bar de l’hôtel. Bernard Wesphael et Véronique Pirotton commandent chacun un verre d’alcool. Le couple a une conversation et gesticule. Entre 19h48 et 19h55, la victime porte deux fois à sa tête à hauteur de la poitrine de son mari. Celui-ci sort ensuite pour fumer et son épouse se lève de son fauteuil pour se rendre à nouveau à la réception. Elle semble avoir du mal à tenir debout et doit s’appuyer au comptoir. Elle retourne ensuite s’assoir dans un fauteuil.

Le député wallon retourne à l’intérieur à 20h08. Son épouse l’embrasse. Le couple se rend ensuite aux toilettes. Bernard Wesphael y ressort à 20h13, six minutes avant son épouse. Dix minutes plus tard, il retourne fumer à l’extérieur tandis qu’elle s’installe dans le salon de l’hôtel. Il la rejoint à 20h31 et le couple quitte le salon une minute plus tard. L’accusé tient le sac et le bonnet de son épouse, laquelle lui tient le bras et semble chercher un soutien supplémentaire à une porte. La porte de leur chambre est ouverte à 20h37 et 20h41.

A 22h58, Bernard Wesphael descend à la réception pour signaler le suicide de son épouse.

Confusions

Les heures d’entrée des clients dans les chambres et dans le hall de l’hôtel Mondo à Ostende les 30 et 31 octobre 2013 ont fait l’objet de débats lundi devant la cour d’assises du Hainaut.

Les images des caméras de surveillance de l’hôtel Mondo ont été projetées lundi après-midi à l’audience, suscitant des interrogations de la défense, qui pointe des incohérences. Les enquêteurs ont par ailleurs précisé que l’heure indiquée sur les images des caméras avance de 25 minutes. Les timings ont donc été corrigés pour correspondre à l’heure réelle.

Dans les heures qui ont précédé la mort de Véronique Pirotton, la porte d’entrée de la chambre 602 a été ouverte à 20h37 et 20h41, selon le listing des badges. « Pourquoi cette porte a été ouverte deux fois ? », a demandé Me Moureau aux enquêteurs. Pour ces derniers, la question reste ouverte.

« C’est le troisième point de détail sur lequel on asticote M Wesphael ! », a réagi Me Mayence. « On lui demande pourquoi il a ouvert deux fois la porte, alors qu’on constate que, dans le listing remis, toutes les portes s’ouvrent quatre fois ! »

La défense est par la suite revenue sur le témoignage des occupants de la chambre 502, un couple et ses enfants, qui doivent encore être entendus. D’après le système d’enregistrement de l’activation des badges des chambres, la famille a ouvert la porte de la 502 à 22h05 le 31 octobre. « Mais ils ont fait une photo dans la chambre avec un iPhone à 21h53 », s’étonne l’avocat. « Comment est-ce possible ? » Les policiers répondent qu’ils se sont fiés à l’heure du téléphone, précisant que selon le gestionnaire du système, les horaires peuvent varier de quelques minutes.

Me Mayence ajoute que, la veille, soit le 30 octobre, le couple avait entendu du bruit venant de la 602, entre 20h45 et 23h00. Or, Bernard Wesphael et Véronique Pirotton n’ont activé la porte de leur chambre qu’après 23h00. « Personne n’a vérifié si le bruit venait d’ailleurs », soupire l’avocat de la défense.

La question de savoir si une deuxième carte d’entrée a été activée pour la chambre 602 a aussi été posée. Deux cartes ont en tout cas été retrouvées: l’une pour activer l’électricité et l’autre dans la salle de bains.

Le fils de Véronique Pirotton ne viendra pas témoigner

Me Philippe Moureau, conseil de la famille Pirotton, a annoncé lundi que Victor (17 ans), le fils de Véronique Pirotton, ne viendra pas témoigner, ni en personne, ni par le biais d’une vidéo conférence. Son témoignage était attendu mardi.

Un médecin a remis un certificat médical à la cour indiquant que cette comparution est « de nature à remettre gravement en cause l’élan que Victor met en place » pour se remettre de la mort de sa maman, « un processus gravement remis en cause par la surmédiatisation de l’affaire ».

Selon le conseil des parties civiles, la famille a tenté de convaincre le jeune homme jusqu’à la dernière minute mais, lundi, il a annoncé qu’il ne viendrait pas témoigner devant la cour qui juge depuis une semaine, Bernard Wesphael, le meurtrier présumé de sa maman. « J’ai essayé de le convaincre de l’intérêt de son témoignage lors des deux rencontres que j’ai eues avec lui mais il faut respecter sa décision », a commenté l’avocat.

Par ailleurs, le président de la cour d’assises a postposé à mercredi les auditions prévues mardi après-midi, dont celle d’Oswald D., l’ancien amant de Véronique Pirotton.

Les enquêteurs détaillent les résultats des analyses financières et de la téléphonie

Plusieurs messages et appels entre Oswald D. et Véronique Pirotton, effacés du GSM du premier, ont été récupérés grâce à une analyse de téléphonie, ont détaillé les enquêteurs devant la cour d’assises du Hainaut lundi. Ils ont également rendu compte de l’analyse des comptes en banque du prévenu et de la victime.

La lecture du GSM d’Oswald D. a permis de récupérer 362 SMS entrants et sortants entre lui et Véronique Pirotton, envoyés ou reçus entre le 3 décembre 2010 et le 31 octobre 2013. Ils avaient tous été supprimés de l’appareil.

Les enquêteurs ont cité plusieurs messages pertinents. Parmi ceux-ci, un envoyé le 22 octobre 2012 disant « pas de lettre, ni SMS ou téléphone s’il te plaît. Je te contacte dès que possible et on doit se voir. Urgent ». Un autre de Véronique Pirotton, datant du 5 mai 2013 dit: « s’il te plaît, ne prends surtout pas contact avec moi. (…) Ma voiture n’existe plus. Je voudrais ton soutien. J’ai peur de repasser à l’acte. Victor casse peu à peu le pacte de l’autre. J’ai besoin de ta vigilance et de ton amour ». Le 31 octobre 2013, à 15h39, elle écrit: « C’est fini Oswald ». Plus tôt dans la journée, elle lui avait envoyé un message pour lui dire qu’elle avait rédigé le premier chapitre de son livre, auquel il avait répondu: « je suis fier de toi ». Les policiers ont rappelé que des appels entre Véronique Pirotton et son amant ont été enregistrés les 30 et 31 octobre. Ces appels ont également été effacés du GSM d’Oswald D. Pour les enquêteurs, on ne peut pas parler juridiquement « de harcèlement ».

Par ailleurs, les résultats confirment que le GSM d’Oswald D. se trouvait toujours dans la région de Liège le jour des faits et la veille.

L’analyse du GSM montre encore un échange de SMS entre Oswald D. et la victime le 26 octobre 2013, date de la lettre de l’amant à Véronique Pirotton découverte sur l’ordinateur de Bernard Wesphael peu après son arrestation. Mais le contenu de ces SMS n’a pas pu être récupéré.

Les démarches immobilières de Bernard Wesphael ont encore été examinées. Le 16 mai 2013 notamment, une simulation de crédit hypothécaire a été réalisée pour l’ex-député wallon et Véronique Pirotton en vue d’un achat de 234.000 euros. Il est ensuite apparu que l’accusé avait menti sur sa situation financière, et l’achat n’a pas pu se faire. Fin août 2013, Bernard Wesphael a pris des contacts avec une agence pour acheter un appartement. Il souhaitait tout clôturer dans les 15 jours. Le projet n’a pas abouti. Il a par la suite fait appel à une autre agence en vue de louer un appartement où il habiterait avec sa fille, sans suites. Finalement, en octobre 2013, quelques jours avant les faits, Bernard Wesphael faxe trois fiches de salaire à une agence immobilière pour un loft à Liège qu’il comptait louer, pour 950 euros par mois.

Il apparaît aussi que Bernard Wesphael était endetté à hauteur de 10.000 euros, et que le contrat de mariage du couple était rédigé sous le régime de la séparation simple des biens. Véronique Pirotton n’ayant pas rédigé de testament, tant Victor, son fils, que Bernard Wesphael sont les héritiers. Celui-ci n’héritera cependant de rien s’il est condamné.

Leurs comptes en banque ont enfin été épluchés. Le jour des faits, le compte courant de Bernard Wesphael contenait 6.800 euros. Son salaire de parlementaire de 8.020 euros lui avait été versé le 28 octobre. L’accusé a souhaité préciser à la cour qu’il avait pendant des années versé 40% de son salaire à Ecolo.

Les images des caméras de l’hôtel Mondo ont été diffusées dans la foulée.

L’accusé découvre l’enregistrement d’une conversation entre V. Pirotton et son amant

Une conversation téléphonique entre Véronique Pirotton et son amant Oswald D. datant du 30 octobre 2013, la veille de la mort de la victime, a été diffusée à l’audience lundi. Bernard Wesphael, qui avait dans un premier temps refusé de l’entendre, s’est dit « profondément bouleversé ». « Ce discours est complétement surréaliste », a-t-il ajouté. D’autres messages vocaux ont été écoutés.

« C’est une souffrance épouvantable d’entendre ça, parce qu’à moi, elle me disait le contraire. Elle refaisait des projets avec moi, avec la perspective qu’on puisse prendre de la distance pour mieux gérer notre situation de couple », a déclaré l’accusé qui découvrait l’enregistrement effectué par Oswald D. Bernard Wesphael a tenu sa main devant ses yeux durant la diffusion.

« Ma femme avait deux discours complétement différents en fonction de son interlocuteur. Ca, je l’ignorais complétement. C’est la police d’Ostende qui m’a fait comprendre que c’était la réalité. » « Si j’avais su, j’aurais réagi autrement, j’ai un minimum d’orgueil. » Il a également fait part, la voix tremblante, de la douleur qu’il éprouvait à entendre la voix de sa femme.

La conversation enregistrée par Oswald D. date du 30 octobre 2013 à 14h00, lorsque Véronique Pirotton se trouvait déjà à Ostende. La victime évoque une dispute la veille, soit le 29 octobre en soirée, durant laquelle Bernard Wesphael « lui a pris les poignets, fort ». « Parce qu’il a de la force, il ne faut par croire », dit-elle. « Il m’a traitée de tous les noms. (…) Il a pété une case, il avait bu. » Elle indique avoir expliqué à Victor, son fils, avant de partir à la mer que « ça n’allait plus avec Bernard », qu’il ne voulait pas partir, qu’ils allaient se séparer et que ça devenait difficile. Elle déclare encore à Oswald D. qu’elle est en train de monter un dossier pour prouver que Bernard Wesphael ne participait pas aux frais du ménage et qu’elle comptait se rendre chez le juge de paix, pour déclarer la « mésentente cordiale entre les deux conjoints », afin qu’il quitte son domicile. « Il n’a pratiquement rien chez moi, juste des trucs dans mon garage », peut-on encore entendre.

« Je suis contente de ce que j’ai fait. J’ai l’impression qu’il n’y a plus de machine arrière possible », ajoute Véronique Pirotton. « Il n’y a pas eu de prise de bras ni de mouvement brusque » la veille du départ de la victime à la mer, a déclaré Bernard Wesphael à l’audience. « Elle m’a encore rappelé qu’elle était harcelée par Oswald D. Nous avons parlé brièvement puis elle a pris ses médicaments pour dormir. Elle m’avait même proposé d’aller à la mer avec elle. » L’accusé avait décliné, ayant trop de travail, avant de changer d’avis et de la rejoindre le 31 octobre.

Interrogé par le président à l’issue de la diffusion de la conversation, Bernard Wesphael est resté flou sur son emploi du temps le matin du départ à la mer de son épouse, déclarant finalement qu’il dormait toujours à ce moment-là et qu’il ne l’a pas vue partir.

L’avocat général s’est ensuite demandé si Véronique Pirotton avait utilisé l’ordinateur avant de se rendre à la gare. Les enquêteurs ont précisé lundi que la réservation pour l’hôtel Mondo avait été effectuée en ligne à 8h29 le 30 octobre 2013 et un paiement de 70 euros a été fait, selon les données d’Atos Wordline. Celles-ci montrent encore un paiement de 140 euros effectué à 4h23 du matin le 30 octobre depuis le compte de Bernard Wesphael. Ce dernier dit ne pas se souvenir de cela et précise ne pas être doué pour manipuler les opérations bancaires en ligne.

Oswald D. avait remis cet enregistrement aux policiers lors de son audition le 4 novembre 2013. Il avait été diffusé par RTL-TVi avant le procès. Le cousin de la victime a quant a lui pleuré lorsqu’il a entendu l’enregistrement.

D’autres messages vocaux laissés à Oswald D. ont encore été diffusés lundi matin. Dans le premier, on entend Bernard Wesphael dire, par deux fois: « dis-lui un message ». Véronique lui répond: « comment? » et « mais quoi? ». Son mari lui répond alors « n’importe quoi, trouve! ».

Ce message a été laissé à 20h24 le 31 octobre. Or, souligne Me Mayence, les images des caméras montrent que l’épouse de Bernard Wesphael était partie aux toilettes entre 20h19 et 20h29. Selon les enquêteurs, le GSM d’Oswald n’était pas à l’heure et un certain nombre de données ont été effacées. « Ces messages ont été portés à notre connaissance sur base d’un fichier portable et nous en avons déduit, en comparant avec la téléphonie, que ce message a été envoyé à 20h24 », a commenté l’un des policiers.

A 20h22, deux minutes avant, un autre message vocal a manifestement été laissé sur la messagerie d’Oswald, dans lequel Véronique Pirotton dit: « je dois dire que je te méprise ». Le reste est inaudible.

L’amant de la victime a également remis à la police une copie d’un SMS reçu à 16h07, le jour des faits, de Bernard Wesphael disant « Regarde bien, pauvre homme ». L’accusé lui avait ensuite laissé un message vocal à 17h47. On entend l’ex-député wallon dire: « vous êtes un lâche, car vous ne voulez jamais rappeler ou répondre. (…) Ca ne va pas se passer longtemps comme ça, votre capacité à être derrière une personne et à la manipuler. (…) Evitez moi si vous voulez bien. Merci beaucoup. »

La ligne du temps de la soirée du 31 octobre doit encore être présentée à la cour.

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