Luc Van Der Kelen

« Les Wallons deviennent libéraux »

Luc Van Der Kelen Conseiller politique pour BPlus

« Une nouvelle unité de centre-droit prend de l’ampleur dans le pays et la Belgique semble à nouveau avoir un Premier ministre fort », écrit Luc Van Der Kelen du mouvement B Plus.

Les rapports politiques changent vite dans notre pays. Et les coups tombent là où il y a trois ans, lorsque Charles Michel a tenté son formidable pari suédois, on les attendait le moins. Du côté d’Elio Di Rupo et du PS. On peut dire que Di Rupo a couru à sa perte. Il a commis l’erreur que craignaient la plupart des observateurs politiques : il est retourné sans transition du poste de Premier ministre au Boulevard de l’Empereur.

Tous les politologues vous diront qu’un Premier ministre qui se retrouve dans l’opposition a tout intérêt à la jouer quelque temps profil bas. A ne pas se lancer directement dans de la politique de parti, et à plus forte raison de prendre la direction de l’opposition. Un ancien Premier ministre doit rester quelque temps au-dessus de la mêlée. Reprendre le chemin de la présidence du parti porte préjudice à l’héritage, à l’image de rassembleur et de conciliateur dont bénéficie un Premier ministre dans un pays difficile à gouverner comme la Belgique.

Ce qui vaut pour Elio Di Rupo s’applique tout autant à Laurette Onkelinx. Elle aussi a commis l’erreur de passer sans transition de leadership au gouvernement en tant que bras droit du Premier ministre à la position de leader de l’opposition dans la Chambre. Même si elle est brillante, elle n’a jamais trouvé le ton juste dans son travail d’opposition à la Chambre. Elle aussi aurait mieux fait de s’abstenir de faire de la politique pendant six mois ou de passer au niveau régional.

Leadership moral

Appelons cela une question de leadership moral, un terme souvent rencontré par le PS. Cette année, la grandeur qu’a été le PS a très fort souffert des scandales Publifin et Samusocial. Ils ont fait trembler le parti sur ses fondements, une situation due surtout au leadership hésitant de Di Rupo, efficace pour diriger une coalition très difficile, mais trop faible pour adapter son parti à une ère politique inédite.

Chaque fois, le PS a été dépassé à gauche par le PTB et au centre par Ecolo. Symptôme d’une catastrophe imminente, ignoré par la direction du parti. Je ne crois pas plus au fait que les ténors du PS n’ont pas vu arriver la « trahison » de Benoît Lutgen. Il y a eu des signes, y compris des gouvernements au sein desquels siégeait le PS.

En Flandre, depuis quelque temps, Bart De Wever observait avec plaisir les développements politiques en Wallonie et à Bruxelles. Pour lui, reléguer le PS dans l’opposition était déjà une réforme de l’état en soi. À juste titre. Cela a fourni assez de ciment pour faire tenir la coalition suédoise de droite. Là où tout le monde avait craint pour l’avenir politique de Charles Michel et du MR, qui en raison de son statut de seul parti francophone du gouvernement fédéral et de son absence dans les gouvernements régionaux, occupait une position extrêmement faible dans sa région, les libéraux francophones ont réussi à serrer suffisamment les rangs pour survivre à la première moitié de la législature, malgré un double changement de personnes. Hormis l’incident avec Hendrik Vuye et Veerle Wouters, Bart De Wever n’a pas non plus été confronté à de gros problèmes en Flandre.

Le ciel s’est éclairci encore davantage pour la coalition à mesure que le PS s’empêtrait de plus en plus dans les scandales et que les sondages étaient de plus en plus rongés par le PTB d’extrême gauche, dirigé par une espèce de nouveau Stevaert en la personne de Raoul « Eddebo » Hedebouw. Plus le PS est affaibli par les coups répétés de Hedebouw, plus la coalition de droite s’est sentie mieux. Cela ouvre la voie à un gouvernement Michel II avec une gauche divisée en Wallonie et un front de droite en Flandre. Un PS affaibli offrirait l’opportunité à la N-VA et à ses partenaires de s’imposer encore davantage en Flandre.

Une Belgique ingouvernable?

Ces derniers temps, les derniers soubresauts perturberaient toutefois les partis traditionnels en Flandre. À en croire les sondages francophones, en 2019 la Belgique pourrait à nouveau devenir ingouvernable. Le cas échéant, une Flandre de droite ne pourrait s’harmoniser avec une Wallonie d’extrême gauche. À l’horizon, se dresse l’ombre d’une nouvelle formation du gouvernement extrêmement longue dont la seule possibilité pour sortir de la stagnation serait une nouvelle réforme de l’état confédérale. En d’autres termes, si la Belgique, ou ce qui en reste, veut rester gouvernable, les partis n’auront d’autre choix que d’accepter le confédéralisme prôné par la N-VA. Une chose dont le parti nationaliste flamand pourrait se servir pour finalement liquider la Belgique.

Les Wallons deviennent libéraux

C’est du moins ce qu’on entendait jusqu’à il y a peu. Car depuis octobre dernier, le gouvernement Michel semblait s’embourber dans la crise fiscale. Mais aussi parce que le cdH et le MR n’arrivaient pas à former un gouvernement wallon. « Rien n’allait plus ». En quelques jours, la donne a radicalement changé : le nouveau gouvernement wallon (le mardi 25 juillet) et un accord fédéral universel sur le budget et de nouvelles réformes (le mercredi 26 juillet). Les Wallons deviennent libéraux, titrait le quotidien De Standaard.

Dans le sens libéral

La nouvelle majorité en Namur a effectivement établi un programme qui renvoie la Wallonie dans le camp libéral. Plus de jobs, moins d’états. Il reste assez peu de temps, deux ans avec une majorité serrée, mais c’est justement ce qui pourrait motiver le gouvernement wallon à mettre ces réformes radicales rapidement en oeuvre. Ce succès indéniable peut insuffler une nouvelle vie à la politique wallonne et encourager les partis du centre à inverser la vapeur dans les sondages.

Tout à coup, le MR n’est plus seul. Bien que le cdH ne fasse pas encore partie du gouvernement fédéral et qu’il ne pourra plus y entrer, le MR bénéficie d’un allié en Wallonie et c’est le PS qui se retrouve isolé. Vu l’analogie des programmes aux niveaux fédéral, flamand et wallon, une nouvelle unité de centre droit grandit dans le pays. Avec le temps, cela incitera également les partis tels qu’Ecolo et Défi à former une nouvelle majorité en Wallonie. Les responsables politiques ne peuvent laisser le gouvernement bruxellois et celui de la communauté française dans le chaos. L’enseignement et la politique sociale en souffriront, d’autant que les gouvernements fédéral et wallon peuvent serrer les cordons de la bourse.

Quoi qu’il en soit, on assiste à une évolution passionnante et inattendue : un axe de droite désireux de nettoyer la politique est en train de devenir dominant et un ancien parti du gouvernement à l’agonie en Wallonie se retrouve en bonne partie hors-jeu. Évidemment, il est encore très tôt pour voir clair, mais les développements récents sont indéniablement un coup de chance pour un Premier ministre dont le gouvernement était en crise depuis octobre 2016.

La méthode Michel qui consiste à mener des négociations surtout bilatérales loin des médias ne semblait plus fonctionner. En deux étapes, le nouveau Premier ministre s’est assuré un nouvel élan. Ce Premier ministre est devenu un politique adulte, qui semble tout de même capable de mener à bien de difficiles négociations. Grâce à une concertation patiente à deux niveaux en même temps, Charles Michel a obtenu des accords innovants.

La Belgique semble à nouveau avoir un Premier ministre fort.

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