Julie Maenaut

« Le nouveau tax-shift nuira aux systèmes de santé »

Julie Maenaut Julie Maenaut est coordinatrice de la Plate-forme d'action santé et solidarité, membre du Think tank Tripalium.

Julie Maenaut nous parle de l’impact de la politique d’austérité sur les systèmes de santé.

La politique d’austérité menée dans la plupart des pays européens n’a pas épargné les systèmes de santé. Ces politiques se traduisent notamment par une dégradation des conditions de travail et de la qualité des soins dispensés.

Or, il existe un lien direct entre d’une part la qualité de soins offerts, et d’autre part la mise à disposition d’un personnel suffisant et la qualité des conditions de travail de l’ensemble du secteur des soins.

Une pénurie en personnel a un impact direct sur la qualité des soins, mais également sur la disponibilité et l’accessibilité des soins. Les conditions de travail ont un effet direct sur le nombre de nouveaux membres du personnel et sur les membres du personnel en service. Elles conditionnent en grande partie les mouvements (arrivées et départs) du personnel : afin d’offrir davantage de perspectives en matière de soins de qualité à chacun, il faudra disposer de suffisamment de membres du personnel qui restent à leur poste parce que les conditions de travail sont satisfaisantes.

Aujourd’hui, tous les pays européens font face a une pénurie en personnel soignant. Elle risque encore de s’aggraver compte tenu de l’évolution démographique que connaissent la plupart des pays européens. Alors que le vieillissement général de la population fait augmenter les besoins en soins, la population professionnelle de santé se raréfie, selon le bureau européen de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Dans un récent dossier, l’institut syndical européen met en lumière la dégradation des conditions de travail et le manque d’effectifs dans le monde infirmier un peu partout en Europe (1) : fermeture d’hôpitaux, gels des salaires, baisse des salaires, restructurations, privatisations, mais aussi réduction en personnel, licenciements directs, non-remplacements ou non-renouvellement des contrats, sont quelques illustrations des conséquences des mesures d’austérité imposées dans plusieurs États de l’UE.

Les coupes dans les budgets de la santé engendrent une baisse de la qualité des soins : hausse des cas de négligences médicales, augmentation des listes d’attentes ; on constate aussi l’augmentation du nombre de burn-out chez les professionnels de santé.

C’est dans ce contexte de dégradations de la santé publique que se développe une offre de services de santé et de bien-être privée à caractère commercial qui ouvrent leurs portes à une clientèle fortunée (2). Depuis plusieurs années déjà, c’est le secteur des Maisons de Repos et des Maisons de Repos et de soins (MR/MRS) qui est devenu un secteur d’investissement pour les mutinationales en recherche de profits (3).

u003cemu003eLes premières analyses du tax- shift ont de quoi alarmer les citoyens et les responsables de la santé publiqueu003c/emu003e

En Belgique aussi, la situation risque de se dégrader fortement. En effet, les premières analyses du tax- shift annoncé en fanfare par le gouvernement Michel en juillet dernier ont de quoi alarmer les citoyens et l’ensemble des responsables de la santé publique (4). La majorité du financement du tax-shift pèse directement sur le citoyen contribuable en affaiblissant notamment les services publics et la sécurité sociale : 31 % du financement du tax-shift provient de mesures d’austérité.

-22% trouvent leur source dans de nouvelles économies ponctionnées dans la sécurité sociale : 5% du financement du tax shift – soit 385 millions d’euros- provient de nouvelles économies dans les soins de santé et mutuelles, 9%- soit 700 millions- sont des mesures d’économie en matière de sécurité sociale que doit encore définir le gouvernement, 4% – soit 293 millions – concerneront les chômeurs et 4% encore dans des domaines divers de la sécurité sociale.

-9% du financement du tax-shift – soit 650 millions d’euros – concernent la diminution des dépenses de l’État, appelées pudiquement ‘ré-design’ et ‘prudence budgétaire renforcée sur les dépenses primaires’ .

Ces mesures d’austérité à hauteur de 31% du tax-shift, ne sont donc pas visibles directement mais enlèvent de la qualité de soins, de services publics, de protection sociales. Elles augmenteront sans doute les inégalités déjà existantes.

Depuis son origine, la Plate-forme d’action santé et solidarité informe et sensibilise les professionnels de santé et la population sur les conséquences des attaques des politiques néolibérales sur la protection sociale et les services publics de santé. Réduire les inégalités face à la santé, résister au processus de marchandisation des soins de santé, défendre des soins de santé de qualité et de bonnes conditions de travail pour le personnel de santé sont les principaux défis qu’elle s’est donnée.

Les politiques d’austérité menées par le gouvernement fédéral, mais aussi par les gouvernements régionaux portent atteinte au droit à la santé. C’est pourquoi la Plate-forme s’associera au front de résistance sociale large qui se prépare et participera au premier acte de cette résistance de cette rentrée, le 7 octobre prochain.

Références

(1) HesaMag #11, Magazine de l’Institut Syndical européen en santé et sécurité au travail, Dossier spécial le monde infirmier au bout du rouleau, coordonné par Marianne De Troyer (ETUI) et Caroline Verdoot (FGTB).

(2) Pour en savoir plus sur la Marchandisation de soins en Europe, le site de la Plate-forme d’action santé et solidarité

(3) « Meldpunt voor handel in senioren »

(4) Tax Shift du gouvernement Michel : une première analyse des dégâts, Pauline Van Cutsem et Nabil Sheikh Hassan.

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