Ikram Ben-Aissa

Le mot musulman semble dorénavant signifier « beaucoup de problèmes »

Ikram Ben-Aissa écrivaine

Mes chers musulmans, nous ne sommes plus en sécurité. Si hier il fallait s’exprimer sur le port du foulard, le ramadan, ou encore sur la nourriture halal, faites-vous discrets dorénavant, car maintenant vous êtes l’Ennemi de l’Occident.

Cela va être difficile à endurer, les préjugés seront sans pitié. A la télévision, sur les réseaux sociaux ou même dans la rue, les paroles et les regards seront dorénavant très violents. Un voisin qui semblait si chaleureux ne vous saluera même plus. Chacun fermera ses portes à double tour. Tous iront réconforter leurs idées en s’installant bien chaudement derrière cette affreuse télé!

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La peur et encore la peur. Puis, la haine et le désir de vengeance. Quelle vengeance ? Pourquoi cette haine? Parce que tout n’est pas clair. Parce que ce que l’on entend, c’est seulement : musulman, islam, islamiste, terroriste, intégriste. Tout n’est pas clair, sauf pour le mot musulman qui semble dorénavant signifier « beaucoup de problèmes ». Alors, on mélange tout : étrangers, barbares, religions, menaces, insécurité, « Etat islamique », attentats, Hezbollah, Hamas, barbus, voile, foulard, burqa et j’en passe. Tout est complètement confus et sombre. Car rien n’est clairement expliqué, il n’y a aucune distinction. Peut-être que c’est ce que l’on veut? Peut-être qu’il faudrait chercher par soi-même? Mais cela serait trop pénible. Avalons tout ce qui se dit, sans aucune analyse, sans aucun recul. Après tout, il y a surement un peu de vérité dans ce qui est dit à la télé.

Mes chers musulmans, il va falloir beaucoup de patience. Même si vous êtes en Belgique depuis trois, voire quatre générations, que le pays d’origine auquel vous êtes lié ne se voit, peut-être qu’à travers vos noms et vos traits. Oui, il va falloir encore patienter. « Muhammad »? « Ali? », « Ahmed »? Mais depuis quand ces noms sont-ils belges? Avoir le teint un peu trop basané? Des cheveux crépus? Non, décidément il n’y a rien de Belge.

Pourtant, vous et moi, savons que nous n’avons connu que ce plat pays. Que notre langue maternelle est le français. Que nous sommes des enfants qui avons été sur les bancs d’écoles belges afin d’apprendre, afin de rendre fière nos pères et mères. Ces aventuriers qui avaient décidé de venir travailler ici, de participer à la construction de ce pays qui est aussi le nôtre. Ne l’oubliez pas, je vous prie, c’est aussi notre pays. Car celui dont nous sommes originaires, nous ne le connaissons pas, nous ne maîtrisons même pas sa langue. Et même si nous voulions connaître ce pays de nos grands-parents, nous savons que nous retrouverons ce même regard, celui qui exprime ceci: « Toi, oui toi, tu n’es pas d’ici ».

Mais d’où peut-on donc venir ? Serions-nous descendus du ciel? Est-ce que l’on a le droit, de se sentir quelque part chez soi? Portez un foulard, portez une barbe, avoir des apparences musulmanes, est-ce un crime? Avoir une histoire de migrant, est-ce une faute? Migration et islam vous font donc si peur que vous nous regardez d’un air rageur? Je n’ai que la Belgique comme autre « chez moi ». Et si cela veut dire, souffrir pour mon pays, et bien soit. Je n’attends pas d’excuses même si je le mérite. Mais sachez une chose : c’est ma vie, que dis-je, c’est notre vie, notre avenir, nos ambitions, nos rêves, que l’on fout en l’air. Oui, nous en avons des rêves. Construire une famille, investir notre société, soutenir cette diversité belge, montrer avec fierté nos différentes identités. Oui, nous souhaitons partager cela avec nos autres citoyens belges. Expliquez mon foulard sur la tête ? Cela ne me dérange pas. Venez seulement discuter avec moi. Je ne demande que cela. Discutons, mais ne mélangeons pas tout. Tout d’abord, il va falloir nous regarder d’égal à égal, et surtout avec respect.

Vous savez ce qu’un représentant  » de l’islam » en Belgique a dit ? Il s’est exclamé, avec un accent maghrébin que vous et moi n’avons pas, que l’on devait s’assimiler ou partir. Mais qui était-il pour nous dire cela? Lui, qui ne vient clairement pas de ce plat pays. Etions-nous d’un autre pays que la Belgique pour que l’on nous demande de quitter notre propre terre?

Mes chers musulmans, nous venons du ciel, maintenant j’en suis certaine. Nous sommes tellement uniques, que beaucoup nous envient. Nous sommes tellement de chose à la fois. Nous connaissons différents points de vue, nous portons tellement d’identités et de valeurs. C’est sûr, nous venons du ciel, personne ne peut comprendre le ciel. Sauf ceux, qui veulent réellement s’y intéresser. Pour les autres, qu’ils restent par terre…

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