« Le calcul des pensions sera une douche froide pour beaucoup d’entre nous »

En la personne de Daniel Bacquelaine (MR), le gouvernement Michel dispose d’un ministre qui doit s’occuper uniquement des pensions. Pourtant, la grande réforme des pensions risque de sombrer dans le chaos.

À l’heure du numérique, il est scandaleux que nous ne disposions pas encore de système pour calculer notre pension.

Fin 2016, vous pourrez faire une estimation du montant de votre pension sur le site mypension.be. Et à partir de fin 2017, vous devrez pouvoir voir les conséquences financières pour votre pension en fonction de votre choix de carrière. Les deux calculs seront probablement une douche froide pour beaucoup d’entre nous, car généralement la pension légale rapporte beaucoup moins que ce qu’on espère. Travailler pendant quelques années à mi-temps par exemple, fait baisser significativement le montant des pensions. Aussi, il est préférable que tout le monde soit renseigné le plus concrètement possible. A l’heure du numérique, il est scandaleux que nous ne disposions pas de cette information.

Dans notre pays, la pension légale n’est pas très élevée. Selon Kim De Witte (PTB), professeur en droit des pensions à la KULeuven, la pension dans les pays voisins se chiffre jusqu’à 700 euros de plus. C’est pourquoi beaucoup de gens épargnent pour leurs vieux jours, par le biais de la pension complémentaire professionnelle et l’épargne-pension. Cependant, celles-ci ne rapportent pas grand-chose non plus, d’autant plus que les intérêts sont très bas à cause de la crise financière. Pour beaucoup de pensionnés, il est primordial d’avoir leur propre maison ou des investissements qui rapportent afin de s’assurer une retraite confortable. Ceux qui n’ont rien en plus de leur pension légale risquent de sombrer dans la pauvreté. Cette situation illustre la faillite de la politique des pensions telle qu’elle a été menée ces dernières années : les coûts de vieillissement ont été calculés depuis les années 70, mais nous ne sommes toujours pas préparés.

À ses débuts, le gouvernement Michel a annoncé une réforme des pensions. L’âge de la pension légale, fixée aujourd’hui à 65 ans, sera augmenté à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030. Il sera plus difficile de partir à la retraite anticipée pour réduire les différences entre l’âge de la pension légale et effective : dans notre pays les femmes s’arrêtent à 58,7 ans en moyenne et bénéficient encore pendant 26,6 ans de leur pension, les hommes cessent à 59,6 ans et vivent encore durant 21,8 ans. Comme les Belges prennent leur pension tôt, ils en profitent beaucoup plus longtemps que la grande majorité des pensionnés dans d’autres pays industrialisés. Même si cette situation paraît séduisante, elle est intenable financièrement.

Alors qu’on travaille pleinement à cette réforme des pensions, le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) a proposé des mesures de faveur « temporaires » pour les policiers. Jusqu’à il y a peu, la plupart des agents pouvaient prendre leur pension à 58 ans. Il semblait que l’âge allait être rehaussé à 62 ans, mais après des protestations Jambon a élaboré un système typiquement belge : les agents peuvent arrêter de travailler à 58 ans, mais bénéficieront encore d’un salaire. À 63 ans, ils pourront jouir d’une retraite anticipée. Jambon estime que cette mesure est défendable parce que le job de policier est un métier dur même si on peut en discuter. En tout cas, il ouvre la porte à plus d’exceptions et ce n’est pas le bon signal à envoyer à la population.

Entre-temps, le fabricant d’essuie-glaces Bosch a annoncé le départ de 312 employés sur 1107 à Tirlemont d’ici 2020. L’entreprise souhaite mettre les employés à partir de 53 ans à la préretraite. Même si la prépension s’appelle maintenant officiellement « chômage avec complément d’entreprise », cela revient toujours à ce que des quinquagénaires en bonne santé restent chez eux aux frais de la communauté. Le gouvernement gagnerait en crédibilité s’il ne répondait pas à la demande de prépension. Et Bosch doit prendre ses responsabilités et aider les employés touchés à retrouver un nouvel emploi.

Pour la réforme des pensions, le gouvernement Michel peut retomber sur le rapport rendu par la commission des pensions sous la présidence de Frank Vandenbroucke juste après les élections. Dans une interview récente accordée au magazine étudiant Veto, Vandenbroucke indique que l’ensemble des frais des pensions est évidemment important, mais qu’on parle à peine des objectifs et des choix sous-jacents. « À combien doit s’élever une pension moyenne ? À combien s’élève la pension minimum et qui y a droit ? » se demande Vandenbroucke. « Il faut faire table rase du passer et faire des choix. Ainsi, on mène un véritable débat et on crée un consensus large. C’est la responsabilité de ce gouvernement. Le véritable débat sur les pensions doit encore commencer ».

Avec Daniel Bacquelaine (MR), le gouvernement Michel dispose d’un ministre qui s’occupe exclusivement des pensions. Pourtant, la grande réforme de ces pensions, telle qu’elle se déroule aujourd’hui, risque de sombrer dans le chaos.

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