Un mois auparavant, Léopold III préfigurait déjà sa royale solitude. © PHOTO NEWS

Le 25 mai 1940 se joua le drame de Wynendaele, l’un des épisodes les plus tragiques de notre pays

En Belgique, le pouvoir exécutif est conjointement exercé par le roi et son gouvernement. En général, cela ne pose guère problème, tant l’osmose est grande entre les deux branches. Ou plutôt : tant le pouvoir du roi est relatif. Tandis que les ministres dictent la loi, le chef de l’Etat se contente de signer les textes qu’on lui soumet. Mais l’osmose peut voler en éclats.

A quelques reprises, dans l’histoire du pays, il est arrivé que le roi et ses ministres défendent des points de vue divergents. Voire même qu’ils empruntent des chemins radicalement différents. Ce fut le cas au petit matin du 25 mai 1940. Sans doute l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire du pays. Et qui coûta son trône à un roi.

Dès le 16 mai, moins d’une semaine après le début de l’invasion allemande, le gouvernement quitte Bruxelles en direction de la côte. Certes, les troupes belges sont sévèrement malmenées. Mais la guerre n’est pas finie. L’élite politique du royaume songe déjà à poursuivre le combat avec les Alliés, depuis la France. Comme en 1914…

Un homme possède une autre vision des choses. C’est Léopold III. Quitter le territoire ? Très peu pour lui. Le monarque se souvient d’Albert. Lors de la Grande Guerre, le troisième roi des Belges est resté au pays, aux côtés de ses troupes. Il n’imagine pas faire autrement que son père. Il y a autre chose : Léopold ne croit pas réellement en une victoire alliée. Plus fondamentalement, il ne verrait pas d’un mauvais oeil une intégration de la Belgique dans le vaste empire allemand. Tant qu’il peut, en son sein, conserver un certain pouvoir…

Dans les jours qui suivent le début de l’invasion, le roi et ses principaux ministres multiplient les contacts. Les positions sont claires : le gouvernement veut éviter que le roi tombe prisonnier, tandis que le chef de l’Etat n’imagine pas quitter le territoire.  » La situation était mûre pour qu’éclate le drame « , écrira le roi lui-même.

Le château de Wynendaele se trouve dans la localité ouest-flandrienne de Torhout, à 20 kilomètres de Bruges. C’est là qu’à l’aube du 25 mai, le Premier ministre Pierlot, les ministres Spaak (Affaires étrangères), Denis (Défense nationale) et Vanderpoorten (Intérieur) débarquent chez le roi. L’heure est matinale et grave ; le souverain, sorti de son sommeil, est tendu. Estimant qu’il est urgent de quitter le pays, les ministres espèrent le convaincre de les suivre.  » Le roi aura-t-il un gouvernement à ses côtés s’il demeure au pays ? « , ose Spaak.  » Evidemment que oui « , répond le monarque.  » Je ne suis pas un dictateur.  » Pierlot :  » Et le gouvernement actuel, continuera-t-il à être le gouvernement du roi ?  » Léopold :  » Non, car ce gouvernement sera nécessairement contre moi.  »

Tout est dit. La suite est connue. Les ministres poursuivront la guerre depuis la France et l’Angleterre, tandis que le roi perdra son trône en se mariant avec Lilian et en rencontrant Hitler. Plus jamais Léopold et Pierlot ne se reparleront.

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