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Laurette Onkelinx invente le PS new style

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La cheffe de groupe PS à la Chambre a réuni tous les députés avec les journalistes. Une nouvelle manière de communiquer. Et un nouveau ton d’opposition, aussi, plus constructif. Même si elle ne regrette pas son début de législature « en force et en décibels ».

Le PS innove en matière de communication. Après la « causerie » du ministre-président wallon Paul Magnette, voici la rencontre informelle de Laurette Onkelinx et du groupe PS à la Chambre avec quelques journalistes pour tisser des liens et pallier le déficit d’image actuel du premier parti d’opposition francophone. « Le gouvernement innove lui-même avec son discours selon lequel tout va bien, nous devons riposter », explique-t-elle. Il s’agit là d’une forme de « réseautage » comme on le pratique avec force dans la région liégeoise, dont elle est originaire. D’un désir de donner un nouveau ton au discours socialiste, aussi : il est toujours véhément face à la Suédoise – on ne parle plus de « gouvernement MR N-VA » – , mais aussi constructif, avec une série de propositions portées avec l’espoir sincère de nourrir l’agenda du gouvernement fédéral.

Pour autant, Laurette Onkelinx ne regrette rien de son début de législature tout feu tout flamme, notamment ce chahut monstre organisé lors de la déclaration gouvernementale de Charles Michel faisant suite aux propos controversés de la N-VA sur la collaboration . « Notre opposition a commencé en force et en décibels, sourit-elle. Cela a été diversement apprécié. Mais je suis persuadée que la force de l’opposition, c’est aussi sa sincérité. Quand on se sent méprisé sur ses valeurs fondamentales, on le crie haut et fort. Chaque fois que cela se reproduira, nous réagirons comme ça : haut et fort ! » A titre personnel, s’amuse-t-elle encore, cela lui a valu plusieurs invitations « insolites » dans des milieux où l’on n’était pas forcément acquis aux idées socialistes, mais où l’on voulait visiblement voir  » le lion en cage ».

Oui, le PS continuera à mener « la résistance » face à une majorité fédérale qui « met à mal notre société du bien-être ». « Bien-être, vous allez me dire que c’est là un grand mot, mais c’est aussi l’expression utilisée par l’OCDE dans son rapport 2008-2014. Nous étions un des pays où le PIB était supérieur à la moyenne européenne malgré la crise, où les inégalités restaient moins fortes. Nous nous sommes battus pour cela. Et nous faisons désormais face à un gouvernement qui rame à contre-courant. »

La chef de file PS tape sur le clou de tout ce qui l’irrite. Le saut d’index ? « Un impôt de 2% sur les travailleurs alors que ce gouvernement prétend vouloir baisser les charges sur le travail, cela n’a aucun sens. Quand Charles Michel affirme de façon doucereuse que c’est un acte de solidarité des travailleurs, c’est en réalité un propos d’une grande violence sociale. » La pension à 67 ans ? « Si cela avait été logique, cela aurait figuré dans les programmes préélectoraux, mais non ! La vraie nécessité, c’est une politique qui relève l’âge de vrai départ à la pension qui est de 52,5 ans aujourd’hui, notamment par des politiques d’aménagement du temps de travail.  » Le désinvestissement dans les services publics ? Criminel. « Quand le premier président de la Cour de cassation dit que ce gouvernement travaille contre la justice, cela devrait faire la première page des journaux ! » Le nucléaire ?  » Le gouvernement fait marche arrière avec des ministres qui ont menti, accuse-t-elle. En cas d’accident, il y aura une responsabilité collective, mais aussi des responsabilités individuelles après ce qui a été dit au parlement. Je ne sais pas si les ministres s’en rendent compte. » Même constat accablant d’opposition pour la communautarisation larvée de la politique scientifique.

« La résistance, ce n’est pas suffisant, nous devons aussi créer l’espoir », dit-elle. Voilà le discours constructif du PS « new-look » et la main tendue de façon quelque peu inattendue à la majorité. « Nous avons déposé quelque 150 propositions de loi à ce jour, entame-t-elle. Par exemple, nous sommes prêts sur la réforme fiscale. La N-VA demande une proposition qui tient la route ? Notre texte a été validé par la Cour des comptes… » Il s’agit notamment d’instaurer un impôt sur la fortune qui rapporterait quelque 2,3 milliards d’euros. La protection du consommateur, mais aussi la santé, sont deux autres domaines dans lesquels le PS veut se positionner. « Nous avons déposé un plan autisme et au sein de la majorité, on se tâte visiblement pour le reprendre. Nous travaillons sur un plan  »soins dentaires »’. » La lutte contre toutes les formes de violences du quotidien est une autre priorité pour retisser le lien social. « Toute ma vie, j’ai mené le combat contre les violences faites aux femmes, prolonge-t-elle. S’il y a un fil conducteur dans ma carrière, c’est bien celui-là. Nous avons déposé une proposition de loi pour la géolocalisation par portable des femmes en grand danger : je ne comprendrais pas que le gouvernement ne suive pas. « 

En essayant de valoriser les deux facettes de son action dans l’opposition après 25 ans dans la majorité, le PS montre qu’il trouve peu à peu ses marques une fois l’amertume digérée. « Etre au pouvoir, c’est passionnant, conclut Onkelinx. Mener un tel travail dans l’opposition, c’est une façon de façonner l’avenir avec nos projets. « 

La « lionne en cage » a montré qu’elle savait rugir, la voilà qui adresse des regards de velours. Oui, elle se sent bien dans son rôle, certainement jusqu’aux élections communales. Après…

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