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La Flandre se ruine-t-elle pour Bruxelles ?

Quasi 800 millions d’euros par an : la Flandre consacre une petite fortune à asseoir sa présence dans sa capitale. Rattrapée par les ennuis budgétaires, sera-t-elle encore prête à casser sa tirelire pour les beaux yeux d’une Région bruxelloise qui lui donne tant de fil à retordre ?

Paul Delva, chef de groupe CD&V au parlement bruxellois, aime à le rappeler : « Ce que la Flandre fait pour Bruxelles est gigantesque. Il s’agit de plusieurs centaines de millions par an. » Quasi 800 millions, plus exactement. Le nord du pays ne lésine pas sur la dépense pour assurer sa présence à Bruxelles. Depuis 1999, il s’impose même une norme contraignante : lui consacrer chaque année au moins 5 % de son budget total, pour atteindre 30 % de la population bruxelloise, soit quelque 350 000 personnes. Les autorités flamandes s’enorgueillissent de respecter globalement cet engagement, avec une moyenne de 5,26 % obtenue entre 2009 et 2011, derniers chiffres disponibles.

Ecoles, crèches, centres culturels, sport, bien-être et santé, emploi et formation professionnelle, communication et média : la Flandre se bat sur tous les fronts pour défendre son bout de gras bruxellois. Elle se donne beaucoup de peine pour exister dans un biotope qui ne lui est pas spontanément acquis. Mais l’essentiel est atteint.

Mieux encore : dans une région toujours plus multilingue, la Flandre a transformé l’essai en success story. Ses écoles saturent à Bruxelles, ses crèches refusent du monde, l’inburgering (l’intégration civique), qu’elle ne peut rendre obligatoire en territoire bruxellois, connaît pourtant un certain engouement. « Nous sommes victimes de notre succès. Mais au moins, c’est un succès », positive le député régional flamand Karl Vanlouwe (N-VA.) Il reste à en payer le prix.

C’est là que le nord du pays commence à se faire du souci. Il entre à son tour en zone de turbulences budgétaires. Ceinture pour les finances publiques flamandes. Toutes les politiques nordistes se retrouvent à la diète. Y compris le soutien financier prodigué à Bruxelles, amputé cette année de 5 % de ses moyens. « Ni plus ni moins que les autres départements », tempère Sven Gatz, Open-VLD et chargé des Affaires bruxelloises au sein du gouvernement flamand. Sans forcément convaincre.

Flamands de Flandre ou de Bruxelles, les parlementaires venus aux nouvelles ne repartent qu’à demi rassurés. C’est toute la politique flamande à Bruxelles qui est touchée à l’os, s’alarme l’opposition SP.A et Groen. Qui y voit les premiers signes d’un désengagement flamand. En apprenant le gel des subsides aux crèches néerlandophones à Bruxelles, Elke Roex, députée bruxelloise SP.A, frémit : « C’est comme si la Flandre abandonnait Bruxelles. »

Démenti formel du gouvernement flamand. Hors de question pour la Flandre de déserter la place et de baisser pavillon dans sa propre capitale, « notre fenêtre sur le monde », comme le répète à l’envi son ministre-président, Geert Bourgeois (N-VA.) Sans nécessairement convaincre non plus.

« Tous les ministres du gouvernement flamand ne partagent pas l’amour que le ministre Gatz porte à Bruxelles », soutient la députée Groen Annemie Maes. Cette élue néerlandophone bruxelloise aligne les indices : les euros flamands se font rares pour financer les infrastructures sportives, le bien-être et l’accueil de la petite enfance, la culture à Bruxelles. Allez savoir pourquoi, mais la Flandre aurait tendance à plutôt mettre ses oeufs dans le panier anversois… On ne serait plus très loin de la non-assistance flamande à Bruxelles en danger : « Bruxelles n’a pas à s’agenouiller pour dire merci à la Flandre. La Flandre a des devoirs vis-à-vis de Bruxelles, comme les parents ont des devoirs vis-à-vis de leurs enfants. »

Par Pierre Havaux

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– « Bruxelles doit rayonner sur sa communauté, celle qui la finance et doit continuer à le faire »

– « La plupart des Flamands ignorent que la Flandre investit autant à Bruxelles »,

– « Si l’on demandait par référendum aux Flamands de choisir entre Bruxelles et Malines comme capitale, c’est Malines qui l’emporte »

– « Tôt ou tard, il faudra trancher la situation hybride créée à Bruxelles par la sixième réforme de l’Etat »

– Les ratés d’une success story

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