Thierry Denoël

Kazakhgate : panique dans la majorité ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

La journée de ce mercredi 19 avril au sein de la commission d’enquête parlementaire  » transaction pénale  » a été particulièrement houleuse et révélatrice. De plus en plus gênée aux entournures, entre autre à cause du rôle du MR dans ce scandale d’Etat, la majorité veut tout faire pour mettre le couvercle sur le travail de la commission.

Suite aux quelques articles de presse concernant l’incroyable manipulation de la Sûreté de l’Etat par Armand De Decker en 2011, la tension était très palpable hier aux alentours de la salle Marguerite Yourcenar où se réunissent les dix-sept députées de la commission d’enquête Kazakhgate. Certes, le sujet, tournant autour des services de renseignement, était sensible. Mais surtout, l’occasion était trop belle pour les partis de la Suédoise de pousser des cris d’orfraies et de brandir maintes menaces. Parmi celles-ci : une plainte déposée par la commission pour d’éventuelles fuites dans la presse (8 députés contre 5 y étaient favorables). Ou encore : continuer les travaux de la commission à huis-clos jusqu’à terme, c’est à-à-dire loin des yeux des médias et donc de l’opinion publique.

La majorité – et le MR en particulier – se sent-elle à ce point suspecte et menacée que pour sortir ce genre d’artillerie lourde digne d’une pseudo-démocratie ? Comme le souligne très justement Le Soir aujourd’hui, si fuites il y a bien eu, « les fuites font parties du job parlementaire » et donc de l’exercice normal démocratique. Cela permet d’éviter justement que l’entre-soi, si farouchement dénoncé aujourd’hui, ne prenne des proportions inquiétantes. Quant à la proposition de la N-VA d’imposer le huis clos jusqu’à la fin des travaux de la commission, elle est encore plus effrayante, surtout venant d’un parti qui a fait du populisme sa stratégie électorale.

Mercredi, à la commission, l’enjeu des débats était crucial, puisqu’il s’agissait d’examiner – comme l’avaient expliqué plusieurs journaux le matin-même – la manière dont nos institutions fonctionnent ou dysfonctionnent, en l’occurrence le Parlement et la Sûreté de l’Etat. En 2011, Armand De Decker s’est présenté au coordonnateur élyséen du renseignement en tant que vice-président du Sénat et président de la commission de suivi des services de renseignements belges (qu’il ne présidait plus depuis un an !) pour tenter d’obtenir des informations dans un dossier qu’il traitait comme avocat. Il n’avait ni le mandat ni la compétence pour effectuer ce genre de démarche. Alain Winants, l’ex-patron de la Sûreté de l’Etat, pourtant alerté à l’époque, a visiblement fermé les yeux sur ces manigances. Ses explications (en public), devant la commission, n’ont en tout cas guère convaincu.

Précision : ils n’ont guère convaincu les parlementaires qui semblaient intéressés par le sujet. Car sur les bancs de la majorité, à l’exception de l’ancien ministre Vincent Van Quickenborne (VLD) qui s’est énervé bellement contre Winants avec des questions plutôt percutantes, il régnait un silence assourdissant, très remarqué par les journalistes. Aucune question ni observation de ces députés-là. David Clarinval (MR) n’était même pas présent. Ses deux collègues de parti, Damien Thiéry et Gilles Foret, n’ont pas ouvert la bouche. Même apathie notable du côté de la N-VA et du CD&V. Et ce, alors qu’on tentait de comprendre comment De Decker a pu utiliser la Sûreté à des fins personnelles et comment l’ancien patron de celle-ci a pu couvrir tout cela. Ce n’est pas rien… Et la N-VA (très protectrice, ici, vis-à-vis du MR) voudrait désormais imposer le huis-clos permanent ? La majorité panique-t-elle à ce point maintenant que les travaux de la commission approchent du coeur du scandale ?

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