Carte blanche

Et si on choisissait la dignité?

Alors que des milliers de personnes fuient la guerre et sont toujours en besoin de protection aux frontières de l’Europe, les priorités du Secrétaire d’État à l’asile et à la migration sont tout autres : augmenter le nombre d’expulsions; créer 1.000 places supplémentaires en centres fermés et allonger la durée de détention ; sanctionner les avocats qui défendent les migrants; faire payer des amendes administratives aux étrangers…

Autant de priorités qui visent à intensifier le combat dit « contre l’illégalité ». Avec bien souvent, en toile de fond, pour justifier ces mesures, l’alibi de la lutte contre la criminalité pour renforcer la sécurité. Ce combat rejoint les autres priorités de ce système qui traque les personnes sans emploi, les pauvres, les sans-abri…

Enfermer, expulser, sanctionner, dissuader pour combattre « l’illégalité »… De quoi alimenter la peur de l’étranger et, au passage, renforcer les amalgames entre sans-papiers, migrants et criminels, voire terroristes.

Faut-il encore rappeler que personne n’est « illégal » ? Ces hommes, ces femmes et ces enfants sont poussés hors de leur pays par la guerre, les violences, la misère ou le réchauffement climatique. Ils se retrouvent sans papiers ici parce qu’ils ont perdu leur droit de séjour, parce qu’ils ont été déboutés du droit d’asile, parce que leur visa d’étudiant a expiré, parce que leur permis de travail n’a pas été renouvelé ou encore parce qu’ils ne répondent plus aux conditions financières strictes du regroupement familial. Ils travaillent dur, dans des conditions déplorables, souvent pour faire des boulots sous-payés, dans un système d’économie informelle engendré lui-même par la concurrence structurelle des travailleurs, basée sur l’activation de la peur et de l’insécurité.

L’irrégularité de séjour des sans-papiers, c’est la politique migratoire qui l’a créée

L’irrégularité de leur séjour, c’est la politique migratoire qui l’a créée. Les migrants bloqués aux frontières de l’Europe ou exclus du droit de séjour en Belgique font les frais d’une même politique de fermeture et de déni d’humanité. Notre gouvernement, ne reconnaissant pas qu’ils existent, qu’ils ont des attaches en Belgique et qu’ils sont aussi souvent une plus-value pour le pays, refuse de régulariser leur situation, alors qu’il en a le pouvoir. Il choisit de mettre la priorité sur la détention et l’expulsion, des mesures coûteuses et inhumaines, dont l’enjeu est davantage symbolique et médiatique, distillant ainsi une image du migrant abuseur, criminel, dangereux. Montrer que l’on a un contrôle sur les migrants « illégaux », qu’on les enferme dans des lieux sécurisés, et qu’on les renvoie de force chez eux, permet d’asseoir un pouvoir qui joue sur l’insécurité des citoyens générée par le terrorisme.

Ces politiques répressives et le discours de stigmatisation des migrants qui les accompagne ne sont pas des solutions pour lutter contre le terrorisme et ont de lourdes conséquences sur la cohésion sociale, sur le vivre ensemble. En attisant les peurs, en mettant en évidence des événements qui restent des exceptions, en renforçant les préjugés, on monte les individus les uns contre les autres et on renforce ainsi la véritable insécurité.

Quand la Belgique sortira-elle du carcan de la peur, du fantasme de l’invasion, du mythe du migrant dangereux et abuseur? Quand considérera-t-elle la migration comme un phénomène naturel et humain ? Quand entendrons-nous en priorité les mots « accueil », « intégration », « dialogue », « rencontre » dans la bouche de nos dirigeants politiques ? Quand oseront-ils enfin faire le choix d’une politique migratoire juste et ouverte, à la hauteur des valeurs que notre société prétend incarner?

Parce qu’à travers notre politique migratoire se pose la question du modèle de société que nous voulons : une société basée sur le mépris de la dignité humaine, la répression et l’expulsion ou une société basée sur le respect, la solidarité et l’accueil ? Le Secrétaire d’État semble avoir tranché. Nous aussi.

Patrick Verhoost, Aide aux personnes déplacées

Anne-Marie Andrusyszyn, Directrice du Centre d’éducation populaire André Genot (CEPAG)

Caroline Intrand, Co-directrice de la Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ)

Anne Léonard, Secrétaire nationale de la CSC

Philippe Vansnick, Secrétaire fédéral adjoint de la CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde

Thierry Bodson, Secrétaire général de la FGTB wallonne

Jean-Francois Tamellini, Secrétaire fédéral de la FGTB

Philippe Van Muylder, Secrétaire général de la FGTB Bruxelles

Alexis Deswaef, Président de la Ligue des droits de l’Homme

Véronique Oruba, Secrétaire nationale du Mouvement ouvrier chrétien (MOC)

Vincent Cornil, Directeur du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX)

Annick Deswijsen, Coordinatrice de Point d’appui

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