Jules Gheude

Enseignement: prendre le taureau par les cornes

Jules Gheude Essayiste politique

Voilà des années que l’univers scolaire subit les mutations issues des  » cerveaux pédagogiques « . Le bilan est tout simplement désespérant. Il suffit de voir comment s’expriment et rédigent aujourd’hui ceux et celles qui s’engagent dans les études supérieures pour s’apercevoir de la régression probante. Les enquêtes PISA sont là pour en attester.

Le terme « rhétoricien » peut-il être encore utilisé, alors que la connaissance des « belles lettres » se réduit de plus en plus à la portion congrue ? On ne peut se contenter de survoler Corneille, Racine, Molière, Montaigne, Voltaire, Diderot, Chateaubriand, Hugo, Lamartine, Baudelaire, Flaubert, Gide, Camus, Sartre ou Yourcenar. Tous ces auteurs – et bien d’autres – ont tant à nous apprendre ! Ils nous révèlent également l’apport essentiel du latin et du grec dans leur propre formation.

Il est question, depuis bien longtemps, de remplacer les cours de morale et de religion par une approche des grands courants de pensée (religieuse ou philosophique), susceptible d’éveiller l’esprit critique et tolérant. Une chose pourtant bien nécessaire en ces temps où l’obscurantisme refait surface. Mais les responsables de l’enseignement dit « confessionnel » préfèrent traîner les pieds au nom des valeurs particulières qu’ils prétendent véhiculer.

Le Pacte d’excellence, dont le débat est interminable, envisage d’imposer un tronc commun pour les trois premières années du cycle secondaire. Il ne faut toutefois pas trois ans pour s’apercevoir que tous les élèves ne sont pas coulés dans le même moule. Très vite, la démarche uniforme laisse apparaître des diversités multiples. Pourquoi contraindre un enfant à l’ennui et à la frustration, quand d’autres secteurs pourraient le valoriser et l’épanouir ? La société n’a-t-elle pas autant besoin de mécaniciens, de menuisiers, d’artistes ou de sportifs que d’avocats, de médecins, d’ingénieurs ou de professeurs ? Le nouveau pouvoir en place en France a bien compris la nécessité de valoriser l’enseignement technique et professionnel.

Bien des chantiers nouveaux ont été ouverts au fil des décennies pour transformer l’enseignement, sans que celui-ci s’en trouve amélioré.

On se souvient ainsi des méthodes audio-visuelles qui étaient censées doper l’apprentissage des langues étrangères. Le professeur devait faire abstraction de la langue maternelle des élèves et s’efforcer, à l’aide d’images et de mimiques, de leur faire comprendre le sens des phrases qu’ils entendaient.

Les établissements ont dû faire des investissements considérables pour acheter de nouveaux manuels et s’équiper en magnétophones et laboratoires. Opération commerciale avant tout, et largement réussie !

Mais le postulat de base de ces nouvelles méthodes était faussé. Lorsque nous apprenons notre langue maternelle, nous le faisons d’une manière naturelle, au départ d’un cerveau vierge. Tel n’est pas le cas pour une langue étrangère. Dès l’instant où l’élève cherche intérieurement, dans sa propre langue, ce que peut bien signifier ce qu’il vient d’entendre en anglais ou en néerlandais, la démarche est biaisée.

La plupart des professeurs de langues en reviennent d’ailleurs aujourd’hui aux listes de mots à apprendre par coeur, avec la traduction fournie.

Mais, dans un cas comme dans l’autre, force est de constater que les étudiants sont dans l’incapacité d’entretenir une conversation élémentaire dans une langue étrangère au terme de plusieurs années d’apprentissage. Seules les expériences en immersion se révèlent efficaces.

Il est regrettable que Marie-Martine Schyns, la ministre de l’Enseignement de la Communauté française, n’agisse pas avec la même promptitude que son homologue français. Ce dernier n’hésite pas à prendre les mesures qui s’imposent.

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La réforme de notre enseignement ne porte d’ailleurs pas que sur les aspects pédagogiques.

Les moyens budgétaires dont disposent les pouvoirs publics ne sont pas illimités. Il convient donc d’en faire le meilleur usage. Une réflexion ne devrait-elle pas porter sur le maintien des structures actuelles ? Feu Robert Deschamps, professeur d’Economie aux Facultés universitaires de Namur, proposait de fusionner les filières d’enseignement de la Communauté française, des provinces et des communes et d’établir avec l’enseignement libre la mise en commun de certaines infrastructures. Les économies substantielles ainsi réalisées permettraient de mieux rémunérer le personnel enseignant et de garantir l’aménagement optimal des bâtiments scolaires.

La société évolue et impose des adaptations. Mais celles-ci ne peuvent se soustraire au principe de rigueur et d’exigence. Ne jamais céder à la tentation du nivellement par le bas ! La notion d’effort est capitale : on n’obtient rien sans rien.

La qualité de l’enseignement finlandais est unanimement reconnue. Dans ce pays, il est exclu de parler de bonnes et de moins bonnes écoles. Elles se rejoignent toutes dans l’excellence. A méditer !

Jules Gheude, essayiste politique (1)

(1) Derniers ouvrages parus : « François Perin – Biographie », Editions Le Cri, 2015, et « Un Testament wallon – Les Vérités dérangeantes », Mon Petit Editeur, 2016.

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