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En Flandre aussi les politiques surveillent les comptes Facebook

Muriel Lefevre

L’utilisation des données des internautes par les partis politiques n’en est qu’à ses balbutiements en Flandre, si on la compare avec les Etats-Unis, explique Reinout Van Zandycke, la référence en Flandre pour les campagnes politiques en ligne, dans De Tijd. Aux balbutiements peut-être, mais certainement pas nulle part.

Reinout Van Zandycke a, dans son livre « Comment devient-on bourgmestre » compilé 30 astucespour gagner les élections régionales en Flandre. Pour réaliser cette liste, il a notamment rendu visite à l’entreprise américaine Cambridge Analytica (CA), spécialisée dans la communication stratégique, qui fait les gros titres de la presse depuis ce lundi. En effet , selon plusieurs médias, dont The New York Times et le journal britannique The Observer, CA a récupéré sans leur consentement les données de 50 millions d’utilisateurs pour élaborer un logiciel permettant de prédire et d’influencer le vote des électeurs. Ces données auraient été récupérées via une application de tests psychologiques téléchargée par 270.000 utilisateurs du réseau social Facebook et développée notamment par le psychologue russe Aleksandr Kogan, qui, selon Facebook, les a ensuite fournies indûment à CA. Facebook a précisé que l’application avait aussi pu avoir accès aux données des « amis » des utilisateurs ayant téléchargé l’application. CA, qui a travaillé pour la campagne du républicain Donald Trump en 2016, a indiqué que « ces données Facebook n’ont pas été utilisées par Cambridge Analytica dans le cadre des services fournis à la campagne présidentielle de Donald Trump ». Elle précise aussi « n’avoir pas travaillé sur le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni ». Il n’empêche que cette polémique tombe mal pour Facebook qui, comme Twitter ou Google, est accusé depuis des mois d’avoir contribué à manipuler l’opinion publique.

Facebook et les autres groupes technologiques vont bientôt devoir composer avec les nouvelles lois sur les données privées, comme le règlement européen général sur la protection des données, souligne David Carroll, enseignant à la Parsons School of Design. « Facebook et Google vont devoir demander à leurs utilisateurs bien plus d’autorisations pour utiliser leurs données », dit-il, « et beaucoup de gens refuseront, donc (…) cela aura un énorme impact sur ces entreprises ».

Une mine d’or pour les campagnes politiques

Cette affaire a fait ressortir la valeur des données dans le domaine politique. « Des données qui vaudront bientôt plus cher que l’or », dit Van Zandycke dans De Tijd. Des données précieuses pour les entreprises, mais aussi, et peut-être même plus pour les partis politiques. Lui qui conseille des nombreux partis en Flandre en sait quelque chose. « Personne n’ignore que la N-VA est largement en avance par rapport à ses concurrents dans ce domaine. Mais Groen ne s’en sort pas trop mal. Ils se sont inspirés de leurs collègues néerlandais. Même les partis traditionnels sont aujourd’hui en train de leur emboiter le pas ». Une démarche des plus utiles lorsqu’on sait que celui qui maitrise les data aura un large avantage aux prochaines élections. « J’ai longtemps cru que le réel démarrage de la révolution numérique aurait lieu pour les élections de 2024, mais force est de constater que déjà pour celle de 2019 les partis flamands mettent le paquet. » dit-il encore dans De Tijd.

A ceci près qu’il n’existe pas encore en Belgique de big data qui serait pertinent pour les partis politiques dit Van Zandycke. On ne peut tout simplement pas comparer la Belgique aux États-Unis. Là-bas, de telles données sont simplement à vendre alors qu’ici les partis doivent développer en interne de telles banques de données. C’est beaucoup plus fastidieux. Et les partis dans nos contrées possèdent aussi un certain sens éthique qui empêche une récolte « sauvage » de genre de données. Aujourd’hui, ils sont encore dans une phase de recherche sur ce qui est possible. Ce ne sera probablement que pour les élections de 2024 que l’on va vraiment voir le résultat.

A l’heure actuelle, ils se contentent simplement de mieux cibler leur campagne à la manière des annonceurs classiques. Soit sur base des intérêts ou des like. Les résultats de ces campagnes sont aussi « monitorées » pour construire des banques de données à petite échelle pour corriger les futures campagnes en retenant par exemple les messages qui ont le mieux marché ou les tranches horaires les plus porteuses. Du simple marketing en quelque sorte. Ces données permettent néanmoins de changer leur manière de faire campagne. Avant, on ne pouvait que se fier qu’à des stratèges ou à son instinct politique. Aujourd’hui, on peut aussi se baser sur des données statistiques pour déterminer quels thèmes et messages sont porteurs. Des données particulièrement intéressantes pour les élections locales ou le « personnal branding », faire une marque d’une personne, a encore plus d’intérêt.

Van Zandycke insiste cependant sur le fait que les médias sociaux ne sont pas aussi diaboliques que certains pourraient le penser. Cependant tout service mérite salaire, et tout ce qui est gratuit sur les réseaux sociaux se paye d’une certaine façon en données. C’est pourquoi il ne faut jamais perdre de vue que tout sur quoi on clique ou on like est d’une façon ou d’une autre enregistré. Cela permet d’avoir des annonces et des informations susceptibles de nous intéresser, mais aussi de mieux nous cerner. En partant de ce postulat, c’est donc de la responsabilité de chacun de savoir sur quoi il clique.

Avec AFP

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