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Emeutes du 11 novembre : le rapport de l’Inspection générale

Ce mercredi après-midi, le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), sera en commission de l’Intérieur pour débriefer les événements du 11 novembre. Le Vif/L’Express a eu accès au rapport intermédiaire de l’Inspection générale de la police. La direction de la police de Bruxelles-Ixelles en prend pour son grade, mais les policiers de terrain sont loués pour leur sang-froid.

Le rapport intermédiaire de l’Inspecteur général de la police sur la manière dont la police a géré les échauffourées survenues après la qualification du Maroc pour la coupe du monde est nuancé, mais il ne déroge pas à la conclusion qu’en a déjà tirée le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA) : les opérations de rétablissement de l’ordre ont souffert d’un manque flagrant d’anticipation et de coordination. Malgré ces critiques qui visent essentiellement l’état-major de la police locale de Bruxelles-Ixelles et l’autorité administrative (le bourgmestre), le rapport rend hommage à « l’attitude professionnelle des policiers » face à la violence des émeutiers, ainsi qu’à leur sang-froid. Il se préoccupe de leur sécurité (22 blessés dans leurs rangs, surtout par jet de projectiles) et suggère d’améliorer leur protection et de doter leurs véhicules de boucliers.

Emeutes du 11 novembre : le rapport de l'Inspection générale
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On se rend compte, à la lecture de ce rapport à quel point le bilan aurait pu être lourd. Il y avait, en effet, sur la place de la Bourse, un millier de supporters marocains, dont un seul a été blessé. Le rapport suggère que ces émeutes avaient été préméditées, que les rassemblements pour fêter le match Côte d’Ivoire-Maroc n’a été qu’un prétexte. Selon la reconstitution des événements, à 22h38, lorsqu’une camionnette a été renversée et incendiée, les casseurs étaient entre 500 et 600. A partir de 23 heures, les scènes de vandalisme urbain se transforment en pillages de magasin et en intrusions dans les maisons. « La police se trouve à 150 mètres et elle décide de ne pas intervenir jusqu’à 23h25. Le boulevard Lemonnier est alors dégagé et des patrouilles quadrillent le quartier. A partir de 23h45, la police prend contact avec les victimes. Vers 0h30, le calme est revenu. » La question-clé : pourquoi les policiers de terrain ont-ils laissé faire alors que des renforts étaient disponibles ? Parce qu’il n’y avait personne pour prendre le « lead »…

Le manque de préparation

Le samedi 11 novembre à 14h30, lors de la réception qui suit la cérémonie du 11 Novembre, le bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS), glisse au chef de corps de la police locale de Bruxelles-Ixelles, Michel Goovaerts « Ce soir, il y a un match avec le Maroc ». « En raison des événements de Drogenbos (incendie chez Electrabel) et de son impact possible sur le territoire de la zone (…), les informations sur le match du Maroc ont été perdues de vue et n’ont pas fait l’objet d’une diffusion interne dans le corps de police. » Ni la police fédérale ni les autres zones n’avaient mentionné ce match comme étant à risque. La zone de police Buxelles-Ixelles avait d’autant moins d’informations que, reconnaît-elle, le quartier dans lequel les événements se sont produits est « problématique ». « La police n’a aucun contact avec la population et ne peut donc obtenir que peu ou pas d’informations ». Sans compter les réseaux sociaux que personne ne surveille.

Point positif relevé par le rapport : la zone a toutefois mis en place un peloton disponible 24 heures sur 24, en tenue de maintien de l’ordre, sous la direction d’un officier présent sur place. Le rapport remarque qu’ « en l’absence d’informations précises sur la possibilité d’émeutes, la simple information sur le match de football n’aurait probablement pas fait la différence en termes de moyens déployés. »

La gestion des incidents

Sur place, les policiers de Bruxelles-Ixelles ont battu le rappel des forces disponibles (ex-Réserve générale, un autre peloton bruxellois), mais « aucune réserve efficace ou rappelable n’a été fournie au niveau de l’arrondissement ou de la Province », épingle le rapport. Pourtant, vers 22 heures, les polices locales Montgomery, Marlow et Bruno ont envoyé 30 policiers équipés. Deux sections de la zone d’Anvers sont arrivées vers 23h30. Les renforts n’ont pas été utilisés : ils sont restés à la place de Brouckère. Vu le manque d’anticipation des émeutes, « aucun poste de commandement n’a été ouvert au niveau de la zone de police et aucun officier n’a été dépêché sur place pour assurer la direction et la coordination des forces sur le terrain ». Le responsable des opérations était, par défaut, l’officier du premier peloton arrivé à la Bourse. « Sans remettre en cause les compétences de cet officier, il est quasiment impossible d’assumer la gestion de son propre peloton en même temps que la gestion et la coordination de toute l’opération impliquant quatre pelotons », relève l’Inspection générale. Certes, il y avait des contacts téléphoniques entre cet officier et l’agent « dossier manager events » avec le chef de corps, Michel Goovaerts, celui-ci étant en contact avec le bourgmestre, mais « ce n’était pas adapté aux circonstances ». Vers 21 heures, la zone Midi a signalé à Bruxelles-Ixelles qu’elle disposait d’un peloton et de 24 agents en civil. De son côté, elle est intervenue à deux reprises pour juguler des actes de vandalisme (sur son territoire ? Le rapport ne le précise pas). L’Inspecteur générale de la police « se demande dans quelle mesure ces forces n’auraient pas pu être déployées pour traiter plus rapidement les problèmes du boulevard Lemonnier ».

Emeutes du 11 novembre : le rapport de l'Inspection générale
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Le rapport indique aussi qu’en l’absence d’un plan anti-émeutes, la police de Bruxelles-Ixelles s’en est tenue à sa manière habituelle de restaurer l’ordre public, c’est-à-dire tout en retenue : ainsi, le feu vert pour utiliser l’autopompe et les gaz lacrymogènes doit être donné par la direction de la police. Et c’est le bourgmestre lui-même qui a donné l’ordre de faire évacuer la place de la Bourse. « Le désengagement s’est fait par plusieurs sauts offensifs suivis d’un désengagement tactique. » Mais cette « désescalade » n’a pas empêché les policiers d’être pris à revers et de subir les jets de pierres récupérées par les émeutiers. Enfin, le rapport intermédiaire n’apporte pas de réponse à la question de savoir pourquoi les policiers n’ont pas tenté d’arrêter les pillages au boulevard Lemonnier, tout en soulignant leur attitude professionnelle face « à la violence extrême des émeutiers ». L’Inspecteur général dit comprendre la frustration des habitants « qui se sont sentis abandonnés » et aussi celle des policiers, dont la raison d’être est de prévenir ou faire cesser ce genre d’exactions.

Sur le terrain de la casse, ce soir-là, il n’y avait aucune équipe d’arrestation ou de vidéo, à la différence de ce qui s’est passé à la Monnaie, le 15 novembre dernier, où plusieurs fauteurs de trouble ont été repérés et arrêtés. Des leçons avaient déjà été tirées des événements du week-end précédent.

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