Thierry Fiorilli

De Wever, ce porte-voix belge

Thierry Fiorilli Journaliste

Eux et nous. Les mauvais d’une part, de l’autre les bons. Les Wallons et les Flamands. Ceux qui profitent et ceux qui travaillent. Les Asiatiques et les Berbères… Dans son discours comme dans sa gestion d’Anvers, Bart De Wever aborde systématiquement le monde, la vie et les gens en noir et blanc. On dit alors qu’ « il polarise » la scène politique.

Concrètement, sa vision de la société oppose sans cesse une catégorie d’individus à une autre. Et son action politique utilise cet affrontement comme argumentation, moyen et finalité. Autrement dit : en postulant qu’une partie des citoyens (les Wallons, les socialistes, les médias, les allocataires sociaux, les Berbères) constituent toujours un problème voire une menace pour l’autre partie (les Flamands), il justifie de facto des mesures sociales, fiscales, budgétaires, sécuritaires et institutionnelles qui aboutissent à plus ou moins court terme au divorce pur et simple d’avec la Flandre.

En soi, ce n’est ni nouveau ni surprenant ni inexplicable : De Wever est le chef d’un parti séparatiste qui annonce la couleur sans ambages depuis sa création – il y a un peu plus de 13 ans maintenant -, qui puise allègrement ses électeurs, et probablement au moins une frange de ses élus, dans le vivier d’extrême-droite, et qui a fait main basse sur tous les niveaux de pouvoir en Belgique (communal, régional et fédéral). Personne ne peut donc plus réellement s’étonner de la teneur de ses propos, qu’il s’agisse de l’avenir du pays, d’ordre public, d’immigration ou de répression.

Peut-on (doit-on ?) pour autant s’indigner des saillies à répétition du chef de la N-VA, grand amateur de provocations, de polémiques et de postures belliqueuses ? On peut. Mais c’est la justice qui, le cas échéant, tranchera sur leur caractère raciste ou non. En revanche, si c’est au citoyen d’en juger, et si le procès porte sur « le couplet berbère » chanté par le bourgmestre d’Anvers, il n’est pas sûr que le verdict lui soit fort défavorable. On ne le vérifiera, au sortir des urnes, que dans trois ans minimum, mais, instinctivement, on peut penser qu’une très large proportion de Flamands pensent comme Bart De Wever. Et probablement de francophones aussi, d’ailleurs. Parce que le radicalisme religieux est devenu, aujourd’hui, l’ennemi public numéro un. Que ce radicalisme n’est à l’oeuvre, peu ou prou, qu’au sein d’une seule communauté. Que cette communauté est, dans sa majorité, d’origines maghrébines. Et que, donc, ce sont ces origines qui incarnent donc, aux yeux de beaucoup (et toujours davantage), un danger intra muros, permanent, couvrant toute l’échelle de Richter de la criminalité (de la petite délinquance au terrorisme le plus extrême).

De Wever dit tout haut ce qu’une majorité de… Belges pensent (de moins en moins) tout bas

Il ne faut dès lors pas se leurrer : De Wever, à des fins électoralistes ou non, a dit tout haut ce qu’une majorité de… Belges pensent tout bas (de moins en moins). On a bien sûr le droit de le déplorer. Et de s’en indigner. Mais se limiter à crier haro sur l’homme le plus puissant du pays empêcherait, encore, de prendre en compte l’un des soucis majeurs et prioritaires rongeant l’opinion publique. Et donc, empêcherait qu’on – les autres partis que la N-VA et que ceux qui prônent clairement ou non l’exclusion, le rejet, le manichéisme de bas étage en somme – lui propose des réponses, enfin, permettant d’approcher voire, mieux, d’édifier une véritable et durable cohésion sociale. Entre quelles communautés que ce soit.

En ce sens, Bart De Wever, à son corps défendant, pourrait avoir fait preuve d’utilité publique. Pour tous les Belges. Berbères inclus.

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