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Comment Molenbeek est devenue ce qu’elle est

Décrite comme une plaque tournante du djihadisme, Molenbeek a fort souffert de la désindustrialisation dans les années 1970.

Au début du 19e siècle, Molenbeek (littéralement ruisseau du moulin) était un lieu de pèlerinage dédié à Saint-Jean Baptiste et peuplé de moins de 2000 âmes. Aujourd’hui, elle compte 97.000 habitants sur moins de 6 km2, ce qui en fait la deuxième commune la plus densément peuplée de la Région bruxelloise après Saint-Josse. Sa population a même crû de 25.000 unités en quinze ans.

Molenbeek a connu plusieurs vagues d’immigration au cours du 20e siècle: Italiens, Espagnols, Portugais, suivies dans les années 1970 par les Marocains et les Turcs. « Jusqu’après la Deuxième Guerre mondiale, Bruxelles était un centre d’activités industrielles, et même plus importantes que Gand ou Liège, ce qui a amené un grand nombre de travailleurs immigrés dans la capitale, explique l’historien Roel Jacobs. Un quartier de Molenbeek s’appelait même le petit Manchester, en référence à deux énormes fabriques de constructions métalliques implantées là depuis le 19e siècle ». L’une était dédiée au matériel pour les chemins de fer, alors en plein essor. Le canal de Charleroi a fortement contribué au développement économique de la commune.

Ensuite, Bruxelles s’est désindustrialisée pour devenir une ville où le secteur tertiaire a pris une ampleur toujours plus grande, notamment avec la création de la Communauté économique européenne (CEE) en 1958. « En fait, les Italiens et Espagnols sont arrivés au bon moment, et ont pu s’enrichir avant de déménager vers d’autres quartiers, explique Yanik Van Praag, historien à La Fonderie. Par contre, les Marocains ont débarqué à l’époque du choc pétrolier, au moment où les usines ont commencé à fermer et le chômage à augmenter massivement. Comme ils étaient des ouvriers non qualifiés, ils sont donc restés coincés dans leurs quartiers. Ils n’ont pas pu bénéficier de l’ascenseur social. »

« L’immigration maghrébine était d’abord le fait d’hommes seuls, qui avaient l’idée de rentrer au pays, complète Roel Jacobs. Ils se sont installés dans un habitat vieilli, mais qui était payable. Ils ont ensuite fait venir leurs familles. C’est ainsi que le modèle d’origine a pris toujours plus de poids dans la commune. » D’autant que parmi ces membres de la famille, beaucoup ne parlaient pas le français, notamment les mères.

Les premiers signes de radicalisme islamiste à Molenbeek apparaissent dès les années 1990, qui marquent l’arrivée à l’âge adulte d’une nouvelle génération en manque de perspectives. Pour Yanik Van Praag, c’est davantage la troisième génération, celle qui a aujourd’hui entre 14 et 20 ans, qui est en rupture identitaire. « Quand on discute avec des ouvriers marocains de la 1ere génération, l’islam n’avait pas une prégnance aussi forte. On pouvait aller boire une bière avec certains ».

Contrairement à l’idée reçue, Molenbeek n’est pas une commune uniforme : « Elle est même radicalement coupée en deux », précise Yanik Van Praag, avec d’une part les anciens quartiers industriels entre le canal et la gare de l’Ouest, où vit une population d’origine immigrée fortement frappée par le chômage, et au-delà des quartiers résidentiels beaucoup moins marqués par l’immigration et plus verdoyants. Les scores électoraux entre PS et MR épousent d’ailleurs cette démarcation.

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